A tranché ! La Hadopi a donc rendu son avis dévoilé dans les colonnes de PC INpact. L’association VidéoLan souhaite savoir comment son lecteur VLC peut lire le Blu-ray. Un format enfermé dans un sandwich de DRM dont l’éditeur aimerait bien avoir les détails jalousement gardés par les géants du secteur.
En substance, la Hadopi lui répond : j’aimerais bien, mais j’peux point. La haute autorité considère en effet que ni l’exception de l’ingénierie inverse ni l’exception de décompilation ne permettent de contraindre le consortium Blu-ray à fournir les secrets dont les clés de chiffrement.
Selon la Hadopi, la première exception ne concerne que les idées et les principes qui sous-tendent le fonctionnement d’un logiciel. La seconde exception ne frappe que le logiciel. Le collège mené par Maire-Françoise Marais, considère que la décompilation « ne peut conduire à porter atteinte à l’efficacité d’une mesure technique de protection logicielle protégée par un droit d’auteur et notamment à concevoir des applications destinées principalement à porter atteinte à pareille mesure technique de protection efficace ».
Problème : VLC ne veut pas porter atteinte aux MTP dites efficaces, mais simplement permettre à son lecteur tout-terrain de lire ce format comme l’annonce l’article L.331-5 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle « les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en œuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur » et les fournisseurs de mesures techniques doivent donner « l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. »
VLC invité à choisir une procédure pré-contentieuse et payer
Mais peu importe. La Hadopi ferme à clef la porte du Blu-Ray, en pleine face de VLC. L’analyse de la Hadopi n’est qu’un avis simple. VideoLan a choisi en effet la voie douce de l’article L331-36 du code de la propriété intellectuelle qui permet de solliciter la haute autorité d’un avis « de toute question relative à l'interopérabilité des mesures techniques ». Des avis pour du beurre, qui ne valent rien juridiquement ou plutôt qui permettent de prendre la température. La Hadopi invite toutefois à VLC à emprunter maintenant la voie pré conflictuelle, celle que l’association n’avait pas voulu choisir.
Cette procédure plus lourde débute par une tentative de conciliation entre les parties puis, si elle échoue, par une vraie décision que la Hadopi doit motiver. Elle peut alors rejeter la demande ou émettre « une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte » les conditions dans lesquelles le demandeur peut obtenir l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. Dans ce cadre, le demandeur peut lui-même être soumis à des engagements « pour garantir l'efficacité et l'intégrité de la mesure technique, ainsi que les conditions d'accès et d'usage du contenu protégé. »
Cette procédure serait-elle utile ? La Hadopi joue dans le clair-obscur avec des considérations généralisées.
- Les secrets et donc les clefs de chiffrement forment des éléments de la documentation technique qu’un titulaire de droits est susceptible d’avoir à fournir.
- Le titulaire de droits pourra s’y opposer s’il apporte la preuve qu’il y aurait alors une atteinte grave à la sécurité et à l’efficacité de ces mesures
- Comme l’exige le Conseil constitutionnel, si Sony est obligé de fournir ces clefs, VLC devra l’indemniser conformément au principe constitutionnel du droit de propriété.
Bref, un ciel chargé pour VLC. Mais entre les nuages, la Hadopi fait miroiter un petit rayon.
Une protection des MTP à niveaux variables
Elle souligne dans le considérant 18 de son avis qu’elle a pour mission de rechercher « un équilibre entre la protection des œuvres et leur libre usage ». Sur ce terrain, la Hadopi fait un petit clin d’œil aux « mesures techniques efficaces ». L’expression est issue de la loi DADVSI. Le terme d’efficacité rappelle que la protection juridique des mesures techniques (ou DRM) ne vaut que si elle protège efficacement l’œuvre. Sinon ? Pas de protection puisqu’on ne protège pas un mur de sable.
Avançant sur des oeufs, Marie-Françoise Marais considère que « la gravité de l’atteinte à la sécurité et à l’efficacité de la protection offerte par la mesure technique doit s’apprécier au vu du degré de protection global de l’œuvre concernée, c’est-à-dire pour l’ensemble des supports et formats pour lesquels elle est distribuée. Sa disponibilité dans des formats et sur des supports moins protégés serait de nature à minimiser cette atteinte ». En clair : le Blu-Ray d’un film déjà diffusé à la TV devrait être moins protégé juridiquement que le Blu-Ray d’un film très récent. Il serait rapide d’imaginer une forte brèche dans les MTP : d’un, on voit mal VLC faire le tri. De deux, les producteurs pourraient toujours considérer que le format Blu-Ray est spécifique et ouvre une qualité non atteinte via les autres voies.
En guise d'autres mesures, la Hadopi recommande au législateur d'autoriser les associations agrées de consommateur à la saisir pour toute demande d'avis relative à l'interopérabilité...
MàJ : Nous avons publié depuis une interview de Jean-Baptiste Kempf, de l'association VideoLan, très peu satisfait de cet avis.