À l’occasion d’un déjeuner réservé à quelques journalistes(*), la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a défini ses priorités pour 2015. Parmi elles, la question de la redevance pour copie privée.
La SCPP, représentant les intérêts des majors de la musique, réclame avant tout « la reconstitution » de la Commission copie privée (CCP). Pour mémoire, celle-ci a volé en éclats en décembre 2012 suite à la démission de 5 des 6 représentants du collège des professionnels (importateurs, fabricants, distributeurs). Or, depuis 2013, plus aucune décision n’a pu être votée, la CCP étant désormais illégalement constituée. Certes, le Conseil d’État a bien validé en novembre 2014, le barème 15 voté quelques jours après cette démission massive, mais c’est surtout en considérant que le ministère n’avait pas eu assez de temps pour reformer ces rangs dévastés.
Le 16 janvier 2015, la SCPP a donc marqué son impatience : « Les pouvoirs publics doivent procéder à la nomination de nouveaux représentants de ces importateurs afin que la commission puisse valablement se réunir à nouveau ». Une nomination à faire « sans délai » insiste-t-elle, devant la porte de Fleur Pellerin.
Assujettir de nouveaux supports
Mais « reconstruire » la commission à quelles fins ? La SCPP souligne la nécessité d’ « assujettir de nouveaux supports, lorsque les usages de copie privée le justifient, à la fois pour éviter de priver les ayants droit de rémunérations prévues par la loi et de créer des distorsions de concurrence entre des supports justement assujettis et des supports injustement exonérés ». Elle ne détaille pas les « supports » en question, mais les rares encore épargnés sont les disques durs internes, les consoles de jeu vidéo et le cloud.
Autre vœu : « préciser les termes de ses décisions précédentes, lorsqu’elles font l’objet d’interprétations divergentes entre Copie France et les redevables ». Des débats opposent en effet les débiteurs (importateurs et distributeurs) et les créanciers (Copie France, la société des ayants droit) de la copie privée.
La question des tablettes et la mesure des capacités de stockage
L’un de ces mélodrames se fige sur les tablettes. Juridiquement, depuis sa décision du 9 février 2012, la commission copie privée ne reconnaît comme éligibles à la ponction que « les tablettes tactiles multimédias avec fonction baladeur munies d’un système d’exploitation pour terminaux mobiles ou d’un système d’exploitation propre ». Or, le mois dernier, les ayant droits ont amendé unilatéralement cette grille de lecture : les tablettes embarquant Windows 8.1 doivent être assujetties, car « Copie France considère que les OS Windows 8.1, Android et iOS sont bien ( …) des « système(s) d’exploitation pour terminaux mobiles » mêmes si certains d’entre eux fonctionnent également sur d’autres terminaux ».
Cerise sur le gâteau, ils estiment que leur interprétation est rétroactive à février 2012. Ce trait de plume devrait leur rapporter des centaines de milliers d’euros, si ce n’est plus. En face, cependant, les redevables contestent cette extension, considérant que Windows 8.1 ne répond à aucune de ces deux hypothèses, pas plus qu’Android d’ailleurs, qu’on retrouve dans d’autres matériels.
Un autre bug d'interprétation vise les mesures de capacité. Début 2013, soit peu après la démission des industriels, les ayants droit avaient considéré subitement dans leur coin que 1 To serait désormais égal à 1000 Go, et non 1 024 Go toujours suivi par la Commission Copie privée. Ce jeu d'écriture est là encore source de conflits, puisqu'il a provoqué une hausse de +30 % de copie privée sur les disques durs de cette capacité.
Réactualiser les barèmes
Enfin, la SCPP considère que la reformation de la commission copie privée permettrait de réactualiser au besoin, les barèmes. Cette mise à jour supposera un nouveau round d’études d’usages, financées par et pour les ayants droit et qui permettent de mesurer le préjudice, à savoir les pratiques de copie privée (non professionnelles, non illicites, donc).
Les industriels conditionnent eux, leur retour par une série de réformes : des critères plus précis sur la notion de « préjudice » et les méthodes de calcul, et surtout une gouvernance mieux répartie. Or, l’actuelle organisation de la CCP avec ses 12 ayants droit, 6 industriels et 6 consommateurs permet de faire passer très facilement les vœux de ceux représentés en surnombre.
(*) A l'instar de la SACEM, la SCPP refuse notre présence lors de ses rencontres avec la presse.