Depuis maintenant huit ans, Free Mobile dispose d’un contrat d’itinérance en 2G et 3G avec Orange. L’opérateur souhaite en bénéficier jusque fin 2022. Pour cela, le régulateur des télécoms doit examiner ce nouvel accord signé le 19 février. Avant cela, il demande aux acteurs du marché de se prononcer.
En mars 2011, Free Mobile et Orange signaient un accord d’itinérance pour la 2G et la 3G. L’Arcep se réjouissait de cette signature. Un an plus tard, Stéphane Richard avait expliqué « préférer que ce soit Orange, plutôt que Bouygues Télécom ou SFR, qui bénéficie du chiffre d’affaires additionnel » ; il était alors question d’au moins un milliard d’euros sur six ans.
Un des trois opérateurs nationaux devait en effet proposer de l’itinérance sur la 2G au nouvel arrivant, qui n’a pas de licence pour exploiter cette technologie. Orange avait ainsi été plus loin en ajoutant la 3G dans l’équation, sans en avoir l'obligation. Des ajustements ont été apportés au fil du temps, cette itinérance devait se terminer à la fin de l’année.
Mais finalement, Free Mobile a demandé et obtenu auprès d’Orange une rallonge de deux ans, aussi bien sur la 2G que la 3G. Le (ex ?) trublion explique qu’il est notamment dans « l’impossibilité […] de rattraper le standard de couverture du marché ».
On attend désormais la décision de l’Arcep.
Un accord signé en 2012, mais plusieurs fois amendé
Lors du lancement des offres Free Mobile en 2012 –, il était prévu pour six ans, mais son échéance avait déjà été repoussée de deux années supplémentaires pour tenir jusque fin 2020.
En 2016, l’Arcep s’appuie sur l'article L.34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques (introduit par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015) pour utiliser son nouveau « pouvoir » et demander aux deux partenaires de revoir leur contrat. C’était chose faite mi-2016, avec l’annonce de changements pour les clients.
Un bridage progressif des débits des clients Free Mobile sur le réseau d’Orange était mis en place : 5 Mb/s en 2016, 1 Mb/s en 2017 et 2018, 768 kb/s en 2019 et enfin 384 kb/s cette année jusqu’à la fin de l’itinérance.
Nouvel avenant, pour prolonger l’itinérance jusque fin 2022 (à 384 kb/s)
Le 24 février 2020, les plans changent : « un avenant au contrat d'itinérance [est] conclu entre Free Mobile et Orange. Signé le 19 février 2020, cet avenant prolonge la période d’extinction de l’itinérance nationale de Free Mobile sur les réseaux 2G et 3G d’Orange jusqu’au 31 décembre 2022 », explique le régulateur.
Free Mobile n’est pour rappel pas titulaire d’une autorisation d’utilisation de fréquence 2G – contrairement à la 3G, la 4G et très prochainement la 5G –, il doit donc s’appuyer sur le réseau d’un de ses trois concurrents. Le droit de Free Mobile à l’itinérance 2G est d’ailleurs « prévu dans les autorisations 3G des opérateurs historiques ».
Ce n’est pas le cas de la 3G, qui a fait l'objet d’une négociation commerciale. Pour cette prolongation, les débits restent les mêmes que ceux actuellement en place : 384 kb/s en download et en upload. De plus, il ne peut y avoir « d’augmentation de la capacité des liens d’interconnexion entre le cœur de réseau de Free Mobile et celui d’Orange pour l’écoulement du trafic total en itinérance ». Le gendarme des télécoms précise qu’un « mécanisme financier » sera introduit en 2022 avec pour objectif d’inciter « à la réduction du nombre de clients Free Mobile utilisant le réseau 2G/3G d’Orange ».
Free affirme être « très volontariste » sur les déploiements… vraiment ?
Free Mobile justifie sa demande avec deux principaux arguments : un pour la 2G, l’autre pour la 3G. Sur le premier point, la raison est simple et attendue, comme le rapporte le régulateur « le besoin de bénéficier d’une couverture 2G au même titre que les autres opérateurs de réseaux mobiles ».
« Compte tenu, d’une part, d’un nombre d’abonnés 2G "en attrition lente" et de l’impossibilité pour Free Mobile de déployer un réseau 2G à court terme en raison du manque de fréquences et, d’autre part, de l’utilisation de la 2G par les autres opérateurs comme technologie de repli "dans certaines situations notamment en indoor ou en heures de pointe" » ajoute l'entreprise.
Sur la 3G, les raisons sont différentes : Free Mobile se justifie par « l’impossibilité […] de rattraper le standard de couverture du marché qui a nettement augmenté avec l’accord de mutualisation Crozon [entre Bouygues Telecom et SFR, ndlr] et les obligations New Deal » qui visent une bonne couverture mobile de l'ensemble du territoire.
L’opérateur affirme malgré tout avoir mis en place « un déploiement très volontariste »… qu’en est-il exactement face à ses concurrents ? Selon le dernier décompte de l’ANFR, Free Mobile disposait au 1er avril 2020 de 17 524 supports en service pour la 3G, contre 20 795 pour Bouygues Telecom qui est sur la troisième marche du podium et 24 280 pour Orange qui occupe la tête du classement.
Au cours des sept dernières années (les observatoires de l’ANFR ne commencent qu’à partir de fin 2012), Free Mobile est passé de 1 982 à 17 524 supports 3G en service, soit 15 542 de plus. Sur la même période de sept ans, Bouygues Telecom en à ajouté 9 868, contre 6 980 pour Orange et 8 223 pour SFR.
Afin d’avoir une meilleure granularité, voici deux graphiques représentant le nombre de sites mis en service selon les observatoires de l’ANFR (en avril de chaque année) et l’évolution sur douze mois des sites en service :
Les courbes confirment ce que l’on avait déjà remarqué : Free Mobile est l’opérateur qui a le plus activé de sites 3G sur les sept dernières années… mais c’est aussi celui qui partait du plus loin. Les autres opérateurs disposaient de leur licence 3G bien avant et avaient eu le temps de déployer des sites.
On remarque une tendance marquée à la baisse de la croissance de SFR depuis 2017. Avec 2 220 sites en service en moyenne par an sur les sept dernières années, Free devrait probablement dépasser les 20 000 sites 3G en service l’année prochaine et ainsi se rapprocher davantage de Bouygues Telecom et SFR. Orange reste par contre un cran au-dessus des trois autres. Dans tous les cas, l’écart devrait finir par se tasser avec le temps.
En attendant, Free Mobile veut donc continuer à profiter de l’itinérance d’Orange.
L’Arcep va examiner cette demande
Comme le rappel l’Arcep dans son communiqué, cet accord n’est pas encore entériné. Le régulateur informe les acteurs de son existence – ceux qui le souhaitent peuvent faire un retour à cette adresse email avant le 4 mai – et se laisse le temps de l’examiner en détail avant de se prononcer.