Il est enfin là, le rapport annuel 2020 de Copie France, la société chargée de collecter la redevance pour copie privée pour la SACEM ou la SACD notamment. Dans le rapport, on découvre que les remboursements restent résiduels et que les ayants droit veulent aussi frapper le time shifting de redevance.
Cette année, la société civile a finalement facturé 323 millions d’euros de copie privée sur l’ensemble des supports vierges soumis à cette ponction culturelle. Elle a collecté 295 millions d’euros, somme pour laquelle ses frais de gestion s’élèvent à 2,5 millions d’euros.
« Hors éléments exceptionnels, le montant des collectes s’élève à 273 040 k€ et représente une augmentation de 5,4 % par rapport à 2019 ». Pourquoi cette différence entre 295 et 273 millions d’euros ? Tout simplement parce que le montant le plus élevé intègre notamment des régularisations rattachées comptablement à des exercices précédents.
Cette année encore, ce sont les smartphones et les tablettes qui occupent à eux seuls 80 % des collectes. En part de marché, les premiers remportent la palme à 67 % de parts de marché, en baisse cependant par rapport à 2019 (-6 % de facturation). Ce sont les produits de haute capacité (>64 Go) qui obtiennent la médaille d’or à 40 % du total déclaré en volume.

Source : Copie France.fr
« Les services nPvr viendront à terme se substituer aux supports physiques »
Si Samsung est le plus gros acteur connu, loin devant Apple, c’est tout simplement parce que les produits à la Pomme sont « fondus dans les déclarations des grossistes importateurs » et que les ventes effectuées par Apple Retail France sont résiduelles.

Source : Copie France.fr
Pour les tablettes, deuxième du classement, Copie France souligne que la part des facturations représente 12,9 % (hors régularisation). « En 2020, le marché des tablettes Média a fait un bond de plus de 9 millions d’euros et augmente la part dans les collectes totales. Ces 9 millions d’euros correspondent à une augmentation de 50 % du nombre de tablettes, qui s‘explique à notre sens par le confinement imposé aux foyers français. »
Non loin, les box et décodeurs où les sommes facturées « passent de 8 millions d’euros à 16 millions d’euros en 2019 ». En volume, « 857 000 box ont été déclarées (…) contre 580 000 l’année précédente ». Bouygues est largement en tête dans le tableau des quantités déclarées cette année. « Cet opérateur a réalisé des investissements importants pour installer la fibre ce qui a semble-t-il porté ses fruits en termes de nombre d’abonnés ».

Du côté des nPVR, ces « magnétoscopes en ligne », la hausse des facturations est de 177 %, part qui ne représente que 1,6 million d’euros de facturations en 2020 contre 570 000 euros l’année dernière. Cinq acteurs « se partagent le marché avec Molotov, Orange, SFR, Free et Vitis ». Si les montants sont encore ridiculement bas, le rapport pense que « les services nPvr viendront à terme se substituer aux supports physiques ».
Des remboursements et exonérations résiduels
En France, le système est très favorable aux sociétés de gestion collective, puisque la redevance est prélevée à l’importation ou à la fabrication, à un stade où on ne connait pas encore la destination finale du produit. Les ayants droit refusent bec et ongle que la redevance soit prélevée chez les revendeurs finaux.
Les professionnels se retrouvent donc à acheter des supports frappés de redevance copie privée, alors qu’ils ne réalisent pas ces copies et que le droit européen réserve cette ponction aux duplications d’œuvres effectuées par les seuls particuliers.
Résultat des courses : les pros doivent payer puis passer par une procédure d’exonération ou de remboursement, l’une et l’autre introduites dans notre droit par une loi de 2011, sur pression du Conseil d’État et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans son rapport, Copie France s’enorgueillit d’avoir signé au total 2 791 conventions d’exonération…seulement ce chiffre imposant est cumulatif depuis la mise en place de la loi de 2011.
Ainsi, en 2020, seules 30 conventions nouvelles ont été passées en 2020. Toujours l’an passé, « ces exonérations conventionnelles [ont représenté] en moyenne, 6 913 euros non collectés par convention ». Selon les derniers chiffres en ligne, seules 1 525 sociétés et autres structures mêmes publiques bénéficient d’une convention active.
Et les remboursements ? Copie France affiche un montant de 4,8 millions remboursés aux professionnels… mais là encore c’est un chiffre boule de neige qui amasse l’ensemble des sommes remboursées depuis 2013.
Un montant finalement très bas. L’étude d’impact de la loi de 2011 estimait entre 20 et 30 % le montant des flux « pro » rétrocédés chaque année. Soit un montant théorique entre 55,8 et 83,7 millions d’euros pour la seule année 2020 !
Copie France veut frapper la mémoire flash utilisée par le time shifting
« La pause du direct s’apparente à de la copie privée » avait déjà estimé souverainement l'un des représentants de Copie France en 2017.
Page 35 du rapport, on découvre dans la masse des contentieux actuellement ouverts, celui opposant Orange et Copie France.
Le FAI « donne à sa clientèle la possibilité d’effectuer des copies en Time shifting au moyen d’une mémoire flash équipant les décodeurs mis à disposition de ses clients. Copie France considère cette activité comme relevant de la copie privée, ce que conteste la société Orange ».
Ainsi les ayants droit estiment qu'un contrôle du direct, à savoir la possibilité de réaliser une pause dans les flux diffusés en temps réel à la TV, relève bien de la copie privée. Et ils entendent ainsi percevoir leur dîme sur la surface de mémoire utilisée à cette occasion.
Les mêmes rappellent qu’ils ont poursuivi une dizaine de sociétés de reconditionnement de téléphones et tablettes « considérant que les produits qu’elles vendent sont assujettis ». Ce contentieux est arrivé tardivement, bien avant le vote le 1er juin 2021 d’un barème dédié à ces produits de seconde vie.
En 2018, Copie France estimait pourtant que ces supports étaient bien hors champ. Il est vrai que le courrier de Copie France, révélé dans nos colonnes, concernait une enseigne qui tentait d’obtenir le remboursement de 5 346 euros de redevances qu'elle avait acquittés lors de l'achat de téléphones d’occasion destinés à être exportés...