Hadopi infirmée : la justice valide l’enregistrement local de Next Radio TV sur Molotov

Coup de grâce pour la Hadopi
Droit 7 min
Hadopi infirmée : la justice valide l’enregistrement local de Next Radio TV sur Molotov
Crédits : Molotov.tv

Saisie par nos soins, la cour d’appel de Paris reconnaît que l’enregistrement en local depuis Molotov relève bien de la copie privée. L’arrêt infirme la délibération rendue par la Hadopi, qui avait rejeté notre demande de règlement de différend. Résumé du match.

C’est un pavé dans la mare de la distribution des chaînes de télévision que vient de jeter la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 1er octobre 2021.

En avril 2018, nous dénoncions les restrictions imposées au fil du temps par les chaînes de télévisions comme TF1 ou M6 sur la plateforme Molotov.

D’un côté, des abonnés doivent payer la copie privée « plein pot » pour ces capacités d’enregistrement dans le cloud, de l’autre des chaînes interdisent l’avance rapide sur les flux, restreignant à 20 heures les capacités d’enregistrement cumulées par groupe, ou rendant impossibles ces mêmes sauvegardes en simultané ou par avance au-delà de deux semaines…

Il faut dire que le législateur avait quelque peu savonné la planche. Si, avec la loi Création de 2016, il a étendu la copie privée (et son paiement) aux distributeurs dans le cloud, comme Molotov, il a conditionné cette extension à des accords passés avec les chaînes, afin que soient notamment définies « les fonctionnalités de ce service de stockage ». Ou comment saupoudrer un régime de droits exclusifs dans un univers normalement dévolu à une exception, la copie privée.

Pour crever l’abcès de ces restrictions, nous avions appelé la Hadopi à la rescousse. Et pour cause, en sus de la riposte graduée, celle-ci endosse depuis 2009 la casquette du gendarme des verrous numériques.

La Hadopi nous donne raison, avant de se dédire

Bien nous en avait pris : le 25 octobre 2018, la haute autorité rendait un avis qui nous était pour le moins favorable. Non seulement elle condamnait les restrictions à la copie privée, mais elle considérait au surplus qu’un utilisateur « doit, sous réserve que la copie reste protégée contre les utilisations non autorisées, pouvoir disposer pleinement et librement de sa copie ».

Une liberté qui implique notamment « de pouvoir, dans la mesure du possible, la visionner à tout moment, y compris en l’absence de connexion Internet et à partir de tout autre support. »

Dit autrement, elle réclamait au titre de la copie privée, une fonctionnalité alors absente chez Molotov : l’enregistrement des flux sur le disque dur de son ordinateur, de sa box ou la mémoire de sa tablette, à condition que ces fichiers soient protégés contre toute dissémination sur Internet, afin de respecter le sacro-saint test en trois étapes

« Simple », cet avis n’était donc que consultatif. S’il a permis à Molotov d’ouvrir les vannes de cet enregistrement sur disque dur local, le « Download to Go », il ne nous a pas pleinement satisfait puisque cette ouverture n’a pas été généralisée ni même imposée.

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit pourtant que « les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne peuvent recourir à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l'exception pour copie privée, y compris sur un support et dans un format numérique ».

Notre procédure de règlement de différend

Armé de cette délibération et de cette disposition, nous avons allumé une mèche beaucoup plus rugueuse : revenir devant la Hadopi, mais cette fois par le biais d’une procédure dite du « règlement de différend ». Autre salle, autre ambiance puisque l’autorité est en capacité cette fois d’émettre une véritable injonction, accompagnée au besoin d’une astreinte financière.

Notre procédure visait formellement Molotov, mais dans le fond, avant tout les restrictions imposées par les chaînes. Des chaînes qui savent que ces enregistrements locaux, dits « download to go », sont une fuite de retombées publicitaires, elles qui ne touchent pas un centime de la redevance copie privée, contrairement aux 300 millions d’euros aspirés par les sociétés de gestion collective chaque année.

Pour notre part, l’index pointé sur le groupe NextRadio TV, l’enjeu était surtout de permettre aux abonnés situés en zone blanche de visionner leurs copies privées hors connexion. L’idée ? Ne plus être tributaire d’un accès à bon ou haut débit pour profiter de ce magnétoscope « réinventé », et profiter de ces contenus en mode « off line » sans étrangler sa connexion.

Le 24 septembre 2020, patatras.

Quand la Hadopi contredit la Hadopi

Dans sa délibération portant règlement de différend, la Hadopi a refusé finalement d’enjoindre Molotov de permettre ces enregistrements locaux sur les chaînes du groupe NextRadio TV, quand bien même ces fichiers soient solidement protégés.

Elle a rejeté notre demande, et par ricochet, contredit sa délibération d’octobre 2018. Elle a considéré qu’« il existe désormais de nombreuses alternatives permettant aux utilisateurs de disposer de copies des programmes télévisés, présentant chacune des contraintes propres à leur mode de fonctionnement ». Mieux, « le fait qu’un enregistrement réalisé par voie d’accès à distance soit accessible seulement à distance n’apparaît pas impropre à permettre le bénéfice de l’exception de copie privée ».

Elle ajoute que les services de nPVR sont en développement. « Leur imposer dès à présent l’obligation de rendre toutes les copies accessibles hors ligne pourrait constituer une contrainte disproportionnée », et ce alors même que Molotov, seule concernée par notre procédure, est ouverte à un tel développement.

Et la Hadopi de reconnaître surtout ne pas disposer d’un recul suffisant « pour mesurer les risques que ces services de nPVR viennent brouiller la visibilité des utilisateurs quant à la différence entre les pratiques de copie usuelles de flux de télévision linéaire et certaines modes de consommation à la demande ».

En quête de moelle, nous n’allions pas lâcher l’os si facilement. Représenté par Me Juan-Carlos Zedjaoui, nous avons déposé un recours devant la cour d’appel de Paris pour tenter de renverser cette issue.

Et quand la justice, saisie par nos soins, infirme la Hadopi

L’arrêt rendu ce 1er octobre, relève, sans contestation, que nous résidons, à titre personnel, « dans lieu à faible couverture internet », dans l’impossibilité de « lire hors ligne des copies privées des programmes des chaînes BFM TV, RMC Story et RMC Découverte du fait de restrictions techniques que la société Molotov a mises en place pour ces seules chaînes ».

En amont du règlement de différend, Molotov avait en effet indiqué ne pas avoir mis en place la technique du « download to go » sur les chaînes de ce groupe « car la société Next Radio TV avait manifesté lors de la conclusion de son contrat conclu un refus de voir mise en oeuvre la lecture des copies hors ligne, sans que le contrat finalement signé ne mentionne expressément une telle interdiction ».

Fait notable, la cour a noté qu'il ne résulte ni des travaux du rapporteur désigné par la haute autorité, ni de la décision de l'Hadopi critiquée « que la société Next Radio TV, pourtant auditionnée, ait exprimé une opposition à l'utilisation de la technique download to go ».

Si la Hadopi n’a pas produit son audition de Next Radio TV aux juges, ces derniers considèrent néanmoins que le groupe Next Radio TV ne pouvait ignorer « que la décision qui serait prise sur le recours de M. Rees pouvait avoir une incidence sur la possibilité de lecture hors ligne des enregistrements de ses programmes ».

L’arrêt, qui prend soin de souligner la contradiction patente entre l’avis simple et le règlement de différend de la Hadopi, retient finalement « que les usagers du service de visionnage hors connexion de programmes de télévision enregistrés disponible sur la plateforme éditée par la société Molotov et accessible sur internet à l’adresse https://www.molotov.tv bénéficient de l’exception pour copie privée ».

Et comme Molotov est d’accord pour mettre en œuvre de cette technique, sans opposition formelle de la part de Next Radio TV, la cour décide d’infirmer la délibération de la Hadopi du 24 septembre 2020, ce fameux règlement de différend rendu à notre désavantage.

Pour la justice, en conséquence, « il n’existe pas d’obstacle à la mise à disposition des utilisateurs du service Molotov.tv de la fonctionnalité download to go de lecture hors ligne des copies privées des programmes des chaînes BFM TV, RMC Story et RMC Découverte, concernées par la demande de règlement de différend, afin que le requérant, comme le public desdits utilisateurs, ne soient privés du bénéfice de l’exception pour copie privée lorsqu’ils ne disposent pas d’une connexion à internet leur permettant de lire en ligne leurs enregistrements ».

Ce règlement était le premier et seul rendu par la Hadopi dans toute son histoire. Il est du coup le premier et seul à être infirmé par la justice, avant la dilution de l’autorité dans la future Arcom.

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