Piratage : les futurs pouvoirs de l'Arcom

Piratage : les futurs pouvoirs de l’Arcom

Anéfé 2.0

Avatar de l'auteur
Marc Rees

Publié dans

Droit

09/03/2020 8 minutes
13

Piratage : les futurs pouvoirs de l'Arcom

Next INpact poursuit sa présentation de la future grande loi sur l’audiovisuel. La réforme ne va pas seulement transposer en France l’article de la directive sur le droit d’auteur relatif au filtrage ou injecter de nouveaux outils contre le streaming illégal de compétition sportive. Elle organise le passage de relais entre la Hadopi et le CSA, au sein d’une nouvelle structure, l’Arcom. Avec à la clef, de nouveaux pouvoirs.

Le projet de loi audiovisuel a passé le cap de la commission des affaires culturelles. Il sera examiné en séance à partir du 31 mars jusqu’au 10 avril 2020, selon le calendrier à jour. Que prévoit le texte amendé ? L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique se voit déjà assigner quatre missions : la protection des œuvres, l’encouragement de l’offre légale, la régulation des mesures techniques de protection, et enfin la prévention et l’information auprès de tous les publics « sur les risques et les conséquences du piratage d’œuvres protégées par le droit d’auteur et de contenus sportifs ».

Pour les mener à bien, elle prendra « toute mesure », notamment des recommandations, des guides de bonnes pratiques, des modèles et des clauses types ainsi que des codes de conduite. Elles permettront de « favoriser, d’une part, l’information du public sur l’existence des moyens de sécurisation (…) et, d’autre part, la signature d’accords volontaires susceptibles de contribuer à remédier aux atteintes, y compris financières, au droit d’auteur et aux droits voisins ou aux droits d’exploitation audiovisuelle ».

La mention « y compris financières » ne doit rien au hasard. Ajoutée en commission, elle veut répondre aux « chantages » de certains services en ligne « pour obtenir des Organismes de gestions collectives, une renégociation à la baisse des taux de rémunérations des auteurs ». Ainsi, l’Autorité sera « en mesure de connaître des pratiques de certains éditeurs de services de communication qui, par exemple, peuvent arrêter de payer la rémunération des auteurs collectée par les OGC pour contraindre celles-ci à admettre leur seul point de vue financier ». On pense ici évidemment au bras de fer entre Google et les éditeurs de presse sur fond de droits voisins.

Au titre de sa mission d'encouragement au développement de l'offre légale, l’autorité devra développer « des outils visant à renforcer la visibilité de l’offre légale auprès du public ». La précision a été apportée par amendement des deux rapporteurs, Sophie Mette et Aurore Bergé : 

« De nombreux usagers utilisent un moteur de recherche lorsqu’ils souhaitent accéder à une œuvre culturelle. La qualité du référencement de l’offre légale est donc déterminante pour sa valorisation auprès des internautes. Parmi les résultats proposés par le moteur de recherche, des services illicites sont régulièrement présents, notamment en première page ». L’Autorité devra ainsi améliorer le référencement des offres légales « afin que celles-ci apparaissent en tête des résultats utiles de recherche. »

Des agents assermentés 

L’Arcom évaluera aussi l’efficacité des mesures de protection des œuvres et objets protégés prises par les fournisseurs de services de partage de contenus dans le cadre de la transposition de l’article 17 sur le filtrage des contenus.« L’autorité [pourra], sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, obtenir toutes informations utiles auprès des fournisseurs de services » concernés, mais aussi auprès des titulaires de droits et des concepteurs de MTP.

L'institution disposera d’agents publics assermentés. Leurs pouvoirs permettront de dresser la liste des abonnés non sécurisés, adressée aux fournisseurs d’accès aux fins d’identification avant la phase d’envoi des mails d’avertissements. L'Arcom prendra la main sur la riposte graduée qui est maintenue, sans amende transactionnelle.  

Ces agents disposeront aussi du pouvoir de dresser la liste des sites miroirs à bloquer, une des autres nouveautés. Ils pourront aussi participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à des infractions.

Des listes noires, en amont d’une coupure de ressources financières

Ce n’est pas tout. L’Arcom aura aussi la possibilité de dresser une liste noire des sites manifestement contrefaisants. Elle devra avoir préalablement « constaté que ces services portaient atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». Pour établir cette liste, les agents pourront s’appuyer sur les autorisations d’exploitation consenties ou non, sur les notifications adressées aux sites, sur les constats effectués par les agents

« L’autorité convoque[ra] alors le service de communication au public en ligne en cause à une séance publique pour le mettre en mesure de faire valoir ses observations et de produire tout élément justificatif. » Lorsque les mentions légales ne sont pas disponibles, l’autorité informera le service concerné par l’intermédiaire de son site internet.

L’inscription sur la liste noire pourra durer 18 mois (contre 12 dans le texte initial). Des recours seront possibles devant la cour d’appel de Paris au maximum dix jours après notification. La cour statue dans le mois du recours.

La procédure a été encadrée par amendement. Ainsi, dans les deux mois qui précèdent la fin de la durée d’inscription sur la liste noire, l’autorité procèdera à un nouvel examen. Si les voyants sont toujours au rouge, l’inscription sur la liste noire sera relancée pour 18 nouveaux mois.

Cette liste n’a pas seulement pour vocation d’engager un « name and shame » en matière de piratage en ligne. Elle pourra également être utilisée par les signataires des accords volontaires (annonceurs, intermédiaires de paiement..) pour couper les vivres aux sites concernés.

Le passage par une autorité publique permettra « aux intermédiaires de bénéficier d’un support juridique sécurisé pour qu’ils cessent de collaborer avec les sites ou services illicites » expose l'amendement AC1327. À ce jour, les listes noires existent déjà, mais elles sont dressées par les seuls acteurs du paiement en ligne et de la publicité avec le concours des ayants droit, dans la plus parfaite opacité

Remarquons que « l’inscription par l’autorité (…) ne constitue pas une étape préalable nécessaire à toute sanction ou voie de droit que les titulaires de droits peuvent directement solliciter auprès du juge ». En ce sens que les sociétés de défense pourront toujours attaquer directement un site, que celui-ci soit ou non sur la liste (amendement 1331).

Dernier détail : « toute personne en relation commerciale avec un site internet inscrit sur la « liste noire » élaborée par l’ARCOM [devra] rendre publique l’existence de ces relations et de les mentionner dans leur rapport annuel » (voir l’amendement AC1000). Les vendeurs d’espace publicitaire auront l’obligation de communiquer les noms de domaine aux annonceurs afin que cette transparence puisse s’engager.

Sites miroirs

Le projet de loi veut également régir la question des sites miroirs d’un site déjà bloqué judiciairement. La mesure a été réécrite en commission. La décision de blocage devra être notifiée à l’Arcom qui pourra, après avoir été saisie par un titulaire de droits ou son représentant, demander aux FAI d’étendre le blocage à tout site « reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu » du service bloqué. La reprise de quelques contenus ne sera donc pas suffisante.

La mesure, inspirée par l'article 6 de la proposition de loi Avia contre la haine en ligne, pourra être étendue également aux moteurs de recherche, aux annuaires ou tout autre service de référencement.

« Cette saisine, expliquent les rapporteurs, doit permettre la bonne mise en oeuvre, entre autres, de mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement ». Et pour cause, elle imagine une solution pour tenter de trouver une réponse aux multiples mesures de contournement des décisions de blocage, avec en tête le dépôt d’un nouveau nom de domaine. La prose est suffisamment large pour que « demain, d’autres acteurs que les fournisseurs d’accès à internet ou les moteurs de recherche, auxquels nous pensons naturellement en premier, pourront jouer un rôle dans la prévention du piratage ».

Les modalités d’intervention des FAI, hébergeurs, moteurs, ou pourquoi pas navigateurs, pourront être définies dans des modèles d’accord type. Les signataires seront engagées « à prendre les mesures prévues par la décision judiciaire ». Si l’un de ces acteurs ne donne pas suite, l’Arcom pourra saisir la justice en référé ou sur requête.

13

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Des agents assermentés 

Des listes noires, en amont d’une coupure de ressources financières

Sites miroirs

Commentaires (13)


Hey, je vous ai dit que ma boîte s’appelle Arcom ?



Je suis mort de honte depuis 2mois <img data-src=" />








LordZurp a écrit :



Hey, je vous ai dit que ma boîte s’appelle Arcom ?



Je suis mort de honte depuis 2mois <img data-src=" />







boooooouuuuuuuuu, vendu, traitre ;)



Tu peux pas les attaquer pour contrefaçon?




quatre missions : la protection des œuvres, l’encouragement de l’offre légale, la régulation des mesures techniques de protection, et enfin la prévention et l’information auprès de tous les publics « sur les risques et les conséquences du piratage d’œuvres protégées par le droit d’auteur et de contenus sportifs ».





Ça me rappelle quelque chose ça…



Je sens vaguement que ça va se finir de la même manière.


Dans la mesure où il existe 68 entreprises dont la dénomination sociale contient “Arcom” et en diagonale, 5 ou 6 qui ont “Arcom” comme nom commercial, c’est peu envisageable.



Le secteur d’activité fait partie des composantes de la protection des noms commerciaux d’entreprise.


Ils vont commencer par pirater une police de caractères <img data-src=" /> <img data-src=" />








SebGF a écrit :



Dans la mesure où il existe 68 entreprises dont la dénomination sociale contient “Arcom” et en diagonale, 5 ou 6 qui ont “Arcom” comme nom commercial, c’est peu envisageable.



Le secteur d’activité fait partie des composantes de la protection des noms commerciaux d’entreprise.





Sauf si l’une des société dépose le nom comme marque ..alors dans ce cas ils doivent tous changer , peut être pas pour les boîtes antérieur .









Elwyns a écrit :



Sauf si l’une des société dépose le nom comme marque ..alors dans ce cas ils doivent tous changer , peut être pas pour les boîtes antérieur .







Pour une marque aussi, il me semble, ce n’est valable que dans les secteurs d’activités pour lesquels tu la déposes. Si tu vends des haricots verts “Arcom” et que tu déposes la marque Arcom dans la catégorie “produits alimentaires” seulement, tu peux avoir un Arcom prestataire de services informatique. Mais personne peut créer un deuxième Arcom pour vendre des bananes sans ton autorisation.



« Parmi les résultats proposés par le moteur de recherche,

des services illicites sont régulièrement présents, notamment en première page »



Faux.

Désormais, la première page est remplie de faux sites de téléchargements. Parfois même créés par les AD. Donc argument invalide.


Oui une marque est applicable à une activité donnée. Le meilleur exemple : Mont blanc. C’est à la fois une marque de luxe et une crème dessert.


De quelle façon ces agents pourront voir si l’abonné n’est pas sécurisé ? En cas de p2p ou du streaming ?


.



Au titre de sa mission d’encouragement au développement de l’offre légale, l’autorité

devra développer « des outils visant à renforcer la visibilité de l’offre légale auprès du public ».

La précision a été apportée par amendement des deux rapporteurs, Sophie Mette et Aurore Bergé :





“11 ans plus tard on l’attend TOUJOURS…celle-la” !!!!!!!!!!! <img data-src=" />