Jean Baptiste Kempf a bien voulu répondre à nos questions suite à la diffusion de l’avis VLC sur le Blu-Ray. Ce membre de l’association VideoLAN, éditeur du fameux lecteur, nous fait part de sa déception quant au contenu de cet avis touchant à l’interopérabilité des verrous techniques.
PC INpact : comment analysez-vous l’avis de la Hadopi ?
Jean Baptiste Kempf : c’est une réponse aberrante. C’est comme si je leur demandais : est-ce que le ciel est bleu, la Hadopi me répond « non ». Elle ne répond pas à la problématique visant à expliquer ce qu’on a exactement le droit de faire.
Comment cela ?
La Hadopi nous dit simplement qu’on n’a pas le droit au reverse engineer et de récupérer les clefs. Mais peu importe ! Il y a bien d’autres questions en suspens. Ai-je le droit de diffuser libAACS (qui permet de lire des disques Blu-ray protégés par AACS, NDLR) sans les clefs, en compilation statique ? Et en compilation dynamique ? Les titulaires de MTP ont-ils le droit de refuser de donner la documentation, hors secrets, dans le cadre de l'interropérabilité ? Peuvent-ils s'opposer à une diffusion, hors secret, d'une implémentation de la MTP ? Est-ce que j’ai le droit de diffuser VLC avec libAACS sans les clefs si je désactive les capacités d’enregistrement ? Si oui quelles sont les capacités que je peux désactiver ? Ce sont des questions de base, importantes dont on attend la réponse !
La question de l’interopérabilité est en effet centrale...
Oui ! Que se passe-t-il justement si je vais voir un titulaire de MTP qui m’impose dans une licence des obligations contraires à l’interopérabilité ? Par exemple dans le cas de Sony qui dit qu’il faut que le système d’exploitation supporte HDCP (High-bandwidth Digital Content Protection) ce qui est très bien sauf que ni Linux ni OSX ne le supportent ! On fait quoi ? Est-ce que j’ai le droit aujourd’hui de reverse engineer le BD+ et diffuser cette partie technique sans la partie clef ? Nous n’avons pas de réponse alors que c’était des questions centrales. La Hadopi a mis un an et demi à nous répondre, à paraphraser la loi, sans répondre à aucune des autres questions.
La Hadopi considère cependant que l’efficacité des mesures techniques de protection se mesure sur l’intégralité des formats, ce qui laisse entrevoir un certain assouplissement…
Cela pourrait balayer tous les formats de DRM qui sont d’extrême mauvaise qualité comme DVD CSS. Mais la Hadopi n’a pas été claire : une DRM sans clef comme DVD CSS est-elle efficace ou pas ? Suffit-il de dire que SlySoft vende un logiciel - AnyDVD HD - qui casse toutes les protections pour considérer qu’on a le droit ?
La Hadopi vous recommande maintenant d’entrer dans une procédure précontentieuse contre Sony, allez-vous vous y envisager ?
Non. La question n’était pas que sur le Blu-Ray, mais était générale à l’ensemble des problématiques soulevées par ce sujet : à aucun moment d’ailleurs on ne nous décrit, par exemple si on a une partie non-ouverte, comment pourrait se faire l’échange de clefs, etc. La Hadopi a juste répondu « Non. »
Qu’allez-vous faire alors ?
Faut-il faire quelque chose ? Pour nous c’est affligeant. Ils essayent de nous expliquer qu’ils ont une utilité quelconque, alors qu’ils sont juste capables de paraphraser la loi.