Le Conseil d’État a rejeté la procédure intentée par Molotov contre le barème de la Commission copie privée, celui qui avait considérablement augmenté les tranches appliquées à son service d’enregistrement gratuit.
Début juillet 2018, la Commission copie privée consacrait une hausse de 100 % de redevance sur les premières tranches du barème dit « Molotov ». Avec un tel poids, le service de « télévision réinventée » était contraint de ne plus offrir la fonction « bookmarks » (ou d’enregistrement) pour les abonnés à l’offre gratuite. En contrepartie, ceux payant ce service profitent depuis de 150 heures de stockage, contre 100 préalablement.
Molotov n’avait toutefois pas dit son dernier mot. Le service en ligne a attaqué cette hausse devant le Conseil d’État où la société a démultiplié les arguments, en visant particulièrement les études d’usages réalisées en amont. Ces dernières jaugent les pratiques de copies auprès d’un nombre limité de personnes pour ensuite permettre à la commission de déduire le taux d’assujettissement des espaces de stockage.
En particulier, elle estime que l’enquête Médiamétrie, financée par les ayants droit, n’aurait pas convenablement pris en compte les différents verrous implantés par les chaînes pour restreindre les capacités techniques de copies des abonnés. Pourquoi payer une copie privée quand des solutions techniques interdisent ou limitent les duplications ?
Des verrous nécessairement pris en compte
Le Conseil d’État a évacué par une pirouette : rien ne prouve que ces limites n’ont pas été mesurées par Médiamétrie, dans la mesure où celle-ci a justement jaugé les pratiques effectives auprès de sondés. CQFD.
Surtout, la juridiction estime qu’ « il n’appartenait pas à la commission [Copie privée] de se prononcer sur la légalité de telles mesures de protection ».
De fait, la balle est renvoyée en creux à la principale autorité en charge de se pencher sur ces questions, la Hadopi. Rappelons au passage que dans une consultation (ou un avis simple) sollicitée par nos soins, l’autorité avait déjà épinglé ces cadenas anticopies.
Du principe d'égalité
Molotov avait soulevé un autre souci. En juin 2017, le premier barème qui lui avait été appliqué fut déterminé par équivalence avec celui des décodeurs. L’argument porté en commission fut de dire que les deux solutions sont relativement similaires. Voilà donc comment le service de magnétoscope numérique a pu être soumis au plus vite à la redevance, et donc être « licité ».
Un an plus tard, la hausse infligée aux premières tranches a été propre à Molotov, alors que le barème des décodeurs restait inchangé. Atteintes au principe de neutralité technologique et au principe d’égalité, estimait la jeune pousse !
Pas convaincu, le Conseil d’État lui a répondu que le premier principe n’était pas une règle s’imposant à la Commission Copie privée. Impossible de s’en prévaloir, ici en tout cas.
Quant au principe d’égalité, il s’applique certes, mais la juridiction n’a pas trouvé d’erreur manifeste d'autant que « l’usage à des fins de copie privée des services d’enregistrement personnel à distance est nettement plus important que celui qui est fait des services d’enregistrement intégrés à un téléviseur, un enregistreur ou un décodeur ».
Ce point est important puisque la Commission Copie privée ne pourra pas s’en départir : si elle constate des usages identiques ou similaires entre deux supports équivalents, elle devra nécessairement opter pour des barèmes identiques ou très voisins.