La crise sanitaire a eu des effets tangibles sur le déploiement de la fibre, mais pas spécialement sur les abonnements. 20,8 millions de lignes sont désormais raccordables au FTTH (soit 52 % du total), mais à peine plus de 8 millions en profitent. Il existe encore de fortes disparités entre les zones très denses et les autres.
La crise sanitaire et les mesures de confinement ont eu un effet limité sur les finances des opérateurs, qui ont malgré tout continué à recruter de nouveaux clients à tour de bras. La fibre optique se portait d’ailleurs très bien avec près de 500 000 clients de plus rien que pour Free et Orange.
De son côté, l’Arcep a récemment mis en ligne son observatoire du haut et du très haut débit fixe. L’occasion de passer de l’autre côté de la barrière afin de voir où en sont les déploiements et d’avoir une vision globale du marché. Il n’est en effet pas toujours possible d‘additionner les chiffres des opérateurs, car les périmètres sont parfois différents de l’un à l’autre… surtout quand SFR compte ses clients 4G fixe (et ceux du câble) dans son total « fibre* ».
Une crise sanitaire… quelle crise ?
Crise sanitaire ou pas, l'histoire se répète plus ou moins au second trimestre : « Au 30 juin 2020, le nombre d’accès internet à haut et très haut débit sur réseaux fixes dépasse 30 millions, représentant une croissance de 145 000 au cours du deuxième trimestre 2020 et de 675 000 en un an (+2,3 %) ».
En analysant ses données, l’Arcep arrive à la conclusion que « la crise sanitaire et le confinement intervenu sur l’ensemble du mois d’avril et au début du mois de mai ne semblent pas avoir eu d’impact sur la croissance du nombre d’accès à haut et très haut débit et sur la conversion des abonnés à la technologie FTTH ».
635 000 abonnements FTTH de plus
Le très haut débit – c’est-à-dire avec un débit en téléchargement d’au moins 30 Mbit/s – fait toujours office de locomotive avec pas moins de 645 000 clients de plus au second trimestre, pour arriver à 12,6 millions de lignes, sur un total de plus de 30 millions d’abonnements haut et très haut débit. « Ainsi, 42 % des abonnés en France bénéficient désormais d’un accès internet à très haut débit (+8 points en un an) ».
La fibre optique reste le principal carburant : 635 000 accès de plus sur le trimestre (soit plus de 200 000 par mois), pour un total de 8,3 millions d’abonnements, soit 65 % des 12,6 millions de lignes en très haut débit. On peut donc aussi dire que 28 % des clients haut et très haut débit ont une ligne en fibre optique.
Le câble (fibre avec terminaison coaxiale) à 100 Mb/s ou plus continue de baisser doucement, mais surement au fil des mois. Il y a désormais 1,128 million de lignes avec une terminaison coaxiale, soit 22 000 de moins en trois mois et 114 000 sur un an.
Les abonnements entre 30 et 100 Mb/s – comprenant le VDSL2, le câble, le THD Radio et la 4G fixe (n’en déplaise à SFR, l’Arcep ne classe pas cette technologie dans la « fibre* ») – sont en légère progression pour arriver à 3,193 millions (+32 000 en trois mois, + 185 000 en un an).
Enfin, et sans aucune surprise, « le nombre d’accès au haut débit continue de baisser à un rythme toujours plus soutenu et s’établit à la fin juin 2020 à 17,4 millions, en recul de 1,9 million en un an ».
Plus de 50 % des locaux désormais éligibles à la fibre optique
Un autre indicateur attendu était le déploiement des nouvelles lignes de fibre optique. Le second trimestre – avril à juin – était en effet touché de plein fouet par la crise sanitaire et les mesures de confinement. Les craintes étaient d’avoir une importante chute, mais c’est une (petite) progression qui est tout de même enregistrée.
« Au cours du deuxième trimestre 2020, plus de 1,2 million de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables au FTTH, soit environ 10 % de plus que sur la même période de l’année précédente » pour un total de 20,8 millions de lignes raccordables, explique l’Arcep. Ce dernier ajoute que « la situation sanitaire liée au Covid-19 n’a pas permis aux opérateurs de poursuivre leur importante accélération observée en fin d’année dernière ».

Sur le dernier trimestre de 2019, l’Arcep avait enregistré une hausse de « 58 % de plus que sur la même période » fin 2018. « Ce trimestre record surpasse de 40 % le meilleur trimestre enregistré jusqu’ici », se réjouissait le régulateur.
Le rythme changeait dès le premier trimestre 2020 car les conséquences de la crise sanitaire s’étaient fait ressentir durant les deux dernières semaines de mars, « avec un rythme de déploiement affecté à plus de moitié », expliquait alors le régulateur. « Au cours du 1er trimestre 2020, environ 1,2 million de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables au FTTH, soit environ 27 % de plus que sur la même période de l’année précédente », ajoutait-il. Voilà de quoi relativiser les 10 % du second trimestre 2020.
Rappelons tout de même que le cap du million de prises raccordables dans le trimestre a été franchi pour la première fois fin 2018. Le gendarme des télécoms reste prudent pour la suite : « Les prochaines publications de l’observatoire seront l’occasion de continuer à suivre l’ampleur et la durée de l’impact de cette situation sanitaire ». Il faut en effet que la machine se remette en route et qu’elle tienne la cadence.
InfraNum prévoit de son côté une baisse sur l’année 2020 de 1 million de prises, soit 4,3 millions au lieu des 5,3 millions attendues. Ce serait donc toujours mieux qu’en 2018 (3,2 millions), mais moins qu’en 2019 (4,8 millions). Étienne Dugas, président d’InfraNum, rassurait lors des Assises du très haut débit début juillet : « d’aucune manière que ce soit, les objectifs [du plan France THD, ndlr] ne sont remis en cause », aussi bien sur le « bon débit pour tous » (8 Mb/s, d’ici la fin de l’année) que sur le très haut débit en 2022. Il appelait la filière à « retrouver le rythme de déploiement d’avant Covid-19 le plus rapidement possible ».
Orange en marche forcée sur le déploiement de la fibre
Orange est encore et toujours le premier « déployeur » de fibre optique en France avec 13,180 millions de lignes supplémentaires en trois mois, en quasi-totalité dans les zones très denses et moins denses d’initiative privée. SFR est second avec 2,568 millions de lignes (et à peu près la même répartition dans les différentes zones). Enfin, l’ensemble des autres opérateurs représentent un peu plus de 5 millions de lignes.
Dans les zones très denses, Orange a ainsi déployé 4,624 millions de lignes, SFR 808 000, Free 297 000 et Covage 276 000. Sur celles d’initiative privée, Orange est de nouveau en tête avec 8,556 millions de lignes, SFR second avec 1,760 million et les autres FAI se partagent les miettes 277 000 lignes restantes.
Dans le cas des zones moins denses d'initiative publique, c’est Axione qui mène cette fois-ci les déploiements avec un peu plus d’un million de lignes. Orange est à 850 000, SFR à 750 000, suivi par Altitude à 656 000 et enfin Covage à 639 000.
Pour savoir ce qu‘il en est à votre adresse, le site Cartofibre a été mis à jour le 8 septembre, avec des données du 30 juin 2020. La prochaine interviendra le 3 décembre.

2 millions de clients n’ont pas le choix du FAI en FTTH
Cette large disparité sur les zones en France en cache malheureusement d’autres. Tout d’abord, le nombre de FAI disponibles à une adresse est très variable. Cela à une incidence forte sur la diversité des offres FTTH accessibles et donc sur le prix et les options proposés aux clients. La tendance s’améliore avec l’arrivée des gros opérateurs nationaux sur les réseaux d’initiative publique, mais il reste encore du travail.
Sur les 20,8 millions de lignes FTTH, presque 2 millions n’ont pas le choix pour passer à la fibre : un seul opérateur est disponible, et il faudra donc se contenter du xDSL (ou du câble) chez les autres. 18,852 millions ont le choix entre au moins deux opérateurs, 15,749 millions entre trois et enfin la moitié peut sélectionner son abonnement parmi quatre FAI.
Zones très denses vs reste de la France : de très importantes différences
Une autre disparité importante concerne la répartition des lignes éligibles à la fibre optique. Les villes et les campagnes sont en effet bien loin d’être à égalité, comme en témoignent les chiffres par zones géographiques :
- Zones très denses : 91 % des locaux éligibles au THD, 82 % au FTTH (6,0 millions de lignes)
- Zones moins denses privées : 77 % des locaux éligibles au THD, 66 % au FTTH (10,5 millions de lignes)
- Zones moins denses publiques : 42 % des locaux éligibles au THD, 25 % au FTTH (4,3 millions de lignes)

La moyenne nationale de 52 % de locaux éligibles à la fibre optique est donc à prendre avec des pincettes. Attention d'ailleurs aux comparaisons hâtives avec les précédents relevés : le gendarme des télécoms rappelle en effet que « les chiffres présentés précédemment se fondent sur un référentiel de nombre de locaux intégrant l’évolution des données IPE au cours de ce deuxième trimestre ».
Il y a désormais « près de 40,3 millions » de logements et locaux à usage professionnel à relier aux réseaux sur le territoire national, avec la répartition suivante : « environ 7,4 millions dans les zones très denses, environ 16 millions dans les zones moins denses d’initiative privée et environ 16,9 millions dans les zones moins denses d’initiative publique ».
Quid du cuivre ?
Sur le réseau cuivre, dont l’extinction est en marche, 99,5 % des lignes sont « ouvertes » au VDSL2 , mais il faut être proche du NRA pour en profiter pleinement, pour rappel. 95,5 % des lignes sont dégroupées, un chiffre stable par rapport au trimestre dernier (175 NRA supplémentaire ont été dégroupés au second trimestre, pour un total de 16 708).
Pour rappel, Stéphane Richard expliquait fin 2019 que « l’extinction et le retrait du cuivre ont déjà démarré : dans les quatre dernières années, on a compacté et retiré 80 000 tonnes de cuivre de nos réseaux en France ». Il faudra encore une dizaine d’années pour « sortir complètement du cuivre ».
De son côté, l’Arcep a mis en ligne une consultation publique sur les prix du dégroupage afin de proposer « un nouvel encadrement tarifaire pour 2021-2023 pour accompagner la transition du cuivre vers la fibre ». Le régulateur estime en effet « pertinent d’inciter » à sa fermeture.
