Saisi par la Ligue des droits de l’Homme, le Conseil d’État a stoppé net une initiative de la commune de Lisses. La ville avait décidé, à compter du 17 avril 2020, d’installer des caméras thermiques fixes et portables dans les locaux des services municipaux et dans ses écoles.
Objet ? Contrôler la température corporelle des personnes, élèves et enseignants compris, dans le contexte de crise pandémique. Saisi en urgence, le juge des référés a considéré que ce dispositif entrait dans le champ du règlement général sur la protection des données personnelles.
« Ce traitement, s’il porte sur des personnes identifiables et dès lors qu’il vise à apprécier l’état d’un paramètre significatif de leur état de santé au regard d’une pathologie particulière, porte sur des données personnelles de santé. » Concrètement, explique la décision, « les caméras affichent instantanément les contours d’un corps humain, et un code couleur indiquant l’écart à la normale de la température corporelle ».
Ainsi, si « l’identification des personnes dont la température est relevée par les agents ne permet pas de regarder cette donnée comme personnelle, il est possible que l’image traitée par le système, même non conservée, soit suffisamment précise pour être identifiante ».
Souci : le traitement ne repose sur aucune base légale, que ce soit l’intérêt public ou le consentement des personnes concernées. Certes, la commune allègue avoir adressé à chaque famille un formulaire de consentement aux règles du protocole sanitaire de retour des enfants en classe « établipar les pouvoirs publics », mais la démarche a été jugée bien vaine.
La ville n’a été « en mesure ni de montrer que ce consentement a été effectivement recueilli, conservé et consulté avant la mise en œuvre du traitement pour chaque enfant, ni qu’il a été donné de manière spécifique au traitement, en comportant l’ensemble des informations nécessaires ».
Surtout, « la circonstance que l’accès des enfants à l’école soit subordonné à l’acceptation de l’utilisation de la prise de température par caméra thermique exclut en tout état de cause que le consentement puisse être regardé comme libre ».
Dans son ordonnance du 26 juin 2020, il constate une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales et, contrairement au juge de Versailles saisi en premier recours, demande à la ville « de mettre fin sans délai à l’utilisation des caméras thermiques portables déployées dans les établissements scolaires ».