L’application Threads de Meta sera lancée le 6 juillet aux États-Unis et au Royaume-Uni. En l’état, la CNIL irlandaise a déclaré que l’application ne serait pas disponible au sein de l’Union Européenne.
Le 4 juillet, une nouvelle page est apparue sur les magasins d’applications : les précommandes pour la nouvelle application d’Instagram, nommée Threads, étaient ouvertes pour Android et iOS. Prévue pour le 6 juillet, l’application est dans les cartons de Meta depuis un moment.
Depuis que Twitter est pris dans la tourmente, l’entreprise a mis les bouchées doubles pour sortir sa propre plateforme où échanger avec sa communauté, principalement sous forme de texte. Après une phase de tests auprès d’une petite communauté d’influenceurs (et sous le nom de code « Project92 »), les tergiversations de Mark Zuckerberg sur une éventuelle concurrence frontale de Twitter sont largement dépassées : les premières démonstrations de l’interface de Threads dévoilent une copie assez nette de ce qui a fait le succès du réseau à l’oiseau bleu.

L’aboutissement de 15 ans d’intérêt pour Twitter et de tests variés
Car le patron de Meta a toujours été intéressé par Twitter – en 2008, il avait même formulé une proposition de rachat à hauteur de 500 millions d’euros. Depuis le rachat du réseau par Elon Musk, fin 2022, la situation a fondamentalement changé : que ce soit du côté des transformations apportées par le nouveau propriétaire au réseau en termes de modération, de monétisation, de fermeture d’API, ou encore dans la gestion de la société, Twitter s’éloigne de plus en plus de la qualité de service encore offerte l’an dernier.
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Il y a quelques jours encore, de nombreux internautes se sont retrouvés bloqués par la brusque limite de publications imposée par Musk sans crier gare. Dans le même mouvement, la direction du réseau a annoncé qu’elle passerait Tweetdeck en payant, accessible uniquement aux utilisateurs de Twitter blue, d’ici la fin du mois de juillet. Effet collatéral : une application comme BlueSky a dû mettre temporairement en pause les nouvelles inscriptions tant l’afflux d’internautes était grand.
Un tel contexte aurait difficilement pu être mieux adapté au lancement de Threads même si, en lui-même, le projet n’est pas neuf. En 2019, Meta avait déjà lancé une messagerie nommée Threads dans Instagram. Le projet succédait à une autre tentative, Direct, sur lequel l’entreprise avait commencé à travailler en 2017.
Deux ans plus tard, la première version de Threads était largement présentée comme une tentative de concurrencer Snapchat, dont les taux d’engagement de jeunes utilisateurs étaient jalousés par Meta. En 2021, cette dernière avait fini par fermer l’application, faute d’avoir réussi à y attirer un nombre satisfaisant d’internautes.
Une app indépendante qui capitalise sur les réseaux constitués sur Instagram
Conçue pour fonctionner indépendamment d’Instagram, la version 2023 de Threads doit néanmoins permettre d’y connecter les comptes existants sur les autres plateformes de Meta. L’utilisateur pourra y partager texte, photos et vidéos avec ses abonnés.
Selon 9to5 Google, qui a creusé l’APK de l’application, l’utilisateur de Thread ne sera pas automatiquement abonné à tous ses contacts Instagram, mais pourra décider de rendre automatique le suivi des comptes auquel l’internaute est abonné sur Instagram. Inversement, ce n’est pas parce qu’un compte suit un internaute sur Instagram qu’il sera automatiquement abonné au compte Threads de cette personne. Les utilisateurs de Threads pourront choisir entre un profil public et un profil privé, pour lequel ils pourront accepter qui les suit ou non.
A priori, le profil présenté sur Threads devrait être le même que celui utilisé sur Instagram (aussi bien l’alias que le nom ou pseudo affiché au-dessus, de même que la photo). Différents comptes peuvent être suivis ou non sur Instagram et Thread. En revanche, un compte bloqué d’un côté devrait l’être aussi de l’autre.
… et une incursion du côté du fediverse ?
Toujours d’après 9to5Google, qui a aussi déniché le site officiel threads.net, Threads a été pensé pour être interopérable avec des réseaux fédérés à la Mastodon. A priori, ces fonctionnalités ne seront pas disponibles dès le départ, mais le média a mis la main sur une annonce future de Meta, selon laquelle les comptes Threads seraient « bientôt accessibles à l’adresse @username@threads.net ».
Une trouvaille qui peut aussi être vue comme une manière de simplifier l’accès du grand public au fediverse – Mastodon, s’il a attiré énormément de public à l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, n’a pas tellement réussi à les garder connectés. Ou comme du combustible ajouté au feu de la grande méfiance que les communautés adeptes du fediverse nourrissent déjà envers Meta.
En effet, les rumeurs de compatibilité entre la nouvelle application de Meta et Mastodon ne sont pas neuves. Elles ont d’ailleurs suscité des frondes préventives, comme l’illustre cette liste d’administrateurs s’engageant à « bloquer toute instance de Meta si celles-ci devaient apparaître sur le fediverse ».
Siphon à données, Threads n’est pas adapté au RGPD
En termes de données captées par Threads, Meta n’a, sans surprise, pas mis l’accent sur la vie privée. Parmi les informations susceptibles d’être collectées, on compte la localisation, les informations de santé et fitness, les informations financières, celles de contact, l’historique de navigation…

Autant d’éléments qui expliquent que Threads ne soit pas autorisée au sein de l’Union Européenne pour le moment. Si la CNIL irlandaise n’a pas activement bloqué son développement, l’application ne doit pour le moment pas être accessible au sein de l’Union Européenne, selon un porte-parole interrogé par Independent.
Par le passé, il est arrivé à la CNIL irlandaise d’interdire à Meta de lancer sur WhatsApp des produits publicitaires utilisant des informations récupérées sur les usagers via Facebook ou Instagram, des pratiques autorisées aux États-Unis où les lois sur la protection de la vie privée sont plus lâches.
Par ailleurs, au sein de l’UE, malgré les adaptations déjà réalisées par l’entreprise de Zuckerberg, la Cour européenne de justice a jugé le 4 juillet que l’interprétation que faisait Meta de certains principes ancrés par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) comme celui d’ « intérêt légitime » était beaucoup trop large. Autrement dit, pointe l’organisation Noyb, à l’origine de la saisine de la Cour : les pratiques de l’entreprise américaine restent illégales en matière d’usage des données personnelles des internautes européens.
Dans ce contexte, aucune date précise n’est pour le moment connue pour le lancement d’une version de Threads adaptée au RGPD.