Alors que l'année commence et que Free Mobile fêtera ses neuf ans la semaine prochaine, Xavier Niel a évoqué publiquement différents sujets allant du fixe au mobile, en passant par les offres B2B et la régulation du secteur.
Ce lundi, le patron d’Iliad/Free s’est exprimé au micro de François Sorel qui présente désormais Tech & Co sur BFM Business, après le départ de Sébastien Couasnon. Une intervention peu avant l'anniversaire de Free Mobile, alors que les opérateurs viennent de donner le coup d’envoi de leur 5G commerciale, sous le regard attentif de l’Arcep.
Dans le même temps, le régulateur se prépare à accueillir le successeur de Sébastien Soriano à la présidence. Laure de la Raudière a été officiellement proposée, elle doit encore être confirmée à ce poste (nous y reviendrons).
Le patron d’Iliad est d’abord revenu sur la crise sanitaire et les périodes de confinement. Comme nous l’avions déjà expliqué en analysant les bilans trimestriels, il indique que « les opérateurs télécoms ont été assez peu touchés par la crise du Covid ». De plus, tous les investissements dont il dispose dans la tech étaient « explosifs ».
Pour Xavier Niel, la crise sanitaire a surtout montré – pour ceux qui en doutaient encore – l’intérêt des connexions fixes haut et très haut débit. L’explosion du télétravail et de l’école à distance multipliant les usages.
Sur le mobile aussi les réseaux ont été très sollicités, « mais on est habitués avec une forte croissance de consommation et les réseaux sont surdimensionnés ». Dans tous les cas, il n’y « a pas eu un moment où on s’est dit waouh on sature », affirme-t-il.
Le « succès » des Freebox Pop et Delta
La discussion a ensuite dévié sur les Freebox, notamment la Delta qui serait « devenue un succès » depuis le dernier changement opéré – que nous avions suggéré – lors du lancement de la Pop : « on a repris la delta, on l’a repackagé avec un Player différent et maintenant on a plusieurs mois de retard sur les migrations […] on est saturé ».
Les nouvelles offres faisaient indéniablement un pas dans le bon sens payant, même si l'on est encore loin de ce qui a fait les fondamentaux de Free : une offre claire, sans engagement, compétitive face à la concurrence.
Pour expliquer les « problèmes de stock », Xavier Niel pointe du doigt des soucis d’approvisionnement : « On a décidé d’arrêter le transport aérien pour des questions écologiques et donc on fait du transport routier et par bateaux, malheureusement on s’est retrouvé avec des moyens de transport saturés ».
La faute incomberait aux expéditions de masques dans un premier temps, puis à « d’autres » par la suite… sans plus de précisions. Après avoir dépassé les 100 000 souscriptions à la Freebox Delta mi-mars 2019, le patron d’Iliad reste évasif sur les chiffres : « on doit commencer à s’approcher du million » de box distribuées ; « on n’y est pas encore, mais on est dans de gros chiffres ». Interrogé sur le pourcentage de clients Pop profitant de la fibre, Niel se contente de donner des chiffres globaux : « chez les nouveaux abonnés, on est au-dessus de 50 % en fibre optique ».
Un peu moins de 50 % de la population serait couverte en 5G
Après le fixe, le mobile et donc la 5G qui est sur toutes les lèvres ou presque depuis des mois. Selon Xavier Niel, le sujet est largement plus présent auprès du grand public, car depuis le lancement de la 4G « le mobile est entré dans notre vie de manière beaucoup plus présente » : « au moment du lancement de la 4G, 30 % des Français avaient un smartphone. Au moment de la 5G on doit être à 70 % ».
Alors que Free Mobile revendiquait 40 % de la population couverte en 5G lors de son lancement mi-décembre, Xavier Niel pense aujourd’hui être « légèrement en dessous de 50 % ». L’opérateur a massivement réutilisé le 700 MHz afin de proposer une large couverture, ce qui a aussi des incidences sur les débits.
Interrogé sur le nombre de clients 5G, il botte en touche : « On a intégré la 5G sans surcout, je pense – je ne connais pas les chiffres de mes concurrents – qu’on est l’opérateur avec le plus d’abonnés ». Ils se chiffreraient en « grosses dizaines de milliers » : « on a peut être dépassé la centaine de milliers, mais je ne sais pas le chiffre exact ».
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Alors que revoilà la « fausse 5G »
Bien évidemment, la question de la « fausse 5G » est arrivée sur le tapis. La réponse de Xavier Niel est sans appel : « La 5G c’est une norme, on la respecte ou on ne la respecte pas ».
Un brin provocateur, il ajoute : « je vous mets au défi d’avoir une personne qui vienne se mettre devant ce micro et qui dise tel opérateur ou tel opérateur a de la fausse 5G ». Pour étayer son propos, il ajoute : «Vous ne parlez pas de fausse 4G quand vous faites de la 4G en 800 ou 900 MHz ».
Par le passé, Gregory Rabuel (directeur général de SFR Telecom) a déjà évoqué de la « fausse » 5G, mais en se gardant bien de citer un opérateur en particulier. « Si un opérateur [lançait] la 5G simplement en utilisant les fréquences 700 MHz, ce serait scandaleux », affirmait-il.
Xavier Niel balaye d’un revers de la main ces histoires de fréquences, précisant que les débits varient uniquement en fonction de la quantité de spectre dont on dispose : « Si vous avez 10 MHz de spectre, quelle que soit la fréquence vous avez le même débit ». C’est vrai, mais cette approche passe sous silence une autre réalité : les opérateurs ont entre 70 et 90 MHz sur dans les fréquences de 3,5 GHz, contre 5 à 10 MHz sur les 700 MHz et 0 à 10 MHz seulement en 800 MHz. Les débits théoriques sont mathématiquement plus faibles en 700/800 MHz qu’en 3,5 GHz. Sans parler de la zone couverte et donc du nombre potentiel d'utilisateurs.
Paris couverte en 5G d’ici fin février ?
Malgré un lancement à grand coup de communiqué chez l’ensemble des opérateurs, Paris et d’autres grandes villes ne sont toujours pas officiellement couvertes en 5G. En cause des moratoires de certains maires. L’Arcep joue la carte du dialogue et demande aux opérateurs de ne pas passer en force pour le moment.
Les choses seraient en train de se débloquer pour la capitale selon Niel, qui semble marcher sur des œufs : « Paris a été une ville prudente, il y a une peur… la ville a essayé de faire les choses plutôt bien. Il faut être positif c’est en train d’arriver […] Je pense avant fin février pour tous les opérateurs ». « Je crois que tous opérateurs couvrent un peu autour de paris avec des antennes 5G [de banlieue, ndlr] dirigées vers Paris », ajoute-t-il.
Suffisant pour que les Verts demandent la suspension du déploiement à Anne Hidalgo. Certains opérateurs jouent de leur côté la carte de l'opposition avec les besoins des utilisateurs, en mentionnant clairement la raison de l'absence de couverture dans la zone, comme l'a relevé Arnaud R.
En octobre, après les enchères, Stéphane Richard annonçait que « la voie [était] libre pour la mutualisation de la 5G entre Orange et Free ». Il s’agit d’une certaine manière de répliquer l’accord entre Bouygues Telecom et SFR. Xavier Niel confirme, mais ajoute que les discussions en « sont vraiment à leur début ».
Il donne quelques précisions : « L’idée c’est d’avoir un réseau unique sur la totalité de [certaines] zones pour l’ensemble de nos abonnés, ce qui ne nous empêche pas d’utiliser nos fréquences et de chacun continuer à déployer ce qu’on souhaite, et avoir notre indépendance suffisante pour être capable de se différencier ».
Le régulateur des télécoms a déjà fait savoir que, de manière générale, il n’était pas opposé à des accords de mutualisation, à condition qu’ils respectent certaines conditions.
Laure de la Raudière à l’Arcep ? « Pas sûr que Donald Trump aurait osé »
Lors de l’interview de Xavier Niel par François Sorel, des rumeurs sur la possible nomination de Laure de la Raudière avaient fait surface, mais rien n’était alors officiel (même si la confirmation est depuis tombée). Le patron d’Iliad s’est montré très « agressif » sur le sujet :
« [Laure de la Raudière] est très compétente, connait bien le secteur et les télécoms. J’étais un peu surpris de cette info en toute franchise, car elle a travaillé quinze ans chez Orange. Nommer à la tête d’une autorité indépendante quelqu’un qui a bossé quinze ans chez Orange ça me parait un peu surprenant. Je pense que Les Échos ont commis une erreur, c’est une coquille ou ils ont une mauvaise info […]
Je peux me proposer aussi pour être patron du régulateur. Je ne peux pas supposer que ce soit juste, je pense qu’on a besoin d’un homme ou d’une femme qui connaisse aussi bien les télécoms que Laure de la Raudière, mais qui n’ait pas travaillé dans le secteur. Je pense que ça serait mieux.
La concurrence en France elle marche parce qu’on a une autorité indépendante qui depuis vingt ans a fait le boulot pour permettre à cette concurrence d’exister. Et ça me paraitrait incohérent d’avoir un gouvernement, un président ou un Premier ministre qui prenne une décision qui soit celle-ci. Mettre un politique dans une autorité indépendante moi je ne l’ai jamais vu, mais bon pourquoi pas, et d’autant plus quand il s’agit de quelqu’un qui a travaillé chez un des opérateurs qu’il s‘agit de réguler aujourd’hui.
Je ne suis pas sûr que Donald Trump lui aurait osé faire un truc comme ça. Je ne pense pas que ça puisse être vrai tellement c‘est énorme ».
La suite lui apprendra que non puisqu’elle est officiellement proposée au poste de présidente de l’Arcep. C’est presque à se demander si une telle fougue dans les propos de Niel ne serait pas une tentative de dernière minute de pousser le gouvernement à trouver quelqu’un d’autre… Il a d'ailleurs été critiqué pour ces propos.
Quoi qu’il en soit, Laure de la Raudière doit encore passer des auditions devant l’Assemblée nationale et le Sénat avant d’être définitivement nommée à la tête du régulateur des télécoms.
Du B2B dans « quelques semaines »
Enfin, une partie de l’interview portait sur le lancement – très attendu – des offres visant les professionnels par Iliad/Free. La société de Xavier Niel s’est pour rappel renforcée sur ce segment avec le rachat de Jaguar Network et il dispose aussi Scaleway dans sa besace afin d’ajouter des services.
Il ne donnera aucun détail sur les prochaines offres qui « sont prêtes » assure-t-il, si ce n’est que le but est de proposer des services « très technologiques » à « un rapport qualité prix juste », c’est en tout cas le « raisonnement » de base. « On est a quelques semaines du lancement de ces activités », ajoute-t-il.