Philippe Le Grand, président d’InfraNum, nous détaille sa feuille de route

Philippe Le Grand, président d’InfraNum, nous détaille sa feuille de route

Il veut notamment « chasser en meute »

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Sébastien Gavois

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26/01/2022 11 minutes
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Philippe Le Grand, président d’InfraNum, nous détaille sa feuille de route

Alors que le Plan France THD arrive à son terme – les objectifs devraient être tenus –, InfraNum se penche sur la suite des événements, même si on n’arrête pas d’un claquement de doigts un chantier de 40 000 personnes. Entretien des réseaux, exportation, 5G… Les pistes sont nombreuses, comme nous le détaille Philippe Le Grand.

Fin 2020, la fédération InfraNum (qui regroupe des entreprises représentatives de l’ensemble des métiers de la filière des Infrastructures du numérique) connaissait une petite révolution : son président et co-fondateur Étienne Dugas avait décidé de ne pas briguer un quatrième mandat.

Du changement dans la continuité : « Je mets les pas dans les pas »

Après neuf ans aux commandes, le poste était donc vacant. Plusieurs prétendants au titre étaient sur les rangs, notamment David El Fassy, président d’Altitude Infra, et Philippe Le Grand, vice-président de Nomotech et également co-fondateur d’InfraNum. C’est ce dernier qui a remporté la mise. 

La semaine dernière, le nouveau Conseil d’administration d’InfraNum (dont fait toujours partie Étienne Dugas puisqu’il a été réélu) a adopté « les grands axes de la feuille de route de la fédération pour les trois prochaines années ». Il s’agit d’une période charnière entre l’achèvement du plan France THD et la recherche de nouveaux marchés pour les industriels.

Philippe Le Grand nous explique sa vision de l’avenir… qui se place dans la continuité de celle d’Étienne Dugas : « Je mets les pas dans les pas ». Le cap général reste en effet le même : « On doit à la fois traiter la fin du plan France THD, préparer la suite et lancer de nouveaux chantiers d’avenir pour nos entreprises afin de poursuivre la bonne dynamique ». Quatre axes sont mis en avant : territoires durables connectés, développement international, les infrastructures mobiles et le marché entreprise.

Commencer par terminer le plan France THD

La première chose est de réussir à « terminer de façon complète le plan France THD » et donc de « traiter les cas les plus difficiles », c’est-à-dire les raccordements longs et/ou complexes. Ils doivent en plus se faire dans un climat tendu, avec une multitude de sous-traitants dont il est parfois difficile de suivre le fil, des points de mutualisation vandalisés, etc. Nous avons eu récemment l’occasion de longuement détailler la situation.

« À l’heure à laquelle nous parlons, 70 % des foyers français sont raccordables à la fibre et à la fin de l’année on sera à 87 % », nous détaille Philippe Le Grand. Le plan France THD prévoit pour rappel 100 % de lignes haut débit d’ici fin 2022, dont au moins 80 % en fibre optique. Il devrait donc être atteint sans problème.

Quid du 100 % FTTH en 2025 ?

Concernant le 100 % de fibre optique en 2025 qui est venu se greffer sur le plan France THD, le président d’InfraNum explique qu'il « a tendance à être nuancé en disant que c’est 100 % de très haut débit [c’est-à-dire un débit d’au moins 30 Mb/s en téléchargement, ndlr], pas de raccordement FTTH. Tout le monde nuance pour une raison simple : 100 % FTTH en 2025 on n’y arrivera pas puisqu’on n’a pas déjà du 100 % cuivre ».

Il est sur la même longueur d’onde que le sénateur Patrick Chaize, également président de l’Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel) .

« Il y a toujours une place pour les technologies alternatives », comme le VDSL, le satellite et le THD Radio. Il reconnait par contre « qu’on ne sait pas encore chiffrer vraiment » le nombre de foyers concernés : « Certains parlent de 300 000 foyers, d’autres vont jusqu’à évoquer 2 millions de foyers ».

Précision importante, Philippe Le Grand nous confirme que ces chiffres sont calculés à partir du nombre de foyers à raccorder « à date », c’est-à-dire avec des données actualisées et non pas avec celles d’il y a plusieurs années lors du lancement du plan France THD. Le nombre de lignes à raccorder était forcément moindre puisque de nouvelles constructions sont arrivées entre temps.

Service universel et fin du cuivre

Parmi les autres gros chantiers à venir sur lesquels la Fédération souhaite prendre position, il y a le service universel de la fibre et le décommissionnement du cuivre. Il reste encore à trancher sur les « détails » des sujets, notamment afin de savoir si on aura plusieurs acteurs pour le service universel FTTH ou bien un seul en charge de l’ensemble du territoire (comme c’était le cas d’Orange sur le cuivre).

« La consultation est en cours, les schémas ne sont pas arrêtés », nous explique Philippe Le Grand : « On aurait pu penser qu’on s’orienterait naturellement vers plusieurs opérateurs de service universel de façon territorialisée, mais il semblerait quand même qu’on s’orienterait vers un opérateur de service universel qui lui-même dialoguerait avec l’ensemble des opérateurs d’infrastructure locaux ; c’est plutôt le schéma j’ai l’impression vers lequel on tend ».

Les territoires connectés et le marché entreprise

Un autre axe de développement concerne les territoires connectés. Il existe déjà de « belles réalisations » à Dijon et Angers, que le président d’InfraNum veut répliquer. Il souhaite ainsi « industrialiser ce modèle » afin que « tout le monde puisse tirer parti de ces nouvelles stratégies qui sont idéales pour la transition écologique, l’amélioration des services publics, la gestion de la mobilité, etc. ».

« Les territoires durables connectés focalisent déjà l’attention des décideurs publics, il faut maintenant trouver le modèle industriel qui puisse être répliqué partout en France », ajoute le président d’InfraNum. 

Il y a également le marché entreprise, un domaine où la France est largement en retard. Avec l’IPv6, c’est d’ailleurs un des points noirs du bilan de l’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano. Infranum souhaite « stimuler la demande » et demande aux pouvoirs publics de mettre en place un « plan de digitalisation des entreprises » : il faut les accompagner sur les usages, au-delà du « simple » raccordement.

La Fédération explique qu’elle « va donc plaider pour la mise en place d’un ambitieux plan gouvernemental d’incitation, basé sur des solutions simples et accessibles à toutes ces entreprises, ou du moins, une application renforcée des mesures en ce sens, figurant dans le Plan de relance ».

« Nous attendons que soient appliquées des mesures de sensibilisation et d’incitation à la digitalisation des entreprises, avec peut-être des accompagnements ou des encouragements de toutes natures. On ne peut pas laisser la France aussi mal classée sur la digitalisation des entreprises alors que nous sommes les mieux placés sur les infrastructures ; c’est un paradoxe », résume le président d’InfraNum.

« Qu’on chasse en meute » à l’internationale

Comme c’est le cas depuis des années, l’international est une cible de choix pour la Fédération, elle permet de continuer à déployer des lignes alors que le rythme va ralentir en France. « On a beaucoup de nos entreprises qui exportent déjà – un quart, peut-être même un tiers – […] 25 % des prises FTTH déployées en Angleterre et en Allemagne le sont par des entreprises françaises ». La filière est aussi bien présente sur le continent africain. 

Pour continuer dans cette dynamique, Phillipe Le Grand souhaite « qu’on joue collectif, qu’on chasse en meute. Car cela servira les intérêts de tout le monde ». Quand une société gagne un marché, il faudrait qu’elle « entraine les autres ». À voir si elles joueront le jeu et accepteront de partager le gâteau.

Actuellement, le chantier du THD c’est environ « 40 000 salariés […] l’export ne sera pas le moyen unique de réoccuper tout le monde, on est souvent sur des emplois territoriaux ». En effet, ceux en charge « d’exploiter les réseaux, de continuer les raccordements, décommissionner le cuivre » et de travailler sur les territoires connectés vont avoir encore de quoi s’occuper pendant de longues années après la fin du plan France THD.

InfraNum et le déploiement de… la 5G

Le dernier pilier des ambitions pour les prochaines années est le déploiement des « infrastructures mobiles » avec la 5G. InfraNum souhaite croquer une part du gâteau de cette technologie, qui est présentée comme « bien plus différenciante dans les territoires que ne l’était la 4G ». Nous avons déjà détaillé longuement les promesses de cette technologie, avec une faible latence et des milliers d’objets connectés par station de base, en plus de la traditionnelle hausse de débit. 

Si la 4G a eu le New Deal Mobile pour donner un coup de pouce dans les zones rurales, Philippe Le Grand pense que la situation ne se répétera pas sur la 5G : « les montants à investir et les déficits d’exploitation seront gigantesques, je pense qu’il faut imaginer d’autres modèles d’intervention ».

Il en profite pour glisser son plan d’action : « Il est très probable qu’on sollicite les pouvoirs publics pour aller au-delà des obligations de couverture actuelles et nous réfléchissons à cela, car nous savons qu’il y aura une appétence des territoires et un besoin d’accompagnement industriel pour que la 5G soit à la ville comme à la campagne ». Rappelons que les licences intègrent une obligation de « déploiements concomitants entre les territoires », mais cela ne sera surement pas suffisant pour assurer une parité entre les zones denses et rurales.

« Pour aller au bout de cette ambition, des interventions publiques seront probablement nécessaires, sous des formes encore à imaginer ». La 5G représente un « potentiel conséquent » sur les usages industriels pour les acteurs de la filière et InfraNum « entend jouer pleinement son rôle, notamment dans le cadre du comité stratégique de filière ».

Les quatre opérateurs nationaux présents dans InfraNum

Philippe Le Grand nous précise qu’il peut compter sur la présence d’un nouveau membre dans ses rangs pour avancer sur ce dossier : Bouygues Telecom, qui est arrivé le 20 janvier 2022. Orange est également présent via sa branche Concession, SFR via Xp Fibre et Iliad via IFT (Investissements dans la Fibre des Territoires) ; « on a les quatre, parfois représentés par une branche ».

De manière plus ou moins directe, les quatre opérateurs disposant de licences sur les 3,5 GHz sont donc présents, en plus de Tower Co comme TDF et Cellnex. Là encore, il faudra voir comment ce projet sera accueilli par les opérateurs. Les membres de la fédération InfraNum pourraient aussi s’intéresser à la bande des 26 GHz qui sera prochainement mise aux enchères… enfin si l’Arcep et le gouvernement ne les verrouille pas aux seuls opérateurs de téléphonie mobile déjà en place, comme c’était le cas avec les 3,5 GHz.

Quoi qu’il en soit, ces orientations générales ont désormais « vocation à être traduites en déclinaisons concrètes par chaque commission et seront représentées en assemblé générale ». En plus de ces commissions existantes, la fédération vient de lancer « deux missions préfigurant la création de nouvelles commissions : infrastructures mobiles et datacenters ».

Rendez-vous en mars avec les candidats à la présidentielle

En cette période électorale, « InfraNum a lancé une démarche interne visant à collecter les principales doléances de la filière pour les 5 années à venir. L’objectif est de convier les candidats à la présidentielle qui le souhaitent à présenter le volet numérique de leur programme et la façon dont ils vont répondre à ces attentes. Cet événement devrait avoir lieu début mars ». Les modalités et les candidats (ou leur représentant) restent à confirmer.

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Écrit par Sébastien Gavois

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Introduction

Du changement dans la continuité : « Je mets les pas dans les pas »

Commencer par terminer le plan France THD

Quid du 100 % FTTH en 2025 ?

Service universel et fin du cuivre

Les territoires connectés et le marché entreprise

« Qu’on chasse en meute » à l’internationale

InfraNum et le déploiement de… la 5G

Les quatre opérateurs nationaux présents dans InfraNum

Rendez-vous en mars avec les candidats à la présidentielle

Commentaires (4)


Ce serait pas mal que les industriels restent à leur place. En l’occurence traiter les plats de nouilles et autres défauts d’architecture des réseaux plutot que de dire aux élus et aux habitants ce quil faut faire. Le procédé de vendre de la technologie et du solutionisme est à bout, c’est ce qui pourrait perdre ces mêmes industriels.


C’est quoi un “territoires durables connectés” ??


“jouer collectif”, un peu doux rêveur le monsieur.
J’apprends que 30Mb/s est considéré comme du THD, pratique !



avec une multitude de sous-traitants dont il est parfois difficile de suivre le fil [de fibre ?]




:pciwin: