Le Tribunal de l’UE confirme le bannissement numérique de RT France

Opération spéciale
Droit 6 min
Le Tribunal de l’UE confirme le bannissement numérique de RT France
Crédits : LegART/iStock

RT France ne baisse pas les bras. Alors que le Tribunal de l’Union européenne vient de rejeter son recours, le média russe va saisir la Cour de justice de l’UE. La chaîne conteste encore et toujours le règlement européen qui a interdit sa diffusion dans le contexte de l’invasion militaire en Ukraine.

« RT France conteste fermement les termes de la décision du Tribunal, qui méconnaissent la liberté d’expression dont doit disposer, en toutes circonstances, tout média d’information, sous le contrôle de son régulateur national, tel que l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). », réagit dans un courrier Emmanuel Piwnica, avocat de RT France.

Aujourd’hui, le Tribunal de l’UE a en effet rejeté son action contre le règlement européen publié début mars, orchestrant son expulsion, avec Sputnik, des écrans européens. La juridiction suit la décision de référé rendue en mars dernier, qui elle aussi avait repoussé ses protestations. 

La chaîne financée par la Russie a déployé de nombreux arguments pour tenter, vainement, d’obtenir une décision favorable afin de renverser son bannissement sur les comptes de réseaux sociaux, chez les FAI, et les moteurs de recherche.

Pas d’atteinte aux droits de la défense

Elle a ainsi reproché au Conseil d’avoir pris cette décision sans l’avoir alerté ou entendu préalablement. Une violation patente de ses droits de la défense, selon elle, que ne saurait justifier l'invasion militaire de l’Ukraine.

« L’interdiction générale et absolue de diffusion dont [la chaîne] fait l’objet ne relève que du pur symbole et ne peut pas être considérée comme une riposte consistant à ramener la paix et la stabilité sur le continent européen » renchérit RT France.

Le Tribunal a estimé que rien ne s’oppose à déroger aux droits de la défense dans un tel cas. Et pour cause : « la mise en œuvre immédiate d’une mesure est essentielle pour assurer son efficacité au regard des objectifs qu’elle poursuit et notamment pour éviter qu’elle ne soit privée de portée et d’effet utile ». En somme, le temps était à l’urgence et il fallait prendre une mesure le plus rapidement possible pour répondre à l’invasion militaire.

Il y avait nécessité d’adopter des mesures restrictives frappant les médias financés par la Russie et de tous les médias, « considérés être à l’origine d’une activité continue et concertée de désinformation et de manipulation des faits ».

En résumé, « les autorités de l’Union n’étaient pas tenues d’entendre » la chaîne RT France, et il n’y a donc « pas eu violation de son droit d’être entendue ». Pour le juge européen, rien ne démontre au surplus que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si la chaîne avait été entendue.

À RT France, qui rappelle qu’elle bénéficiait d’une convention avec l’Arcom et qu’elle n’a jamais été sanctionnée, le tribunal prévient que cela « n’est pas de nature à établir que les émissions contenues dans les vidéos versées au dossier de l’affaire par le Conseil ne constituaient pas des actions de propagande en faveur de l’agression militaire de l’Ukraine. »

Une décision suffisamment motivée, au regard du contexte 

Autre point purgé : la question de la motivation de la décision du Conseil qui a abouti au blocage de la chaîne et du site éponyme. Une motivation insuffisante selon RT France.

Le Tribunal répond que la motivation n’avait pas à être détaillée, car elle doit être appréciée en fonction du contexte. L'acte est « suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard ».

Le règlement européen a ainsi fait état de l’invasion militaire, la nécessité de muscler la résilience européenne, y compris face à la désinformation, outre celle de lutter contre « les actions de propagandes continues et concertées de la Fédération de Russie ».

Voilà, non des propos « généraux et abstraits », mais « des motifs qui se rattachent directement à la requérante et à ses activités ».

De plus, si RT France a été épinglée dans la liste des médias à éteindre en Europe, c’est aussi en raison du « pouvoir discrétionnaire d’appréciation » du Conseil qui a pris cette décision à l’encontre d’un média « sous le contrôle permanent, direct ou indirect, des dirigeants de la Fédération de Russie, qui exerçait des actions de propagande visant, notamment, à justifier et à soutenir l’agression militaire de l’Ukraine par la Fédération de Russie ».

En somme, une motivation « compréhensible et suffisamment précise » au regard du contexte.

Pas d'atteinte à la liberté d'expression

Enfin, RT France dénonce une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, d’autant que les mesures prises ne sont assorties « d’aucune limite temporelle claire et objective », selon elle.

Le Tribunal rappelle que les restrictions seront en vigueur jusqu’à ce que l’agression de l’Ukraine prenne fin et que la Russie cesse ses actions de propagande contre l’Union et ses États membres.

De plus, comme le prévoit le règlement, RT France peut toujours exercer dans l’Union « d’autres activités que la diffusion, comme des enquêtes et des entretiens ». Et la chaîne peut tout autant « diffuser ses contenus en dehors de l’Union, y compris dans des pays francophones, de sorte que les mesures restrictives en cause ne portent pas atteinte à son droit d’exercer sa liberté d’expression en dehors de l’Union ».

Pour justifier de la proportionnalité de la mesure, l’arrêt cite plusieurs contenus de RT France. Par exemple, « du 24 février 2022, jour de l’agression militaire de l’Ukraine, au 27 février 2022 sur la chaîne de télévision (…), la requérante a continué à reprendre les prises de position officielles des autorités de la Fédération de Russie selon lesquelles l’offensive, conformément à l’allocution du président russe du 24 février 2022, constituait une "opération spéciale" ».

La matinée même du 24 février 2022, « les opérations militaires en cours ont été présentées par certains intervenants lors de ces émissions télévisées comme une "action défensive" de la Fédération de Russie ». De même, « le dimanche 27 février 2022, plusieurs invités ont continué de présenter l’agression militaire comme une intervention légitime visant à protéger les républiques auto-proclamées du Donbass et à répondre à une menace occidentale ».

RT prépare sa contre-attaque

Dans son communiqué, RT France estime que « cette décision porte une atteinte inédite et inadmissible au respect du principe fondamental de la liberté d’expression. Il a été décidé de faire disparaitre purement et simplement un média alors même que le Conseil de l’Union européenne n’a pas été en mesure de fournir ne serait-ce qu’une preuve de "propagande de guerre" dont RT France se serait rendue coupable, ni été en mesure de dire en quoi la diffusion de RT France serait susceptible de porter atteinte à l’ordre public en Europe ».

Selon son analyse, « ce qui est reproché à RT France c’est d’avoir relayé la parole des officiels Russes aux côtés des points de vue occidentaux, à savoir en somme, le fait qu’elle n’ait pas traité de manière univoque le conflit russo-ukrainien, dans un souci de pluralisme des points de vue sur cette situation complexe ».

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