Très haut débit : les nouveaux axes du gouvernement passés au crible

Très haut débit : les nouveaux axes du gouvernement passés au crible

À dans deux mois !

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Guénaël Pépin

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Internet

28/09/2017 7 minutes
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Très haut débit : les nouveaux axes du gouvernement passés au crible

Technologies, calendrier, engagements des opérateurs, contreparties pour accélérer sur le mobile... Le gouvernement vient de dresser les grandes lignes de sa future feuille de route sur le très haut débit. À partir de directions vagues, l'Arcep a deux mois pour trouver des solutions concrètes.

Après des mois de remous entre État, collectivités et opérateurs, le gouvernement donne les grandes lignes de sa feuille de route sur le très haut débit. Depuis l'été, chaque acteur du secteur tente de tirer la couverture à soi, suivant l'exemple de SFR et de sa promesse de fibrer la France sur fonds propres d'ici 2025. Le dernier épisode des consultations a été la rencontre le 22 septembre, au ministère de la Cohésion des territoires, du gouvernement avec les quatre principaux opérateurs.

La nouvelle ligne de l'État correspond globalement à la vision que nous avait donnée Antoine Darodes, le directeur de l'Agence du numérique, fin août. Le gouvernement souhaite une accélération des déploiements du très haut débit, avec des engagements contraignants sur la fibre, ainsi que la 4G sur la majeure partie du territoire (avec quelques contreparties).

L'exécutif compte revoir les opérateurs sous deux mois, sur la base de propositions de l'Arcep, chargée de trouver des solutions concrètes avec les acteurs privés. Car, il faut encore le dire, ces nouveaux axes baignent toujours dans un flou important, réitérant avant tout des objectifs.

Un mix technologique (encore) à travailler

Depuis 2013, le plan France THD prévoit le très haut débit pour tous (plus de 30 Mb/s descendant), dont 80 % de fibre, en 2022. Le gouvernement actuel a ajouté une étape en « bon débit » pour tous en 2020, pour aider les habitants des zones les moins bien desservies à patienter. Dans son communiqué, le gouvernement confirme qu'il s'agit de 8 Mb/s « minimum ».

Sans surprise, l'État préconise de mobiliser toutes les technologies : la fibre, la montée en débit sur cuivre, la 4G fixe, (via un réseau mobile ou via une boucle locale radio) et le satellite. Il se garde bien de donner le moindre détail, notamment sur la part allouée à chaque technologie.  « Le travail d’identification de chaque foyer ou entreprise mal couverte a été lancé et permettra de proposer une solution technologique adaptée » promet simplement l'exécutif. 

Depuis deux ans, les industriels des réseaux publics mènent un important lobbying pour la 4G fixe via boucle locale radio (TD-LTE), dans laquelle certains de ses membres voient leur avenir. Pour l'Agence du numérique, les technologies radio (TD-LTE et satellite) n'ont pas vocation à se  répandre au-delà d'un million de foyers, surtout dans les zones disposant déjà de technologies précédentes comme le WiMAX. Cela alors que les industriels parlent plutôt de cinq millions de logements.

Dans un rapport publié hier (voir notre analyse), les députés Éric Bothorel et Laure de la Raudière s'inquiètent d'ailleurs que ces solutions d'attente de la fibre puissent se pérenniser. Ils estiment par ailleurs qu'un objectif de 100 % de fibre en 2025 est atteignable, alors que le plan France THD ne s'inquiète pas encore des déploiements post-2022.

Les deux parlementaires proposent d'ailleurs de déployer la fibre partout, pour une « société du Gigabit » en 2025, comme le prône l'Union européenne. Un objectif avec lequel l'Etat serait en accord.

Mieux contrôler les déploiements privés

Un problème important du plan France THD est le suivi des engagements des opérateurs par les collectivités. En zones moins denses, où Orange et SFR déploient pour le compte des quatre groupes nationaux, les communes ont peu de leviers sur les déploiements.

Zones AMII intentions déploiement
 La zone de coinvestissement privé décidée en 2011 - Crédits : Cerema

À peine 60 % des collectivités concernées ont signé une convention de suivi avec ces entreprises (contre une promesse de 100 % il y a près de deux ans). Dans les cas où elle a été signée, les collectivités mettent rarement en place de suivi local et les opérateurs seraient peu transparents sur les travaux, malgré des engagements à 2020. Même en cas de constat de carence, dans l'unique exemple lillois, la métropole a simplement confié le chantier au concurrent.

En parallèle, sur trois millions de lignes laissées libres par la régulation, SFR récupère les quartiers rentables laissés libres par Orange (voir notre enquête).

Le gouvernement promet d'encadrer « de manière contraignante les engagements de déploiements des opérateurs privés afin de s’assurer, de manière détaillée et transparente, de leur parfaite réalisation ».

Comment ? Fin août, l'Agence du numérique nous donnait quelques pistes. Les engagements devraient bientôt être contrôlés au niveau national, conjointement par l'agence interministérielle et le régulateur, qui aurait la charge de publier les indicateurs et données. Il devrait notamment reprendre l'observatoire France THD, qui fournit une première vision des déploiements prévus. Au Monde, le secrétaire d'Etat Julien Denormandie parle lui d'un « dispositif législatif ».

Soutien réaffirmé aux réseaux d'initiative publique

Les déploiements de réseaux de collectivités ont, eux, le soutien du gouvernement. Après des mois d'inquiétude suite aux annonces de SFR, qui menace de doublonner les réseaux qu'il ne construit pas, des lobbies de collectivités et d'industriels ont multiplié les appels publics, soutenus par une future proposition de loi.

Résultat : l'État compte « mobiliser de manière organisée et coordonnée les nouvelles opportunités d’investissement privé ».

Autrement dit, le gouvernement songerait à étendre à la marge les zones de coinvestissement privé. Actuellement centrées sur les agglomérations moyennes et zones périurbaines, elles arrivent sur des zones rurales.

Depuis la fin 2016, Orange drague des départements pour récupérer des centaines de milliers (voire millions) de lignes, avec le soutien de l'Agence du numérique. Au moins deux ont accepté (Belfort et les Hautes-Pyrénées), quand d'autres ont refusé (au moins les Bouches-du-Rhône et la Haute-Garonne).

Pour l'agence, bras opérationnel du gouvernement, il faut qu'une extension des investissements privés passe par un accord avec les collectivités. Un doublon des réseaux publics est « une ligne rouge » pour l'institution. Son discours trouvait une résonance hier chez Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires.

La 4G (presque) partout en 2020

Sur le versant mobile, désormais considéré crucial, le gouvernement demande une « couverture 4G rapide pour tous les Français » en 2020. Il souhaite voir les habitations, entreprises, axes routiers et ferroviaires traités. Il prévoit donc des discussions entre l'Arcep et les opérateurs, pour négocier des obligations de déploiement plus fortes. 

Comme le notait récemment le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), au rythme actuel, l'ensemble des pylônes déjà posés en France métropolitaine sera couvert en 4G dès début 2019.

Un plafonnement de l'imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER) aurait les faveurs de l'exécutif, qui évoque « l’évolution de la fiscalité assise sur le déploiement des antennes ». La baisse de cet impôt est une demande récurrente des opérateurs mobiles, sur laquelle gouvernement, députés, régulateur et collectivités semblent tous s'accorder.

L'ensemble devrait aussi passer par le renouvellement en 2018 et 2019 de licences de fréquences mobiles. À l'AFP, le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, plaidait récemment pour une stagnation de la redevance payée par les opérateurs sur ces fréquences. Dans son communiqué, le gouvernement semble aussi entendre cette possibilité.

Ces aménagements doivent être accompagnés de contreparties réglementaires, simplifiant les conditions de pose des points hauts et antennes. Comme sur l'Internet fixe, les déploiements mobiles doivent devenir plus transparents, alors que l'Arcep commence à publier des cartes détaillées pour la 2G (sans Internet mobile, donc). Encore faut-il que les opérateurs soient contraints à jouer le jeu, alors que l'open data reste balbutiant.

Écrit par Guénaël Pépin

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Sommaire de l'article

Introduction

Un mix technologique (encore) à travailler

Mieux contrôler les déploiements privés

Soutien réaffirmé aux réseaux d'initiative publique

La 4G (presque) partout en 2020

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Commentaires (20)


Quand a renouveler les licences mobiles, sa serait bien de rééquilibrer les possessions. Que tous le monde ai à peu prêt pareil en terme de fréquence et de bloc, je trouve que la concurrence jouera beaucoup plus si tous le monde a la même carte en main.


Franchement c’est un tel bazar cette histoire qu’on en viendrait presque à regretter le temps où France Telecom etait une entreprise publique avec un monopole sur le réseau telecom …



Voilà ce qui arrive quand on veut que les entreprises privées fassent le boulot de ce qui pourrait être considéré comme service publique et qu’on veut un marché liberal mais pas trop, en régulant dans tous les sens pour essayer de contenter tout le monde.


Et du coup on va dans quelle direction ? A part minimum 8 Mbs peut importe la techno ? J’ai l’impression d’être en marche à reculons là.


Chronique de la débandade…



Grosse annonce : Plan THD pour le pays !

Sous-titre : bon, le THD c’est juste 30Mbps

Réalité : en fin de compte, on va vous filer du 8Mbps

Cerise sur le gâteau : dont certains au travers d’un réseau hertzien instable



Moralité : beaucoup de (mauvaise) com et finalement rien dans l’slip.


C’est d’autant plus vrai ce que tu dis qu’une grosse du parti de la fibre est financée par les collectivités locales. On a un réseau privé payé partiellement par des fonds publics, c’est le délire! Il est clair que l’absence de stratégie de l’Etat dans ce genre de structure aussi stratégique (mais pas que: autoroutes, hopitaux…) pose questions.



Si on prend l’exemple de l’Afrique, plusieurs pays achète l’infrastructure 4G dans le but de la louer à des opérateurs qui sont de fait tous MVNOs. Gain multiple: gestion des blocs d’ondes, maîtrise du déploiement, moins de cash à dépenser pour se lancer, pied d’égalité des opérateurs…


/me a eu les clés de son nouvel appart ce matin. Il y a la fibre verticale.<img data-src=" />



A moi Youporn en HD<img data-src=" />








Ricard a écrit :



/me a eu les clés de son nouvel appart ce matin. Il y a la fibre verticale.<img data-src=" />



A moi Youporn en HD<img data-src=" />





ça va, on sait que tu as le kikiutoudur, on a pigé <img data-src=" />









Yutani a écrit :



ça va, on sait que tu as le kikiutoudur, on a pigé <img data-src=" />





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Ah, ça veut dire ça “la fibre verticale” en langage geek ? <img data-src=" />


Coincidence? Je ne crois pas…


La répartition des fréquences est faite via une mise aux enchères. Si certains opérateurs se retrouvent avec une faible largeur de bande par fréquence (voir pas d’accès à la fréquence tout court) c’est un choix financier.



Xavier Niel annonçait qu’avec des forfaits à 2€ Free fait de la marge, c’était donc un choix de ne pas avoir gonfler leur offre pour le 800Mhz…


…SFR et de sa promesse de fibrer la France sur fonds propres d’ici 2025.



..et pourquoi pas 2019, pendant-qu’on-y-est ?


en tt. cas : c’est une belle métaphore, non ?


Plus exactement le plan France THD, c’est 20 milliards d’euros sur 10 ans répartis entre :




Merci pour la précision. Je parlais pour les zones non denses. Dans ma communauté d’agglomération, on est plus sur du 50-50 pour le financement.



Je renvois sur l’interview de Stéphane Richard dans les Echos.


C’est l’inverse en fait : 7 milliards pour les opérateurs privés en zones denses et 13 milliards environ pour les réseaux publics en zones peu denses (financés à 60 % environ par des acteurs privés en moyenne depuis l’an dernier).








vizir67 a écrit :



…SFR et de sa promesse de fibrer la France sur fonds propres d’ici 2025.



..et pourquoi pas 2019, pendant-qu’on-y-est ?



Parce que pour 2019, sachant qu’il faut 1 à 3 ans mini pour fibrer une commune, n’est pas tenable rien que par rapport aux effectifs demandés.



Ce serait pourtant un bon moyen de lutter contre le chômage à court terme.

On forme plein de personnes (puisque c’est à la mode)et on les embauche en contrat de chantier.



Avec 3,54 millions de chômeurs et moins de 36 000 communes, ça fait 97 personnes par commune. On doit pouvoir le faire.

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fred42 a écrit :



Ce serait pourtant un bon moyen de lutter contre le chômage à court terme.

On forme plein de personnes (puisque c’est à la mode)et on les embauche en contrat de chantier.



Avec 3,54 millions de chômeurs et moins de 36 000 communes, ça fait 97 personnes par commune. On doit pouvoir le faire.

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Former, c’est une chose. Former pour avoir des gens compétents, encore une autre… <img data-src=" />

Poser des fibres, ca ne s’adresse pas au 1er venu, même formé. Et surtout, une formation ca prend pas mal de temps aussi, surtout à ce niveau <img data-src=" />



Côté couverture mobile, le dialogue et le deal à venir semble n’impliquer que deux parties, l’Etat et les opérateurs, en laissant de côté les collectivités locales à la différence de ce qui se passe sur le fixe, notamment avec les RIP / réseaux d’initiative publique qu’elles pilotent. Bien sûr, on va nous dire que la renégocation des licences va s’accompagner d’un renforcement des obligations et des contrôles sur la couverture du territoire mais sous la seule surveillance de l’Etat (Agence du numérique sous dimensionnée pour ça) et de l’Arcep qui n’a pas non plus des moyens considérables et qui, par ailleurs, est en contact étroit et permanent avec les opérateurs. Même sans volonté de les avantager, et faisons leur grâce de leur neutralité, cette constante proximité n’est pas contrebalancée par un lien d’une telle nature avec les collectivités territoriales et finit forcément apr créer des biais. Alors comment avancer et s’assurer d’une meilleure prise en compte des demandes du terrain ? Deux pistes complémentaires :




  • renforcer un pouvoir, par exemple régional, dans le suivi des obligations de couvertures voir même dans la prise en main de certains projets territoriaux d’implantation de supports d’antennes avec obligation de mutualisation bien sûr mais aussi de présence de tous les opérateurs dans des conditions à discuter (qui paye quoi…)

  • mise en place par l’Arcep d’équipes régionales en charge de ce suivi de couverture (mobile et fixe aussi). Le CSA dans l’audiovisuel dispose de CTR / comités techniques régionaux qui suivent notamment les radios, pourquoi pas des CCR - comités de couverture régionaux à l’Arcep ?