Hadopi : des députés veulent une amende transactionnelle de 500 euros

LR du temps
Droit 6 min
Hadopi : des députés veulent une amende transactionnelle de 500 euros
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

Constance Le Grip et neuf autres députés LR ont déposé une proposition de loi « visant à renforcer les instruments de lutte contre le piratage des œuvres protégées par le droit d’auteur et instituant un dispositif de transaction pénale ». Ils veulent introduire une amende de 500 euros qui serait infligée par la Hadopi.

La catastrophe du Covid-19 a mis en suspension l’ensemble des textes sur la rampe législative, en particulier le projet de loi Arcom ou loi sur l’audiovisuel. Un texte qui doit transposer l’article 17 sur le filtrage issu de la directive sur le droit d’auteur, couler les compétences de la Hadopi dans celles du CSA ou encore prévoir de nouvelles armes contre le piratage des contenus sportifs. 

La fenêtre de tir est ainsi l’occasion rêvée pour les plus partisans de la réponse pénale pour imaginer des solutions contre les échanges illicites effectués en ligne. Dans une proposition de loi déposée ce jour, la députée Constance le Grip insiste pour introduire un mécanisme de transaction pénale.

500 euros pour les personnes physiques, 2 500 euros pour les personnes morales

Son texte prévoit d’abord que les membres de la Hadopi et ses agents habilités pourraient rechercher et constater les faits sanctionnés d’une peine de suspension d’accès. Le cas échéant, le titulaire de l’abonnement à Internet se verrait proposer une amende transactionnelle de 500 euros maximum s’il est une personne physique, 2 500 euros s’il s’agit d’une personne morale.

Ce montant dépendrait de la gravité des faits et des ressources et charges de la personne.

Ensuite, une alternative. Soit la transaction est acceptée par la personne mise en cause. Le cas échéant, elle devrait ensuite être homologuée par le procureur de la République. Cette procédure permettrait alors d’éteindre l’action publique, mais non l’action civile : les ayants droit pourraient donc toujours engager des poursuites pour obtenir réparation.

Soit la transaction est refusée et l’action publique pourrait poursuivre son chemin, via cette fois la citation directe. Et donc directement devant le tribunal de police, sans le filtre du procureur de la République.

« Crédibiliser » la réponse graduée

Selon les rédacteurs du texte, « ce dispositif permettrait donc sur la base d’une forme d’adhésion à la sanction de la part du contrevenant acceptant de rentrer dans la logique transactionnelle, de comporter une réponse sanctionnatrice plus systématique ».

Pour Constance le Grip, il aurait même pour avantage « de crédibiliser ainsi la phase pédagogique initiale d’avertissements et de renforcer son effet dissuasif » et enfin, « de décharger l’autorité judiciaire d’une part de ce contentieux pénal que les parquets peinent en l’état à traiter ».

Si des millions d’avertissements sont envoyés depuis le cri primal de la Hadopi, les procédures judiciaires n’arrivent pas à suivre le flot des dossiers adressés par la Commission de protection des droits.

Rien que l’an passé, l’autorité a adressé près de 620 000 premières recommandations et un peu moins de 210 000 lettres recommandées. 1 748 dossiers ont été transmis au procureur de la République, mais seules 39 décisions pour contravention de négligence caractérisée ont été rendues avec des amendes de 100 à 1 000 € (outre 6 jugements pour contrefaçon, 74 ordonnances pénales, 9 comparutions sur reconnaissance de culpabilité… et plus de 500 mesures alternatives aux poursuites).

Une riposte graduée revue et corrigée

Pour mettre en place la transaction pénale, la députée veut modifier l’article L.335-7-1 du Code de la propriété littéraire et artistique. C’est lui qui encadre les échelles de la riposte graduée, prévoyant en particulier une lettre remise contre signature restée sans effet puisque suivie d’une nouvelle atteinte sur Internet dans l’année suivante. Elle fait ainsi disparaitre la peine de suspension d’un mois, toujours présente dans la partie législative du texte.

Elle définit aussi la négligence caractérisée par référence à l’article L.336-3 du même code. Celui-ci pose que le titulaire d’accès « a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires ». 

Cette négligence caractérisée serait donc susceptible d’être constatée lorsque l’accès à Internet « a fait l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés », toujours sans autorisation. Une plume suffisamment généreuse pour permettre un jour prochain, l’extension de ce régime à d’autres formes d’échanges que le pair-à-pair, aujourd’hui seul protocole surveillé par le dispositif.

Un plébiscite…et un refus du ministère de la Culture

Ce n’est pas la première fois que l’idée d’introduire la transaction pénale est poussée en avant. La mesure avait par exemple déjà été proposée par Aurore Bergé lors des débats en commission sur le projet de loi Arcom.

Dans son amendement, elle envisageait cette fois une peine maximale de 350 euros (et 1 050 pour les personnes morales) avec toujours la possibilité pour l’autorité́ de citer directement le contrevenant devant le tribunal de police.

Une mesure qui « aurait ainsi vocation à éviter que les abonnés soient incités à ne pas transiger, comptant sur le faible nombre de sanctions prononcées une fois le dossier transmis au Parquet ».

Pascal Rogard, directeur général de la SACD, nous avait également fait part de son intérêt pour une telle solution : « ce serait la méthode la plus simple pour rendre efficace la réponse graduée, sachant que la sanction initialement prévue, la suspension, est apparue disproportionnée, à juste titre. Je suis néanmoins pour qu’il y ait une sanction derrière les avertissements ». 

La Hadopi elle-même avait privilégié cette piste dans son « avis » sur le projet de loi. En 2018, elle avait d’ailleurs fait confirmer la faisabilité de cette réforme par deux conseillers d’État.

Franck Riester Edouard Philippe
Crédits : Marc Rees (licence: CC by SA 3.0)

Pas plus tard qu’en février dernier, la SACD, la SCAM, la SACEM, l’Union des Producteurs de Cinéma, la Fédération Nationale des Cinémas Français et une ribambelle d’autres organisations plaidaient encore en sa faveur. La transaction pénale ? Voilà « une sanction simple, après deux rappels à la loi, pour réaffirmer que le piratage est un vol que le pays de l’exception culturelle ne peut tolérer plus longtemps ».

Problème pour les multiples partisans de ce chantier, Franck Riester est tout sauf convaincu de ce chantier : « On ne veut pas renforcer ces sanctions en mettant notamment un dispositif de transaction pénale (…), les sanctions, on veut les renforcer contre les sites contrefaisants », avait-il exposé sans nuance devant la commission des affaires culturelles.

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