Commission de 30 % : Apple et Epic bientôt devant la Cour Suprême

Semences et tempêtes
Droit 4 min
Commission de 30 % : Apple et Epic bientôt devant la Cour Suprême
Crédits : imaginima/iStock

La guerre déclarée par Epic à Apple est devenue une procédure longue, complexe, mais dont les retombées potentielles sont importantes. Epic a nettement perdu du terrain, mais tout n'est pas encore joué.

Trois années de guerre

L’histoire est devenue touffue, tellement les décisions s’enchainent depuis quelques années. Il y a presque trois ans jour pour jour, l’éditeur de jeux vidéo Epic déclenchait une guerre contre Apple et Google. Lors d’une opération de promotion sur son jeu Fortnite, la société baissait ses prix sur les microtransactions de 20 %. Il y avait cependant une condition : passer par son propre système de paiement.

La campagne d’Epic était prête. Sur l’App Store d’Apple, il est strictement interdit d’utiliser un autre système de paiement que celui fourni par la pomme de Cupertino. Le couperet est tombé très vite : Fortnite a été éjecté de l’App Store (les personnes qui l’avaient déjà téléchargé ont pu le garder). Dans la foulée, Epic a publié un clip vidéo reprenant les codes de 1984 pour dénoncer les pratiques d’Apple. Vidéo qui avait manifestement été préparée à l’avance, selon un plan bien huilé. Quelques jours plus tard, Apple supprimait le compte développeur d’Epic sur l’App Store.

Google a aussi supprimé Fortnite de sa boutique Play, sans campagne similaire d’Epic. Dans les deux cas, Epic a déposé plainte. La cible ? Les 30 % de commission pratiqués par Apple et Google sur tous les paiements passant par leurs boutiques, y compris sur les microtransactions. Les arguments d’Epic, particulièrement contre Apple, étaient l’abus de position dominante et l’obligation de faire grimper ses propres prix pour compenser, pénalisant les joueurs. Arguments qu’Epic mettait déjà en avant dès 2018 contre Google.

Apple, dont la communication millimétrée est d’ordinaire évasive, n’était plus dans la retenue : « La plainte d’Epic n’est rien de plus qu’un désaccord basique sur l’argent. Epic a beau se présenter comme une entreprise "Robin des Bois", il s'agit en réalité d'une société de plusieurs milliards de dollars qui ne veut simplement rien payer pour la valeur qu'elle retire de l'App Store ». Et de réclamer l’argent touché par Epic via son propre système de paiement pour la version iOS de Fortnite.

Apple résiste, malgré de multiples réunions

Depuis trois ans, les passes d’arme continuent. Il y a eu des victoires et des défaites des deux côtés. Pour Apple, il a fallu lâcher du lest, d’autant que d’autres sociétés se sont greffées au combat, dont Spotify, très remontée contre Apple depuis des années sur cette question des 30 %. À Cupertino, il a donc fallu par exemple autoriser les applications à fournir des liens permettant aux utilisateurs de se rendre vers les sites des éditeurs, alors libres de pratiquer d’autres tarifs. Décision imposée et intensément combattue depuis.

Epic, rejoint entre-temps par Microsoft, l’Electronic Frontier Foundation et même 35 États américains, est encore loin d’avoir obtenu satisfaction. En septembre 2021 par exemple, la juge Yvonne Rogers a conclu qu’Apple n’abusait pas de sa position de monopole. Coup dur pour l’éditeur.

Depuis, Epic a tendance à enchainer les mauvaises nouvelles. En avril de cette année, nouveau coup dur en effet. La société avait fait appel du précédent jugement et a échoué : non seulement la cour d’appel a considéré qu’Apple n’abusait pas de sa position dominante, mais elle est allée encore plus loin, affirmant que la présence d’Apple crée « un marché hétérogène pour les plateformes d’applications, ce qui a pour effet d’accroître la concurrence ».

Cour Suprême à l'horizon

L’affaire est remontée jusqu’à la Cour Suprême, plus haute juridiction des États-Unis. Et on ne peut pas dire que les arguments d’Epic aient fait mouche pour l’instant.

Pour comprendre, il faut revenir à la décision d’avril, qui a de nouveau imposé à Apple de laisser les éditeurs tiers afficher des liens dans leurs applications pour orienter les utilisateurs vers d’autres moyens de paiement. Cette décision soutient en grande partie celle de 2021 par la juge Yvonne Rogers. Le 18 juillet, par décision d’un autre tribunal, Apple a reçu un délai de 90 jours dans l’application de cette mesure, le temps de pouvoir préparer ses arguments pour la Cour Suprême. Epic, de son côté, voulait faire sauter ce délai.

Or, celle-ci s’est prononcée mercredi. La juge Elena Kagan a ainsi rejeté la demande d’Epic et confirmé les 90 jours d’Apple, qui va donc pouvoir présenter ses arguments, à une date non fixée. La juge Kagan n’a pas expliqué sa décision, informant simplement les deux entreprises du résultat, comme le rapportent Reuters et Bloomberg.

Pour autant, rien n’est gagné, pour un camp comme pour l’autre. Le compteur des victoires penche davantage pour Apple pour l’instant, mais un passage devant la Cour Suprême (à majorité conservatrice) pourrait faire basculer l’intégralité de l’affrontement.

Rappelons en effet que le climat général aux États-Unis est une méfiance en hausse contre les grandes multinationales, dont les budgets équivalent à ceux de certains États et pratiquant une redoutable optimisation fiscale. On se souvient notamment qu’en octobre 2020, peu de temps après le début de la guerre entre Apple et Epic, un rapport de la Chambre des représentants du Congrès américain épinglait violemment Google, Amazon, Facebook et Apple. Diverses solutions étaient proposées, allant jusqu’au démantèlement dans certains cas.

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