Plus de 18 gigaoctets de données internes – courriels, présentations, comptes rendus de réunion – de l’entreprise Uber, transmises au quotidien britannique The Guardian. Elles ont été analysées par plus de 40 rédactions dans le monde sous la supervision du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Elles détaillent, par le menu, « la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire changer la loi à son avantage », explique Le Monde, partenaire du projet :
« L’entreprise ne s’est pas contentée de nouer, classiquement, des contacts à tous les niveaux du monde politique et de l’administration. Elle a aussi écrit des amendements « clés en main », transmis à des parlementaires sympathisants de sa cause ; embauché des agences aux méthodes douteuses pour mener des campagnes d’influence ; payé des universitaires pour écrire des études soigneusement encadrées pour leur être favorables ; fait appel aux ressources de la diplomatie américaine ; ou encore aidé secrètement à créer une organisation "indépendante" de défense des chauffeurs VTC dont elle contrôlait en réalité l’action. »
« Ces jeux d’influence ne sont pas illégaux », et « c’est peut-être un problème : mis bout à bout, ils dépeignent à quel point les grandes entreprises, alimentées par des budgets quasi infinis levés auprès d’importants investisseurs aux Etats-Unis, peuvent démultiplier les angles d’attaque pour contourner les Parlements nationaux et les régulateurs ».
Ces « Uber Files » révèlent aussi un pan totalement inconnu de l’histoire de la « start-up nation » voulue par Emmanuel Macron qui, alors qu'il était ministre de l'économie, « s’est démené pour soutenir, contre l’avis de sa majorité et à l’insu de son gouvernement, une entreprise visée par de multiples enquêtes judiciaires et fiscales », et « a agi, dans l’ombre, en véritable partenaire d’Uber, s’impliquant personnellement à de multiples reprises dans un dossier sur lequel il n’avait officiellement aucune responsabilité » :
« A cette époque, le respect de la loi, dans sa lettre comme dans son esprit, n’est pas la priorité d’Uber. Les "Uber Files" montrent comment l’entreprise a tenté, à six reprises, d’entraver l’action des enquêteurs français lors de perquisitions dans ses bureaux. Mais aussi la manière dont elle a su "optimiser" de manière agressive son imposition, par le biais de sa filiale néerlandaise, avec la complicité des autorités des Pays-Bas. Ou encore les contorsions complexes utilisées par l’entreprise pour justifier l’embauche de l’ex-commissaire européenne Neelie Kroes, tenue en théorie par des clauses éthiques l’empêchant de rejoindre une entreprise qu’elle encadrait précédemment. »
Outre un « "deal" secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy », ils révèlent également comment le groupe américain a rémunéré des experts, « dont les économistes français Nicolas Bouzou et Augustin Landier, pour réaliser des études sur mesure et prendre sa défense dans les médias ».
De son côté, Cédric O (ex-secrétaire d’État chargé du numérique), explique sur Twitter que la « question la plus importante […] est de savoir si oui ou non son implantation en France a été une bonne chose socialement et économiquement. Pour le reste, on peine à voir ce qui est répréhensible (intéressant, mm) dans l’article ». Sa déclaration a visiblement provoqué un tollé sur Twitter, comme on peut le lire dans les réponses à son message.