Free, ce n'est plus ce que c'était. En 20 ans, ce promoteur d'une offre accessible claire, innovante et où le client est libre, s'est peu à peu transformé en ce qu'il disait vouloir combattre : un fournisseur d'accès comme les autres. Alors que la Freebox Pop (v8) se prépare, que pourrait faire l'entreprise pour redevenir un véritable trublion ?
En 2002, Free cassait les codes avec une offre ADSL unique à 29,99 euros par mois et sa première Freebox. Un exploit renouvelé en 2011 avec la Révolution, deux boîtiers et un OS complets faisant office de NAS, en avance sur leur temps. Au point d'être encore considérée aujourd'hui comme une référence du genre, bien que sur le déclin.
Not Free Anymore
Depuis, Free a multiplié les impairs et virages par rapport à ce qui constituait ses valeurs. Son offre est devenue complexe avec pas moins de six forfaits, sans compter les anciens toujours proposés et autres ventes privées.
L'engagement y est le plus souvent la règle (hors Delta), tout comme le tarif faible valable « la première année » favorisant non pas les clients fidèles mais ceux qui changent régulièrement de crèmerie. Il y a aussi des incohérences, comme l'option TV incluse, à ajouter ou à retirer selon les cas et pas toujours au même tarif (qui dépend des jeux de remise de couplage et de TVA). Dans le cas de la Delta S, elle n'est tout simplement pas proposée.
Fin 2018, on découvrait d'ailleurs deux nouvelles box : la One et la Delta, seules à bénéficier de la nouvelle interface TV. La première intègre la même partie modem que la Freebox Révolution, à quelques petites évolutions près. Sa partie multimédia est par contre plus véloce, mais son intérêt est limité par son aspect tout-en-un. Si votre TV n'est pas à côté de votre prise téléphonique ou de l'arrivée de la fibre, elle n'est pas pour vous.
La Delta bénéficie d'une partie modem intéressante, bien qu'imposante et moins facile à gérer du fait de son interface tactile en façade : fibre jusqu'à 10 Gb/s, cage SFP+ pour le réseau local à 10 Gb/s (hors cuivre), quatre emplacements pour HDD/SSD, gestion des machines virtuelles, ADSL+4G, Wi-Fi 5 (Wave 2, 160 MHz), USB 3.x dont Type-C, etc.
Son boîtier Player fait moins l'unanimité. Du fait de sa méthode de commercialisation tout d'abord, puisque l'on peut seulement l'acheter à 480 euros (en une ou plusieurs fois), alors qu'il est trop limité lorsqu'utilisé hors du réseau Free. Ensuite parce qu'il n'a pas tenu toutes ses promesses : la télécommande tactile a été un échec, l'assistant OK Freebox s'avère peu utile, on attend toujours le Dolby Atmos, aucune application de premier plan n'a intégré le Store, etc.
Des regrets que l'on retrouve aussi sur le modem, avec des VM plus limitées qu'à leur début. Elles sont d'ailleurs un prétexte à ne pas intégrer de vraies nouveautés au sein de Freebox OS, qui n'évolue presque plus. Si vous voulez profiter de DNS over HTTPS, vous devrez installer votre propre serveur relai, par exemple.
La domotique est également un bon sujet d'espoirs déçus, puisqu'en dehors du pack de sécurité Free et de Somfy (unique grand partenaire), rien n'est exploitable malgré le support de SigFox et de nombreux autres protocoles/bandes de fréquences. Ainsi, bien que disposant de tout ce qu'il faut pour gérer des appareils en 2,4 GHz, il est impossible de contrôler directement des produits ZigBee, comme ceux de la gamme Philips Hue.
Dans ce cas, la gestion passe par l'application Freebox et l'API locale du pont Hue. Pour le reste, il faut installer JeeDom dans une machine virtuelle. Mais un seul port USB étant accessible aux VM, un seul protocole peut être exploité.
Ne cherchez aucune logique dans ces offres
Côté tarif, ce n'est pas plus intéressant ou cohérent. Avec ses offres Sosh sans engagement, dès 20 euros hors promotion, Orange est désormais bien plus accessible et intéressant que Free pour de petits besoins. Même pour une Freebox Crystal, dérivée de la Freebox HD (v5), limitée à l'ADSL, il faut compter 25 euros par mois. Proposée à 35 euros, la Mini 4K lancée en 2014 est la seule réellement à moins de 40 euros... parce qu'elle n'intègre aucun service particulier (excepté la TV).
Tous les autres forfaits comprennent forcément un mix de TV by Canal Panorama, Netflix, Amazon Prime selon les cas. Seule exception : la Delta S (40 euros), sans aucun service multimédia, lancée suite aux multiples critiques de la nouvelle offre. La grille tarifaire réserve également quelques surprises : la Freebox One à 40 euros dispose de Netflix mais pas TV by Canal Panorama. Pour la Freebox Révolution à 45 euros... c'est l'inverse. Trop complexe, l'ensemble est digne d'une matrice d'A/B Testing qui aurait oublié de prendre fin. Comme un symbole de la dérive de Free ces dernières années.
Sous peu, l'entreprise devrait (enfin) lancer sa Freebox v8, qui serait nommée Pop. On sait encore peu de chose à son sujet, si ce n'est qu'elle sera très certainement sous Android TV, avec du réseau à 2,5 Gb/s. Si l'on espère que le Wi-Fi 6 sera également de la partie à son tour, on attend surtout une refonte de l'offre.
Car plus que proposer de nouveaux boîtiers, Free doit retrouver de sa superbe. Et cela demandera forcément de repenser la gamme de forfaits en profondeur. Voici notre liste de souhaits « au père Niel ».
En finir avec l'engagement
Avec sa marque « Free », le groupe Iliad était à ses débuts très attaché à la liberté de ses clients. Si c'est toujours le cas sur l'offre mobile ou sur le fixe avec Delta (S), le reste du temps, s'abonner chez Free c'est signer pour 12 mois.
La mécanique de promotion la première année et les différents frais annexes devraient être suffisants pour limiter la volonté des clients de partir ailleurs plus rapidement. Et si ce n'est pas le cas, c'est qu'ils sont sans doute mécontents. Les forcer à rester n'est donc pas la meilleure solution à apporter... même si c'est la plus simple à mettre en place.
La gestion des frais de mise en service gagnerait à être unifiée, la Freebox Delta en étant dispensée... mais pas la Delta S.
Ne plus proposer la Freebox Crystal
Free n'est plus le moins cher, mais il est l'un de ceux recyclant son matériel le plus longtemps. Le cas de la Freebox Crystal est flagrant. En 2020, il est temps que cette box d'un autre âge – elle ne propose même pas de VDSL2 – disparaisse !
Là encore, on aimerait que Free s'inspire d'Orange qui fournit la Livebox v4 dans son forfait Sosh à 20 euros par mois. D'autant que le FAI dispose d'un remplaçant lui-même déjà surexploité : le modem de la Freebox Révolution, miniaturisé avec la Freebox Mini 4K (puis dans la One). Gérant le VDSL2 ou la fibre, il est parfaitement adapté à une offre à petit prix.
Est-ce vraiment digne d'une box proposée en 2020 ?
Rationaliser les offres
Terminé la dizaine de forfaits ! Free doit revenir à ce qui a toujours fait son succès : une gamme simple, lisible. Outre l'évolution de l'entrée de gamme, le ménage doit être fait dans le trio Mini 4K, Révolution et One.
Et c'est sans doute ce qui demandera les choix les plus difficiles. Car si le remplacement de la Mini 4K par la Pop ne devrait pas être compliqué à mettre en œuvre, que faire des deux autres ? La Révolution est encore appréciée, mais la laisser nuit à la visibilité. Free osera-t-il s'en séparer ou la mettra-t-il de côté, via une offre « legacy » ?
La Freebox One n'a que peu d'intérêt dans l'offre actuelle, mais son côté tout-en-un peut intéresser des clients, notamment ceux qui ont une place réduite ou qui ne veulent pas d'une box sous Android TV. Elle pourrait elle aussi n'être proposée que comme une alternative plutôt qu'un forfait à part entière.
Être le premier à proposer une offre réellement modulaire
C'est là que la notion de modularité de l'offre entre en scène. Cela fait des années que les FAI tournent autour de ce concept sans l'avoir réellement mis en œuvre. SFR le fait à sa manière avec sa Box 8, Bouygues Télécom a raté le coche avec sa Bbox Smart TV. Free pourrait donc se démarquer.
L'idée serait d'enfin accepter de décorréler l'accès à internet des services multimédia dans le choix de l'abonnement. Un peu à la manière des Freebox Delta et Delta S. Mais sans faire, justement, l'erreur du double forfait. Free pourrait proposer trois niveaux d'accès internet fixe, avec ses trois modems :
- Classique : 1 Gb/s, Wi-Fi 5, appels vers les fixes inclus (mobiles en option)
- Pop : 2,5 Gb/s et autres avantages à découvrir, appels vers les fixes et mobiles inclus
- Delta : 10 Gb/s, NAS avec RAID et machines virtuelles, domotique, appels vers les fixes et mobiles inclus
Ces offres pourraient même rester aux tarifs actuels : 20/25, 30 et 40 euros, sans services multimédia. Le client paierait ainsi pour ce qu'il vient chercher chez un FAI : un accès internet, de la connectivité et de la téléphonie. Dans l'idéal, chacun pourrait même être libre d'utiliser le routeur/modem de son choix, mais cela ne semble pas vraiment au programme.
Et pour la TV ? Nombreux sont ceux à avoir accès à la TNT, à utiliser des services en ligne (TV à la demande, SVOD) sans avoir besoin de leur FAI ou à s'en passer, tout simplement. Des cas où la box multimédia est inutile. Pourtant, ces mêmes clients peuvent avoir besoin d'un haut niveau de service sur le débit de leur connexion, leur réseau local, etc.
Différentes « expériences » Freebox
Pour ses clients désirant l'intégration de services multimédia, Free pourrait se réorganiser autour de trois options correspondant à différents niveaux d'intégration de l'écosystème maison. De quoi répondre à divers besoins et préférences tout en préservant une montée en gamme tarifaire et en reprenant à son compte la « disparition de la box ».
Commençons par les abonnés à petit budget voulant simplement l'accès à Freebox TV et déjà équipés d'appareils comme une Smart TV, un boîtier/smartphone/tablette d'Apple ou Google. Ici, Free pourrait simplement faire ce qu'il fait déjà sous Android TV : proposer une application à installer, accessible à ses clients contre un paiement mensuel.
Et si Molotov était le futur de Freebox TV ?
Xavier Niel ayant investi dans Molotov, qui propose ses services aux professionnels, il y a sans doute une carte à jouer. Il faudra d'ailleurs voir si la prochaine évolution de l'offre n'est pas l'occasion de limiter les partenariats avec Canal+ qui, proposant myCanal, OCS, Netflix, Disney+ et autres, constitue plus un concurrent qu'un partenaire.
Vient ensuite la Freebox Pop sous Android TV, qui pourrait être proposée à l'achat ou à la location. Elle serait présentée comme une solution clé en main, à prix intermédiaire pour les habitués à l'écosystème de Google et pensée par Free. Et intégrer différents services TV de base (Molotov ?) avec Netflix et/ou Amazon Prime en option par exemple.
Puis viendrait l'expérience Freebox complète : le Player Devialet, avec tous les services multimédia intégrés dans un pack tarif préférentiel, l'assistance vocale par Alexa (et OK Freebox), le pack de sécurité inclus, etc.
Et pourquoi pas une boutique Free plus complète ?
Free pourrait décider de faire comme pour le mobile, proposant des terminaux compatibles avec son offre via sa boutique en ligne, l'ouvrant à l'Apple TV, des Smart TV, accessoires, etc. Une source de revenus potentiels.
Ainsi, le client pourrait choisir son accès internet avec différents routeurs/modem et niveaux de prestation, accéder s'il le souhaite à des services multimédia intégrés à tarifs préférentiels (plus ou moins selon le niveau de l'offre de base par exemple) ou à la carte, tout en ayant la possibilité d'utiliser des terminaux pensés par Free ou ses partenaires.
Une offre qui serait plus en phase avec les usages actuels. Free aura-t-il misé sur certaines de ces possibilités lorsqu'il a conçu sa nouvelle offre ? Elle ne devrait plus tarder à être dévoilée, on le saura donc bien assez vite.