Selon nos informations, réunis en séance plénière hier, les membres de la Commission Copie privée ont adopté les questionnaires pour l’étude d’usages sur disques durs nus et ordinateurs. Ultime étape avant l’élaboration d’un barème dédié à ces îlots jusqu'alors préservés.
Pour mémoire, la redevance pour copie privée est destinée à compenser financièrement la liberté pour les utilisateurs de réaliser des copies d’œuvres protégées. Pour établir un barème de perception sur une famille de support, la Commission réalise des études d’usages.
Ces études, toujours financées par les ayants droit, ceux-là mêmes qui font percevoir la redevance versée par les fabricants et les importateurs, consistent à jauger des pratiques de copies d’un panel déterminé. Pour qu’une telle étude soit lancée, encore faut-il qu’un questionnaire soit établi. C’est ce qui s’est produit hier.
Lors d’un échange en visioconférence, la Commission où les 12 ayants droit ont tous été favorables aux deux questionnaires mis sur la table, l’un relatif aux disques durs nus, l’autre concernant les PC fixes.
Méli-mélo mais adoption
Cette adoption ne s’est pas faite au fil d’un long fleuve tranquille puisqu’en dernière ligne droite, des membres de ce collège ont tenté d’introduire dans ces questionnaires le sujet des audiobooks. Soit un tremplin en or pour cette industrie afin de croquer elle-aussi un bout de redevance.
L’idée ? Considérer que l’importation sur disque dur de livres audio-numériques achetés en ligne relèverait de la copie privée.
De fait, une telle extension aurait enfanté un joli méli-mélo entre droit exclusif (les copies autorisées et négociées dans les contrats entre éditeurs et distributeurs) et exception au droit d’auteur (la copie privée, réalisée sans autorisation). Et surtout un double paiement.
Quelques jours plus tôt, ce cheveu est miraculeusement tombé dans la soupe d’un groupe de travail réunissant quelques membres de la Commission, qui n’ignorent évidemment pas que l’endroit n’est pas soumis à obligation de transparence, contrairement aux séances plénières de la commission.
Finalement, les membres, et avant tout les ayants droit, ont adopté une version préalable des deux questionnaires, remontant au 23 avril dernier.
2 500 personnes interrogées
Selon les documents en notre possession, la cible de ces études d’usages sera 1 000 possesseurs de PC fixe, 1 000 autres de PC portables et 500 répondants sur les disques durs nus, acquis séparément.
Comme dans les précédentes études, le sondeur invitera le sondé à lui ouvrir les tréfonds de son ordinateur, à savoir que « pour des raisons statistiques, nous souhaiterions connaitre le nombre de fichiers présents sur votre ordinateur (…) selon le type de contenus (fichiers musicaux, fichiers vidéos, fichiers images, fichiers textes) ».
Plusieurs questions plus bas, il devra indiquer, dans une démarche déclarative, les sources de ses fichiers, dont les systèmes Peer to peer comme « eDonkey, bookys.me, uptobox.com, Torrent, etc. ». Moins le sondé indiquera avoir téléchargé des fichiers illicites, à ce sondeur mandaté par le ministère de la Culture, plus les réponses pèseront sur le plateau d’une redevance élevée.
Pourquoi ? Car la copie privée compense les copies de sources licites, non celles venues de l’autre côté de la barrière légale, lesquelles se « compensent » par des actions en contrefaçon.
Une fois les résultats bruts collectés par l’institut CSA, en charge de cette étude, ces données serviront aux ayants droit pour proposer un barème d’assujettissement pour frapper les disques durs nus, les PC portables et les PC fixes ou de bureau.
Confirmée, l’extension de la redevance à ces nouveaux supports viendra faire exploser les compteurs (273 millions collectés en 2020), sans compter celle visant les biens reconditionnés. Toujours selon nos informations, une RIM ou réunion interministérielle organisée sur 8 avril, a d'ailleurs tranché en faveur de la redevance appliquée à ces biens de deuxième vie. L’idée désormais est d’arriver à un barème très rapidement.
À ceux qui opposeraient le fait que les ordinateurs sont surtout achetés par les professionnels, lesquels sont hors du champ de la redevance, qui juridiquement ne concerne que les copies réalisées par des personnes physiques pour leurs besoins privés, les ayants droit pourront opposer la possibilité pour ces pros de se faire rembourser ou exonérer.
Selon nos informations, les mêmes ayants droit ont remboursé depuis la loi de 2011 un peu plus de 4,8 millions d’euros de redevance aux professionnels. Une saignée !... Ou plutôt une goutte homéopathique, à comparer aux 2,592 milliards d’euros collectés depuis.