Comment le gouvernement justifie le passe vaccinal

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Comment le gouvernement justifie le passe vaccinal
Crédits : MarsBars/iStock
Marc Rees
Par Marc ReesLe mardi 28 décembre 2021 à 16:09
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Le projet de loi sur le passe vaccinal a été présenté hier en Conseil des ministres et déposé dans la foulée à l’Assemblée nationale, accompagné de l’étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. Explication des principales dispositions. 

Il y a eu la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, celle relative « à diverses dispositions liées à la crise sanitaire », la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou encore la loi « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 », celle « portant diverses dispositions de vigilance sanitaire », celle encore « relative à la gestion de la crise sanitaire » et celle « relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire »…

Et voilà maintenant la future loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ».

C’est le nom donné au nouveau projet de loi déposé hier en début de soirée à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Un agenda une nouvelle fois au pas de course.

  • Le projet de loi 
  • L’étude d’impact
  • L’avis du Conseil d’État 

L’avant-projet de loi révélé dans nos colonnes fut finalisé le 21 décembre. Le Conseil d’État a été saisi pour avis le lendemain, 22 décembre. Sa commission permanente s’est réunie le 26 décembre. Le projet a été présenté lundi en Conseil des ministres, avant le dépôt dans la foulée au Parlement.

La Commission des lois se réunira demain, laissant donc peu de temps aux parlementaires pour élaborer de solides amendements, le tout durant la trêve des confiseurs, entre la bûche de Noël et les cotillons du Nouvel an.

Le passe sanitaire prépare sa mue

Pour bien comprendre ses rouages, il faut prendre pour base de départ la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, texte de fond dont les principales dispositions sont modifiées par l’actuel projet de loi. 

C’est cette loi, après réforme en août dernier, qui a généralisé et étendu le passe actuellement en vigueur. Pour mémoire, il s’agit d’une preuve sanitaire consistant dans le résultat d’un examen de dépistage virologique négatif à la covid-19, un certificat de vaccination ou un certificat de rétablissement.

Ce régime devait perdurer initialement jusqu’au 15 novembre 2021. Une nouvelle loi du 10 novembre 2021 a prorogé ce terme jusqu’au 31 juillet 2022.

Le nouveau projet de loi transforme donc ce passe sanitaire en un passe vaccinal, comme nous l’avions signalé en dévoilant l’avant-projet.

Le document, en vigueur pour l’instant jusqu’au milieu de l’été 2022, prendra la forme d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 subordonnant « l’accès des personnes d’au moins douze ans à certains lieux, établissements, services ou évènements ».

En clair, pour l’accès aux activités de loisirs, à la restauration, aux débits de boissons, ou encore aux déplacements de longue distance, il faudra présenter le justificatif témoignant d’un parcours de vaccination complet. À défaut ? Impossible en principe d’accéder à ces lieux ou moyens de transport.

Le passe vaccinal… ou le confinement

Pour justifier ce changement d’échelle, le gouvernement souligne dans l’étude d’impact qu’« avec l’arrivée de la période automnale, le territoire métropolitain a été, comme le reste de l’Europe, confronté à une forte reprise épidémique. Ainsi, le taux d’incidence a connu une augmentation constante depuis le mois d’octobre et dépasse, sur la semaine glissante du 17 au 23 décembre, 700 cas pour 100 000 habitants ».

Dans le même temps, les niveaux de contaminations ont été les plus élevés observés depuis le début de la pandémie : « 84 272 nouveaux cas positifs pour la seule journée du 22 décembre, 91 608 cas positifs détectés le 23 décembre et 104 611 cas positifs enregistrés le 24 décembre ».

Le gouvernement affirme avoir été placé face à plusieurs choix : première piste, ne rien changer au cadre actuel. « Cependant, compte tenu de la dynamique épidémique actuelle, la saturation des capacités de prise en charge à l’hôpital n’aurait pu être évitée que par l’adoption de mesures de restriction généralisée telles que le confinement, le couvre-feu ou la fermeture de nombreux établissements recevant du public, que seul l’état d’urgence sanitaire permet de prendre ».

Deuxième piste, généraliser le passe sanitaire « à un très grand nombre d’activités indispensables à la vie quotidienne ». Troisième option : « instaurer une obligation vaccinale pour tout ou partie de la population au-delà du périmètre actuel des professionnels de santé et de ceux qui travaillent en secteur hospitalier ou médico-social ».

Pour l’exécutif, cependant, « l’incitation à la vaccination, y compris avec rappel pour les personnes qui y sont éligibles, à travers la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal apparaît comme l’outil adapté, cohérent avec la stratégie jusque-là poursuivie et qui a montré son efficacité, et qui correspond d’ailleurs au choix retenu par plusieurs de nos pays voisins ».

Ces mesures sur la rampe ont un objectif : « éviter d’avoir à recourir à des mesures de restriction généralisée des déplacements ou de l’ouverture des établissements recevant du public ».

Conclusion : en l’état du texte, à compter du 15 janvier 2022, « l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements serait subordonné à la détention d’un justificatif attestant d’un schéma vaccinal complet, sans possibilité alternative de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination au covid-19 ».

Un décret précisera néanmoins les hypothèses où notamment un certificat de rétablissement pourra se substituer au nouveau passe. Ce nouveau dispositif est couplé par deux mesures complémentaires relatives aux contrôles et aux sanctions.

Vérification d’identité et sanctions

Pour le contrôle, les exploitants d’ERP (établissement recevant du public) vont pouvoir « vérifier l’identité des personnes présentant un passe en cas de doute sur le caractère non frauduleux du passe ».

Cette mesure n’a pas fait tiquer le Conseil d’État dans son avis, expliquant, comme nous l’anticipions, que plusieurs dispositions prévoient déjà cette possibilité de vérification : paiement par chèque, vente de boissons alcooliques dans les débits de boissons, l’accès aux salles de jeux dans les casinos ou les compagnies aériennes.

Pour la juridiction, ainsi, « la mesure est justifiée par un objectif de santé publique » dans la mesure où elle est taillée pour prévenir les faits de fraude.

Son avis prévient que « aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce que l’accès des personnes dans un établissement, un lieu ou un service de transports soit subordonné à la justification par les intéressés de leur identité, lorsqu’une telle demande est motivée par des considérations objectives ».

Les sanctions encourues en cas de fraude au passe sont relevées par le projet de loi. Présenter un passe appartenant à autrui ou transmettre un passe authentique en vue d’une utilisation frauduleuse sera passible d’une amende de 5e classe, soit 1 500 euros, voire 3 000 euros en cas de récidive.

« Le fait de se rendre dans un établissement soumis à passe sans justificatif continuera en revanche d’être puni par une contravention de la quatrième classe » (750 euros).

Le Conseil d’État a considéré dans son avis que ce nouveau régime n’était pas manifestement disproportionné « au regard de la gravité des manquements sanctionnés ».

Les sanctions prévues pour le délit de faux passe, applicables à l’établissement, l’usage, la procuration ou la proposition de faux, « sont étendues à la détention d’un ou plusieurs faux passes ». Le détenteur d’un tel faux risquerait cette fois… cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

« Si aucun principe ne fait obstacle à ce que la détention d’un tel justificatif soit pénalement sanctionnée, alors même que son usage n’aurait pas été caractérisé, le principe de l’intentionnalité des peines implique que le détenteur de ce document ait connaissance de son caractère falsifié », indique encore le Conseil d’État.

Pour lui, et là encore, ce quantum « ne présente pas un caractère manifestement disproportionné », même si dans le droit commun la détention de faux est moins lourdement sanctionnée que leur établissement.

Un traitement pour contrôler quarantaines et isolements

Relevons que l’article 2 du projet de loi touche à SI-DEP, et donc aux systèmes d’informations et différents traitements de données à caractère personnel mis en œuvre « aux fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 ».

Ces modifications permettront « le contrôle du respect de l’obligation de dépistage imposée aux personnes faisant l’objet des mesures de mise en quarantaine ou de placement à l’isolement ». De même, les services préfectoraux vont pouvoir recevoir ces données, aux fins d’assurer le suivi et le contrôle du respect de ces mesures de placement.

Des députés refusent de participer au vote

Ces dispositions débutent leur périple parlementaire, qui risque d’être une nouvelle fois très court.

Le député socialiste Jean-Louis Bricout a déjà annoncé sa volonté de déposer un amendement « permettant à un chef d’entreprise (secteur privé et associatif) d’exiger la vaccination de ses employés ». Mesure absente du projet de loi initial, mais un temps évoquée.

Dans le camp adverse, le sénateur LR Alain Houper a indiqué qu’il ne voterait pas ce texte. « L’élu que je suis se refuse à cautionner le harcèlement des citoyens au nom d’une idéologie sanitaire qui démontre son échec ».

Position partagées par les sénateurs Laurence Muller Bronn (apparentée LR) et Sébastien Meurant (LR) pour qui, « il est grand temps de libérer les Français » face à une loi « discriminatoire » prévue « pour punir une partie de la population » et « qui ne repose sur aucune rationalité scientifique ». 

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