Les Freebox One et Delta sont là. Ces annonces ne font que signer le début d'une nouvelle aventure pour les équipes de Free. Il faudra désormais compléter et corriger ces boîtiers, mais aussi se montrer à l'écoute des utilisateurs. Surtout, la mayonnaise doit prendre pour que le modèle de la box perdure.
Huit ans après la Freebox Révolution, et de nombreuses promesses, Xavier Niel et ses équipes n'avaient pas le choix : il fallait mettre le paquet pour ne pas décevoir. Un enjeu stratégique à plus d'un titre.
Le fondateur a eu beau jouer la détente lors de sa conférence de presse ou de ses interventions publiques, la pression est là puisque tant le revenu par abonné que le chiffre d'affaires sont en baisse en France. Seul le lancement en Italie sauve les meubles. On comprend mieux pourquoi la nouvelle Freebox Delta intègre des frais de mise en service de... 99 euros.
Tout va bien
La question du retard a donc été le premier sujet traité, surtout après un article du Figaro indiquant que Niel était furieux de la situation. Il a donc préféré parler d'un lancement « un peu en avance » grâce à une astuce plutôt bien trouvée : la Révolution avait été lancée un 14 décembre 2010, sa remplaçante aurait donc pu être annoncée pile huit ans plus tard.
« Mais mercredi prochain, l'un de nos concurrents fait une petite présentation, et vous nous connaissez chez Free, on est charitables. Déjà qu'ils nous reprochent de leur avoir fait perdre des milliards d'euros de profit » s'amuse-t-il, faisant référence au Show Hello d'Orange qui se tiendra le 12 décembre à Paris.
On retrouve ici le personnage habituel du patron d'Iliad, plutôt rigolard, un tantinet taquin, parfois borderline. Comme lorsqu'il évoque chez 01Net (11'5''), qui appartient à Altice (SFR), un marché où seuls deux acteurs déploient vraiment de la fibre optique (Free et Orange mais pas SFR, donc) ou les caractéristiques de la Delta : une box avec le meilleur Wi-Fi au monde à 4,4 Gb/s, ce qui est tout de même un peu plus compliqué que ça dans la pratique (voir notre analyse).
Il ne faut pas oublier que si Xavier Niel évoquait une livraison des premières Freebox vers décembre 2002, elle avait été lancée le 18 septembre 2002. Une date qui tombe cette année... un mardi. On imagine qu'elle a sans doute été envisagée pour la conférence de presse de lancement des Delta/One, avant que les équipes ne comprennent qu'il était trop tard.
En interne, le sujet a même fait l'objet de paris (perdus). Xavier Niel a de son côté déclaré dans nos colonnes que si les nouvelles Freebox ne marchent pas, il sera seul responsable. Une phrase à encadrer au-dessus du bureau au sein des équipes ayant travaillé sur le projet ? La question a fait sourire certains de nos interlocuteurs.
Notre dossier sur Free et les Freebox One/Delta :
- Notre suivi en direct de la conférence de Free
- Les défis de Free pour s'adapter au monde qui vient
- Freebox Delta, One, Révolution, mini 4K : tarifs, conditions et tableau comparatif
- Le Freebox Delta Server et ses révolutions, au-delà du 10 Gb/s
- Freebox Delta Player Devialet : « les gens veulent avant tout consommer des contenus multimédia »
- Freebox One : entre évolutions et déceptions
Free doit s'adapter, sans changer sa nature
Quoi qu'il en soit, la capitalisation d'Iliad avait été divisée par deux en un an, l'action passant d'un peu moins de 225 euros en octobre 2017 à moins de 100 euros en octobre 2018. Les annonces du groupe ont permis au titre de retrouver des couleurs, avec une clôture hier à un peu moins de 125 euros, mais la route va encore être longue.
Car les clients ont quitté le navire de manière visible au cours des derniers trimestres. Les raisons sont multiples : les problèmes d'accès à certains services ces dernières années (Netflix notamment), la guerre des prix qui fait rage dans le secteur, mais aussi à la poussée très forte d'Orange dans la fibre. Il faut donc réenchanter autour de la marque Free.
Mais il faut le faire dans un contexte particulier, qui n'a rien à voir avec la situation de la société à ses débuts. Le trublion devait alors marquer sa différence avec un Orange tout puissant et de très nombreux concurrents. Chacun cherchant à se faire une place dans un marché marqué par la révolution ADSL et l'ouverture à la concurrence.
Les deux boîtiers de la Freebox HD (v5), lancée en 2006
Outre les prix bas, le triple play était alors une manière pour Free de convaincre grâce à ce qui fait encore sa force aujourd'hui : une capacité à développer ses équipements en interne pour les adapter à ses besoins sans dépendre d'un intégrateur tiers. Mais avec le temps, la concurrence s'est faite moins nombreuse. Elle s'est surtout organisée et a appris en partie de ses erreurs, proposant de meilleures boxs à des tarifs plus concurrentiels.
Aujourd'hui, les défis sont donc ailleurs. Iliad doit assurer sa croissance en France, mais aussi se développer à l'étranger. Ses principaux concurrents sont en effet des FAI de plus en plus européens, mais aussi des acteurs mondiaux comme les plateformes et leurs écosystèmes plus ou moins ouverts.
. Une vision parfois rêvée par le consommateur, dont il faut néanmoins se méfier car elle n'est pas forcément synonyme de prix bas pour un service de qualité. Car c'est aussi là que se trouve toute une partie de la valeur permettant d'assurer un matelas confortable à des acteurs qui doivent supporter de lourds investissements.
Le Minitel face à la révolution de l'Internet (plus ou moins) ouvert
La position de Free a donc toujours été la même : ne pas mettre la main dans les contenus et les services, mais rester celui qui permet d'y accéder de la manière la plus simple possible, dans une interface si possible unifiée.
Et c'est là que le système menace de s'effondrer dans les années à venir, si la plus-value n'est pas au rendez-vous. Car à l'heure des téléviseurs connectés, clés HDMI et autres boîtiers ultra-compacts coûtant de 30 à 200 euros, la box du FAI n'est plus vraiment nécessaire pour accéder à des services tiers, ou même à la TV.
Une évolution souvent perçue comme une nouvelle source de liberté pour le consommateur, mais ce n'est pas si simple.
Les exemples ne manquent pas ces dernières années.Il existe tout de même un point sur lequel ces sociétés mondiales ont été plus fortes que nos acteurs locaux : leur capacité à fédérer les développeurs autour de leurs services, avec des API/SDK ouverts, une mécanique de partage des revenus accessibles largement et des outils efficaces. Ce, alors que le modèle control freak du Minitel reste une grande passion française.
Regarder de près le fonctionnement de boîtiers et autres assistants vocaux annoncés ces dernières années par Canal+ ou nos FAI permet de le constater : s'y intégrer n'est souvent possible qu'à travers des partenariats et accords spécifiques.
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Trouver le bon compromis
Le premier correspond à un accès Internet peu cher, avec peu de services, mais permettant de s'assurer l'adhésion de millions de clients. Ils sont nécessaires à la rentabilité d'un acteur du monde des télécoms, où les coûts fixes sont importants.
Il faut ensuite convertir la plus grande part d'abonnés possible à des offres plus chères, en les attirant avec des fonctionnalités et des services intégrés comme nulle part ailleurs. Conçues par des geeks, pour des geeks... qui ne veulent pas toujours se compliquer la vie. Mais il faut surtout le faire sans oublier que le client ne vit pas dans une bulle.
Il veut accéder à la diversité des services d'un monde où les chaînes de TV ne sont plus l'alpha et l'oméga, l'OTT et le tout connecté de vraies tendances de fond, les plateformes des acteurs avec qui il faut composer.
D'une certaine manière, la Freebox Révolution en son temps puis la Mini 4K ont été une manière de répondre à ces problématiques. La première ouvrait la voie à une offre plus haut de gamme, reposant sur les produits matériels et logiciels de Free, entre NAS et lecteur Blu-ray, reposant sur Freebox OS ou une boutique d'applications. La seconde misait plutôt sur l'utilisation de l'écosystème de Google pour proposer une offre 4K d'entrée de gamme.
La Freebox Delta doit constituer une sorte de mélange de ces deux approches. Elle exploite le savoir-faire des équipes de Free, une intégration forte de certains services à travers des partenariats, mais aussi une ouverture sur des écosystèmes tiers à travers ses fonctionnalités domotiques ou l'intégration de l'assistant Alexa d'Amazon.
Le tout en tirant parti de ce qui fait la force principale des FAI face à des Amazon, Apple ou Google : l'abonnement mensuel. Leurs clients auront toujours besoin d'un accès Internet, il permet donc de faire un pari sur l'avenir à travers un modèle qui oscille entre le crédit très longue durée et la location avec option d'achat. Il est ainsi possible de proposer des solutions techniques très coûteuses, qui ne se seraient autrement démocratisées que d'ici quelques années.
La gamme Freebox, la clarté de l'offre SFR
Proposer une offre complète, jusqu'au haut de gamme
Pour Free, le message derrière ces annonces et sa nouvelle grille tarifaire est clair : pour durer, il faudra trouver une voie intermédiaire qui soit une alternative aux prix cassés permanents, la dépendance aux acteurs étrangers et les systèmes fermés. Être une plateforme comme une autre, même sans l'envergure d'un acteur mondial.
Avec les nouvelles Freebox, s'ouvre une phase de transition qui va durer, notamment le temps de rationaliser des offres désormais éloignées du modèle simple, à tarif unique.
Elles doivent pourtant permettre à terme de convaincre le public habituel de Free, en recherche d'offres efficaces à un tarif raisonnable, mais aussi ceux qui veulent des solutions plus complètes, plus évoluées techniquement et plus intégrées, quitte à ce qu'elles soient plus chères. Un public à qui Free ne veut pas se résigner à distribuer des appareils Android TV ou tvOS.
Pour mieux comprendre là où voulait en venir le FAI, nous avons examiné ses offres commerciales, mais aussi échangé avec ses partenaires depuis la présentation de mardi matin. Évolutions techniques, refonte des interfaces, réutilisation de la couche logicielle existante, modification de la stratégie ou de la politique tarifaire : tout est là.
Nous pouvons ainsi vous livrer une analyse complète de ces différents aspects en attendant de pouvoir décortiquer les nouvelles Freebox et leurs services de manière plus concrète à compter de la semaine prochaine.