Lors du TRIP d’automne de l’Avicca, de nombreux sujets ont été abordés, aussi bien sur le fixe que le mobile. Il était ainsi question du déploiement de la fibre en France, de la « qualité » des armoires, de l’objectif d’atteindre 100 % du territoire en 2025, des craintes autour de la 5G et de… leurs incidences sur le New Deal.
Cette semaine, l’Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel) tient son colloque d’automne, aussi connu sous le nom de « TRIP », un acronyme pour Territoires et Réseaux d’Initiative Publique.
C’était aussi l’occasion de renouveler son équipe dirigeante, avec la réélection à la tête de l’association du sénateur Patrick Chaize, qui se présentait à sa propre succession. Sébastien Soriano, président de l’Arcep sur le départ (son mandat prend fin le 13 janvier, et il n’est pas renouvelable) était invité aux débats.
Cette intervention était donc l’occasion de revenir rapidement sur les six dernières années de son mandat, à commencer par le déploiement de la fibre optique en France dans le cadre du plan France Très Haut Débit. Il parle d’un « chantier d’infrastructure absolument inédit, comme on en conduit très peu, qui se passe sous le radar et sans grand retard ni grande dérive des dépenses ».
L’Arcep ne doit pas être « le contrôleur des travaux finis »
« Ça peut paraitre une évidence ajoute-t-il, mais si je parle de construction de centrale nucléaire […] et de certains équipements municipaux, on peut voir des dérives ». Il précise qu’il n’y a évidemment pas « qu’une tête, c’est un collectif, un écosystème d’acteurs ». La crise sanitaire et les mesures de confinement ont eu des impacts, mais cela reste pour le moment assez limité sur l’ampleur et l’étendue du plan.
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Le président de l’Arcep est ensuite revenu sur les engagements pris par les opérateurs d’infrastructure dans les zones AMII (appel à manifestation d'intentions d'investissement) et AMEL (Appels à Manifestation d'Engagements Locaux) afin de déployer de la fibre optique : « Il ne faudrait pas que l’Arcep devienne le contrôleur des travaux finis de ce secteur », alors que les engagements ont été pris avec d’autres institutions.
Il renvoie ainsi la balle au gouvernement pour les zones AMII et aux collectivités pour les AMEL : « Je souhaiterais que ces parties prenantes soient à l’initiative pour faire respecter ces engagements ». Elles devraient donc surveiller l’avancement des chantiers et, si besoin, saisir l’Arcep en cas de problème. Le régulateur jouera alors un « rôle d’arbitre ».
La question de la responsabilité des opérateurs d’infrastructure
Toujours sur la question du déploiement des réseaux et plus particulièrement sur les raccordements des clients – parfois surprenant dans certaines armoires – le président de l’Arcep souhaite que ce soit « l’opérateur d’infrastructure qui fasse la police des bonnes pratiques, avec une capacité le cas échéant de déréférencer les sous-traitants qui seraient particulièrement peu soigneux et récidivistes […] À la fin de la chaine, il y a bien une responsabilité de l’opérateur d’infrastructure, y compris réglementaire ».
Sébastien Soriano donne des détails : « Dans les décisions de la régulation symétrique de la fibre, qui est actuellement notifiée à Bruxelles et pour lesquels nous attendons un retour de la Commission européenne (dans les prochains jours), nous prévoyons d’imposer à tous les opérateurs d’infrastructure de fibre des obligations de qualité de service ».
Dans un premier temps, cela passera par « la régulation par la data », le cheval de bataille du gendarme depuis 2016 : « nous allons collecter de l’information sur toute une batterie d’indicateurs des opérateurs d’infrastructure et dans un second temps on viendra mettre des objectifs qui seront contraignants. En cas de non-respect, on pourra le cas échéant les sanctionner ».
Le président de l’Arcep affirme ne pas vouloir en arriver là rapidement : « S’il y a un certain nombre de délais techniques [des reprises d’armoires par exemple, à cause de « choix parfois tâtonnant » au début, ndlr] qui sont nécessaires pour que les opérateurs d’infrastructure se conforment à ces objectifs, bien évidemment on sera à l’écoute des acteurs. Mais il y a bien une obligation de résultat sur les opérateurs d’infrastructure pour que le réseau fibre soit de bonne qualité ».
Étienne Dugas, président d’Infranum ( la Fédération des Entreprises Partenaires des Territoires Connectés), abonde dans son sens : « C’est évidemment de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure et d’ailleurs ils ont aujourd’hui opposé aux opérateurs commerciaux des contrats qui sont contraignants, tout simplement pour respecter la qualité des armoires et leur pérennité. On attend le retour des opérateurs commerciaux, mais ces contrats doivent se signer dans les jours ou les semaines qui viennent, idéalement avant la fin de l’année ».
100 % de FTTH : « Ne soyons pas plus bête que la moyenne »
Patrick Chaize profite de ce colloque pour revenir sur le « mythe » d’une couverture totale en fibre du territoire, qui est désormais le crédo « de l’État, qui vise le 100 % FTTH pour 2025 ». Il se dit par contre « assez surpris et choqué du discours qu’on peut avoir » sur cette question : « Ne soyons pas plus bêtes que la moyenne : évidemment qu’on sait que le 100 % on ne l’atteindra jamais, mais on ne l’atteint avec aucun réseau. Il faut avoir la démarche intellectuelle de penser que c‘est le réseau qui va devenir le réseau de communication de demain et qui devrait pouvoir répondre à la quasi-totalité des cas ».
« Déjà aujourd’hui il y a des gens qui n’ont pas de filaire cuivre, ça existe. On ne va pas être plus malin avec la fibre, mais on ne doit pas être moins malin […] il y aura toujours des exceptions ou on utilisera des technologies alternatives. […] Pour quelques exceptions on en fait quelque chose de plus important qu’il ne pourrait y paraitre ».
Avec le New Deal, « on a renversé le système »
Sébastien Soriano est aussi revenu sur le New Deal mobile, se félicitant au passage que « l’action publique puisse encore faire des choses dans la réalité des territoires » : « Avant, le New Deal c’était des gens qui décidaient depuis Paris ce qui était les zones blanches […] on avait dimensionné les zones blanches en fonction de ce qu’on pensait que les opérateurs étaient prêt à faire pour être "gentils". On a renversé le système ».
La question de la 5G s’est ensuite rapidement invitée dans les débats : « Aujourd’hui il se dit tout et n’importe quoi sur la 5G, et je pense que c'est une erreur stratégique de présentation des choses, parce que la 5G est apparue comme étant un sujet de spécialistes et donc a été défendue par les spécialistes, car il y a un intérêt à la 5G, sans comprendre que globalement on pouvait se poser des questions […] On n’a pas été attentifs à mon sens à ces questions », explique Patrick Chaize.
Quand le New Deal mobile s’entrechoque avec la 5G
Alors que Sébastien Soriano ne voit pas de lien entre la 5G et le New Deal, Patrick Chaize n’est pas du même avis. Il parle d’un « étrange paradoxe » de voir cette « exigence légitime d’une meilleure couverture 4G sans cesse martelée », alors que dans le même temps « les attaques physiques contre les pylônes et les antennes ne cessent de prospérer ».
Le sénateur de l’Ain donne un exemple récent dans sa région avec « un pylône installé qui a été détruit […] Ce n’était pas un pylône 5G, c’était un pylône 4G de couverture ciblée que tout le monde attendait dans un secteur vraiment dépourvu de réseau. Les gens qui ont « revendiqué » l’acte, ils l’ont fait dans une démarche anti-5G ».
« Le paroxysme étant observé dans les zones où la couverture est pourtant encore la plus mauvaise : la zone rurale ! L’arrivée de la 5G n’est pas étrangère à ce regain d’oppositions, qui prospèrent certes sur des rumeurs complotistes délirantes, mais qui sont aussi dues à un manque criant de pédagogie couplé à des incohérences de calendrier », résume-t-il.
« On a manqué de pédagogie » sur la 5G
Il ajoute que cette nouvelle technologie de téléphonie mobile est un sujet multiple : « il n’y a pas qu’une 5G, il y a x 5G. Ça peut être très très large […] il y a des points qui ne sont pas levés. Du coup, comme toujours, certains se sont engouffrés par ce biais la pour jeter le bébé avec l’eau du bain et créer des campagnes anti 5G fortes, qui marchent, car il y a un certain nombre de trous dans la raquette ». Nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement.
« On a manqué de pédagogie, je pense au gouvernement quand je dis ça […] L’état nous a associés à la réflexion pour faire en sorte qu’on puisse apporter de l’information, éclairer et rassurer sur le sujet de la 5G. Espérons qu’il ne soit pas trop tard », lâche Patrick Chaize.
Patrick Chaize prend en exemple le cas des ondes sur les 700 MHz : elles étaient auparavant utilisées pour la TNT « et personne jamais ne s’est posé la question de savoir s’il y avait des ondes dans notre environnement qui pouvaient être négatives ».
« On a aussi la radio, bande FM, qui est plus intrusive, beaucoup plus que la téléphonie […] n’a jamais posé de problème à personne », ajoute-t-il. Bref, pour le président de l’Avicca, « on va devoir faire plus de pédagogie pour démystifier les ondes électromagnétiques ».
Pour rappel, les opérateurs se sont déjà lancé dans la 5G : les offres commerciales sont disponibles chez Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ce dernier a ouvert son réseau commercial à Nice, les deux autres vont suivre début décembre.