France THD : les industriels des réseaux publics voient l'avenir en 4G fixe

En attendant la fibre, tout est permis
Internet 7 min
France THD : les industriels des réseaux publics voient l'avenir en 4G fixe
Crédits : oporkka/iStock

En plein brouhaha sur le plan très haut débit, appuyé par une communication floue du gouvernement, les acteurs des réseaux d'initiative publique s'engouffrent dans le boulevard ouvert à la 4G fixe. Une solution de court terme pour amener le très haut débit en campagne, dont nombre de responsables publics et privés disent pourtant de se méfier.

Deux mois après l'élection d'Emmanuel Macron, les acteurs des télécoms sont en ébullition. Les sujets et les revendications sont nombreux, que ce soit sur la répartition des déploiements et des technologies... alors que l'Agence du numérique (qui pilote le plan France THD) attend encore de connaître son avenir. Une partie des demandes a été mise à plat lors de deux événements : le dernier colloque de la Fédération des industriels des réseaux publics (Firip) hier et les Assises du très haut débit ce matin.

La cote de la 4G fixe grimpe

Si beaucoup d'acteurs souhaitent redessiner le plan, la Firip et ses industriels sont en première ligne. Depuis fin 2015, la fédération milite activement pour donner plus de place et de fréquences au TD-LTE (notamment devant la Commission européenne), qui doit représenter l'avenir commercial de certains de ses membres. « Vous remarquerez que la Firip va au bout de ses idées, est tenace ! » nous lance son président Étienne Dugas. Il défend des réseaux dédiés au très haut débit « radio » face aux box 4G connectées aux réseaux mobiles, comme celle de Bouygues Telecom, qu'il présente comme moins efficace.

Le lobby (aux 195 membres) pratique donc un forcing assumé pour promouvoir le très haut débit hertzien (ou « RTTH »). Elle se sent même pousser des ailes après des déclarations récentes. À la mi-juin, Emmanuel Macron réaffirmait le rôle de la 4G fixe pour connecter les zones rurales en attendant la fibre (quitte à pourfendre des promesses factices). Hier, le premier ministre Édouard Philippe promettait le très haut débit « au plus tard d'ici 2022 » pour tous les Français ; soit l'objectif affiché depuis cinq ans.

Combinées, les deux déclarations laissent donc entendre qu'une solution rapide pour tenir l'objectif de 100 % de THD en 2022 sera la 4G fixe, à l'extension tant espérée par la Firip. Sur 100 % de très haut débit, 80 % doit officiellement passer par la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH). Cela représente les 3 600 communes les plus peuplées (où les opérateurs privés sont censés déployer la fibre sur leurs derniers d'ici 2020) et plus de la moitié des zones rurales, couvertes par des réseaux d'initiative publique (RIP) de départements et régions, pour un budget de 13 à 14 milliards d'euros, dont plus de trois milliards de subventions de l'État.

La folie des grandeurs des tenants de la 4G fixe

La Firip pousse sa chance, jusque dans les colonnes des Échos, où Étienne Dugas annonce que la 4G fixe coûterait dix fois moins cher que la fibre pour apporter le très haut débit. « Le plan France THD reste la fibre, mais ne couvrira pas 100 % » tempère-t-il quand nous l'interrogeons, se défendant de vouloir revoir l'équilibre entre le FTTH et les autres technologies.

En fait, la Firip utilise un autre argument : la promesse de 100 % de très haut débit ne serait pas tenue en 2022. Étude de l'IDATE sous le bras, la fédération annonce qu'environ cinq millions de logements auront un débit inférieur à 30 Mb/s. La solution ? La 4G fixe et le satellite bien sûr.  « Sur les cinq millions de prises à couvrir en très haut débit 2022, il y aura un mix de satellite via ViaSat-3 et de LTE fixe » pense le président de la Firip, faisant référence au prochain satellite du français Eutelsat.

Selon l'IDATE, donc, en 2022, deux millions de locaux auront moins de 8 Mb/s descendant (5,4 % du total). En retirant 691 000 traitables en 4G mobile (comme Bouygues Telecom via sa 4G Box), cela laisserait près de 1,3 million pour la 4G fixe. Une vraie manne, qui inclut 1,1 million de logements sous 3 Mb/s (3 % environ). Pour l'institut, il faut donc mettre du TD-LTE partout où c'est possible, rapidement.

Niveau prix, « c'est une goutte d'eau sur l'ensemble du plan » veut rassurer la Firip. Une goutte d'eau que le lobby évalue à cinq millions d'euros pour une couverture complète d'un département. Alsatis a déjà commencé à la commercialiser, quand NomoTech doit se lancer en septembre (voir notre entretien), après l'attribution de fréquences dédiées par le régulateur, l'Arcep. Ce dernier mise aussi officiellement sur la 4G fixe, après avoir consulté le secteur (voir notre analyse).

Une perspective qui n'enchante pas tout le monde

Pour le moment, la 4G fixe existe avant tout par Bouygues Telecom et sa box greffée sur réseau mobile. La technologie commence à être comptée par l'Arcep, qui amalgame ces chiffres avec ceux du câble à plus de 100 Mb/s. Le nombre de clients doit rapidement grimper, NomoTech espérant signer des contrats sur quatre départements d'ici la fin de l'année, quand la Firip s'attend à des déploiements en 2018.

Interrogés, Alsatis et NomoTech nous affirmaient être dans l'attente d'une modification du plan France THD, qui chapeaute subventions et déploiements du très haut débit... Pour y inscrire en dur le rôle de la 4G fixe. L'attente est forte et presque paradoxale, ces acteurs insistant sur l'idée qu'installer le TD-LTE ne demandera pas de modification des plans départementaux déjà établis et validés, pour un budget jugé minime.

Il reste que, qui dit modification du cahier des charges du plan, dit potentiel regard de la Commission européenne, qui a déjà mis plus de deux ans à valider la version actuelle sous une forte pression des autorités politiques communautaires (voir notre analyse).

In fine, verra-t-on cinq millions de logements connectés en 4G fixe et satellite en 2022 ? Si les industriels l'espèrent, l'Agence du numérique (qui pilote le plan France THD) ne valide pas ces ardeurs, à l'arrière-goût de celles du feu WiMAX. Interrogé par Contexte, son directeur Antoine Darodes réaffirme l'objectif de 15 % de « RTTH » dans cinq ans, soit 2,5 millions de logements, dont il ne s'agit pas de sortir.

Le poids de l'Agence du numérique

« Schématiquement, si on veut que tout le monde fasse de la télé-santé depuis son domicile, il faudra amener la fibre partout. Si c'est juste pour surfer sur Internet, la 4G fixe peut suffire. C'est un choix avant tout politique » lançait-il auparavant aux Échos. Des réseaux publics s'attendent à déployer la fibre partout en 2030. Un large laps de temps sur lequel comptent des entreprises comme NomoTech pour pousser leurs solutions « temporaires ».

Le poids de cette parole est tout de même pondéré par les industriels, qui rappellent que l'Agence du numérique n'est pas encore fixée sur son avenir proche, en doute depuis mai. Fin mars, Antoine Darodes nous disait qu'il se verrait bien sortir du joug de Bercy. Ce dernier rappelait aussi cette semaine que le choix des technologies revient aux collectivités, dont les dossiers sont pourtant (longuement) retravaillés avec l'agence.

« Le très haut débit, ce n'est pas la radio ou le satellite mais la fibre optique. À l'arrivée, avec ce mix technologique, on ne fera que prendre du retard face aux usages. Il faut la même expérience pour tous les concitoyens. L'impatience est à son comble mais un THD à plusieurs vitesses ne fera que renforcer les inégalités numériques du territoire » concordait hier la députée Laure de la Raudière aux Assises du numérique.

La fibre pour les villes et la 4G fixe pour les campagnes n'est donc pas une solution à long terme, comme l'a aussi martelé l'AOTA, une association de petits opérateurs alternatifs, dans un communiqué alarmé. Ce débat rappelle, dans une certaine mesure, celui qui a déjà fait rage autour de la montée en débit sur le réseau téléphonique, pour moins d'un million de lignes.

Il ne faut pas oublier les doutes sur les capacités du satellite, quand bien même ViaSat-3 promet de larges capacités en abusant du mot « fibre » (voir notre entretien). Comme le relevait la Cour des comptes, l'objectif est de 150 000 logements connectés par ce biais, pour 100 000 actuellement, sachant que le satellite actuel d'Eutelsat sur la France (KA-SAT) subit toujours des problèmes de saturation.

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