Prix du dégroupage et 5G de Free Mobile : Stéphane Richard à l'attaque

5G vs 4G++
Mobilité 11 min
Prix du dégroupage et 5G de Free Mobile : Stéphane Richard à l'attaque
Crédits : Assemblée Nationale

Rien ne va plus entre Orange et Free. Alors que les deux sociétés discutaient d’un partage de leurs réseaux 5G, ce n’est plus le cas. L‘épilogue d’une semaine chargée pour Stéphane Richard qui tirait tous azimuts sur le fixe et le mobile, aussi bien en direction de Xavier Niel que de Laure de La Raudière.

En octobre dernier, quelques semaines après la phase finale des enchères sur la 5G, Stéphane Richard lâchait une petite phrase sur un éventuel partenariat avec Iliad : « La voie est libre pour la mutualisation de la 5G entre Orange et Free ». Aucune précision n’était donnée, mais cela a (re)lancé la machine à spéculations.

Pour rappel, les deux opérateurs se sont déjà entendus sur la 2G/3G. Le second dispose d’un accord d’itinérance payant sur le réseau du premier depuis 2011 (afin de lui permettre de se lancer dans de bonnes conditions). Plusieurs fois amendé, ce contrat a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022, avec un débit limité à 384 kb/s.

Début janvier, Xavier Niel indiquait que « l'idée c’est d’avoir un réseau unique sur la totalité de [certaines] zones pour l’ensemble de nos abonnés, ce qui ne nous empêche pas d’utiliser nos fréquences et de chacun continuer à déployer ce qu’on souhaite, et avoir notre indépendance suffisante pour être capable de se différencier ».

Cet accord n’était donc pas sans rappeler celui entre Bouygues et SFR concernant la 4G. L’Arcep avait déjà fait savoir ne pas y être opposée, si certaines conditions étaient respectées évidemment.

5G : fin des discussions entre Orange et Free Mobile

Les discussions n’auront pas eu le temps d’avancer qu’elles sont déjà enterrées. Xavier Niel était le premier à avoir des mots relativement forts, comme le rapporte Les Échos : « On a arrêté ces discussions avec Orange […] On a découvert que le rythme d'une entreprise entrepreneuriale comme Iliad n'est pas celui d'Orange. On a bossé, mais nous n'y arrivions pas […] En face de nous, on avait une société qui n'avançait pas, qui ne tranchait pas ».

Il en profitait pour ajouter que sa société a « accéléré sur le déploiement de [son] réseau 5G ». En termes de couverture, l’opérateur revendique plus de 40 % de la population et donc la première place, grâce à une massive réutilisation de la bande des 700 MHz (nous y reviendrons). La confirmation est rapidement arrivée chez Orange, avec un communiqué expéditif : « Constatant une divergence de stratégie de déploiement, Orange a décidé de mettre fin aux discussions ». Bref, un arrêt des discussions des deux côtés.

Orange mettait alors en avant ses points fort disant avoir « fait de la qualité de ses réseaux une priorité ; le réseau mobile Orange est d’ailleurs classé meilleur réseau mobile de France pour la 10e année consécutive par l’Arcep. Le groupe est également très engagé dans le déploiement de la fibre en France, assurant deux tiers des 24 millions de logements déjà raccordables ».

5G sur les 700 MHz : « C'est de la 4G améliorée »

Puis Stéphane Richard est intervenu plus directement pour attaquer Free Mobile sur un autre pan de la 5G : les fréquences. Le PDG d’Orange reprend des arguments déjà avancés par Altice/SFR : « Pour nous la 5G, c’est celle qui utilise la bande de fréquences de 3,5 GHz. Le reste, ce n’est pas de la 5G, même si cela peut porter son nom. C'est de la 4G améliorée ». Le patron d’Orange se garde bien de parler de « fausse 5G », contrairement à Gregory Rabuel (directeur général de SFR Telecom) qui n’avait pas hésité à employer ce terme.

Cette déclaration – comme celle de Xavier Niel sur la 5G à 700 MHz – mérite par contre qu’on rappelle plusieurs points importants. Tout d’abord, la 5G actuelle est dite Non Standalone (NSA), se basant sur un cœur de réseau 4G, pour tous les opérateurs. Ce dernier passera à son tour à la 5G dans de prochaines itérations.

Ensuite, cette technologie ne dépend pas d’une fréquence en particulier, les opérateurs peuvent la proposer sur les 700, 800, 900, 1800, 2100, 2600, 3 500, 26 000 MHz… Le patron d’Iliad résumait ainsi la situation : « Si vous avez 10 MHz de spectre, quelle que soit la fréquence vous avez le même débit ».

Cette réalité ne doit pas en cacher une autre tout aussi importante : les opérateurs ont entre 70 et 90 MHz dans les 3,5 GHz, contre 20 MHz maximum sur toutes les autres bandes de fréquences, impossible donc de proposer des débits équivalents. C’est pour cela que les 3,5 GHz sont considérés comme étant au cœur de la 5G, car on peut y obtenir des débits théoriques beaucoup plus élevés, mais en couvrant moins de territoire par antenne déployée.

Dans son guide « Introduction à la 5G : les usages et les fréquences », l’Arcep propose deux images représentant bien la situation et les différences entre les bandes de fréquences. On peut d’ailleurs remarquer que les 700 MHz sont considérées comme des « fréquences "pionnières" de la 5G ».

Arcep 5G Introduction à la 5G : les usages et les fréquences

Une guerre marketing, pas technique

Ce n’est pas le seul grief de Stéphane Richard : « Tant pis si cela permet à d'autres de revendiquer des taux de couverture trompeurs », ajoute-t-il. On touche très certainement au fond du problème, qui est non pas technologique mais marketing : Free Mobile clame haut et fort couvrir plus de 40 % de la population en 5G.

Il revendique aussi avoir « le plus grand réseau 5G de France » à travers de vastes campagnes publicitaires placardées dans les rues… ce qui semble passablement énerver Orange.

Avant le lancement de la 5G, le régulateur des télécoms avait pourtant bien pris les devants : « on n’est pas du tout dans une position de dire qu’il y aurait de la bonne ou de la mauvaise 5G, parce que c’est plus compliqué, ce n’est pas binaire, ce n’est pas noir ou blanc, ça va dépendre de nombreux paramètres ».

Dans un entretien, Sébastien Soriano nous expliquait vouloir « éviter que les opérateurs fassent une carte qui mélangerait toutes ses expériences différentes » : « Idéalement on souhaiterait qu’un opérateur qui utilise plusieurs bandes de fréquences pour faire de la 5G – par exemple 700 MHz et 3,5 GHz – propose une carte des 700 MHz et une carte des 3,5 GHz ». C’est le cas chez Free Mobile, mais on regrette qu’aucune indication sur les débits en 700 MHz et en 3,5 GHz ne soit donnée aux clients. 

On voit certes une différence de couleur entre les fréquences, mais l’utilisateur devra se débrouiller seul pour comprendre quelles sont les différences dans la pratique. Or, elles peuvent être importantes en termes de débits même si cela n’en reste pas moins de la 5G.

Sur ce point, Orange est bien plus précis. En plus d’afficher des couleurs différentes pour les fréquences de la 5G, il donne des indications sur les débits maximums théoriques en 5G (au-dessus de sa carte) : « jusqu’à 2,1 Gbit/s en zones couvertes en 3,5 GHz [ou] 615 Mbit/s en zones couvertes par la bande 2100 MHz ». On voit donc bien que ce n’est pas du tout la même chose.

Dans son « combat », l’opérateur historique compte parmi ses alliés Familles Rurales. L’association a récemment assigné Free Mobile « sur le fondement des pratiques commerciales déloyales » : « la communication portée par cet opérateur pose problème en ce qu’elle laisse croire aux consommateurs un gain de performance que toutes les fréquences "5G" ne sont pas en mesure d’offrir à l’heure actuelle ». 

« On a un vrai problème avec le prix du dégroupage »

Autre sujet amené par Stéphane Richard : le réseau cuivre, notamment utilisé par les opérateurs afin de proposer des abonnements xDSL. Orange en a la charge et doit l’entretenir, mais avec une participation financière de l’ensemble des opérateurs qui payent pour chaque ligne dégroupée de leurs clients une dime mensuelle.

Une situation qui ne satisfait pas grand monde : des opérateurs et clients se plaignent de la qualité de service du service universel, quand Orange explique que cela lui coûte trop cher et demande une hausse des redevances. Un sujet qui n’est pas nouveau, loin de là même. Le régulateur était déjà monté au créneau en mettant en demeure Orange fin 2018, mais il avait déjà par le passé pointé du doigt la qualité de service jugée insuffisante.

D’autres, comme l’Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA) soulevait la question d’une scission d’Orange afin « de séparer fonctionnellement et structurellement les branches de détail et d’infrastructure d’Orange ». L’Autorité de la Concurrence (ADLC) avait été saisie pour donner son avis, mais elle a répondu à l’AOTA « ne pas juger utile de donner une suite favorable à l’étude de cette saisine ».

« Il ne faut pas que des situations locales masquent le fait que sur un plan général un réseau cuivre fait l'objet d'allocation de moyens considérables », expliquait Stéphane Richard, comme le rapporte Le Figaro. Dans son viseur : Laure de La Raudière, nouvelle présidente de l’Arcep. « C'est un message que j'envoie à la nouvelle présidente de l'Arcep. On a un vrai problème avec le prix du dégroupage. Ce débat doit être ouvert sérieusement. »

Durant son audition à l’Assemblée nationale, la principale intéressée avait rappelé que « le réseau cuivré est vieillissant et pourtant, il assure encore la grande majorité des raccordements au téléphone ou à l'Internet de nos concitoyens, notamment dans les zones rurales ». « La qualité de service sur le réseau cuivre est préoccupante à certains endroits et doit faire l'objet d'une attention particulière de l’Arcep », ajoutait-elle.

Pour rappel, le réseau cuivre doit disparaitre à moyen terme. Le décommissionnement a débuté, mais ne devrait aboutir qu’à l’horizon 2030. En attendant, Orange milite pour une hausse notable des tarifs du dégroupage total.

Au cours des dernières années, il est passé de 9,31 euros en 2018 à 9,41 euros en 2019 et 9,51 euros en 2020. Suite à une décision de l’Arcep de mi-décembre, il est passé à 9,65 euros en 2021, 2022 et 2023. Un autre changement est de la partie pour les trois prochaines années : « l’augmentation du plafond tarifaire applicable aux frais d’accès au service par rapport au précédent encadrement tarifaire, passant de 50 euros à 70 euros ». 

« Plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires »

C’est visiblement insuffisant pour Stéphane Richard, qui souhaiterait que la rente mensuelle augmente de 2/3 euros, au lieu des 14 centimes accordés. « Si vous considérez que le réseau cuivre doit être opérationnel partout, à 100 %, avec des délais de réparation très courts sur l'ensemble du territoire, il faut probablement plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires », ajoute le patron d’Orange.

Ce dossier sera certainement un baptême du feu pour Laure de La Raudière, d’autant qu’il sera scruté de très près par la multitude d’opérateurs sur le territoire. Une autre raison tient à la carrière de la nouvelle présidente du régulateur : il y a vingt ans, elle était employée par France Télécom où elle est restée une quinzaine d’années. Cette expérience professionnelle avait d’ailleurs fait bondir Xavier Niel lorsque son nom avait été proposé. 

Laure de La Raudière s‘était défendu lors de ses auditions, en affichant évidemment sa volonté d’être neutre, à l’image de l’Arcep qui est le régulateur des télécoms. Sa décision sur les doléances d’Orange sera donc d’autant plus analysée, bien qu'elle ne soit pas seule, l’Arcep prenant des décisions collégiales. 

Quoi qu’il en soit, elle pourra s’appuyer sur « une mission flash sur le service universel » demandé par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale à la députée Célia de Lavergne. Des « propositions concrètes » sont attendues dès la mi-février.

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