Équipementiers, opérateurs et fabricants parlent de plus en plus de 5G Advanced, mais de quoi s’agit-il exactement ? Dans les grandes lignes, de tenir les promesses initiales de la 5G. Cette technologie promet d’être une rupture, mais qui s’inscrit dans la durée puisqu’elle mettra des années à déployer ses ailes.
Des promesses de la 5G à…
Avant d’explorer les promesses de la 5G Advanced, commençons par jeter un œil dans le rétroviseur. On remonte six ans en arrière, en 2017, quand nous avons publié un long dossier sur la 5G. Pour simplifier, cette technologie promettait de multiplier les débits et la densité de connexion par 10, tout en divisant la latence par un facteur 10 également.
D’autres fonctionnalités étaient mises en avant. On peut ainsi citer le slicing, c’est-à-dire le fait de découper le réseau en tranches afin de proposer des services différenciés. Le network slicing « permet la création de sous-réseaux, sous la forme de tranches de réseau virtuelles (dénommées slices), positionnés au-dessus d’une infrastructure physique », explique l’Arcep.
Pour rappel, il s’agit de permettre de favoriser par exemple la latence (pour des voitures autonomes ou des opérations chirurgicales à distance) ou le débit (pour du streaming) selon les besoins. Le régulateur des télécoms rappelle d’ailleurs que « le network slicing n'est pas incompatible par nature avec le règlement internet ouvert [neutralité du Net, ndlr] ». Il a publié une bande dessinée sur ce sujet.
…la réalité commerciale actuelle
Dans la pratique, la 5G que proposent actuellement les opérateurs est encore loin d'être au niveau des promesses initiales. Niveau débit, avec la bande des 3,5 GHz, les opérateurs français proposent un peu plus de 2 Gb/s théorique en download (en agrégeant toutes les bandes disponibles), contre un peu plus de 100 Mb/s en upload.
D’ailleurs, il s’agit pour le moment de 5G NSA (Non StandAlone) fonctionnant sur un cœur de réseau en 4G ; la 5G SA (StandAlone, capable de fonctionner « seule ») commence à arriver doucement dans certains pays. Chez Orange par exemple, 2023 est une année charnière pour le lancement de la 5G SA.
En 4G(+), les opérateurs se battaient il y a quelques années aux alentours du Gb/s. On est donc loin de faire x10 avec la 5G… mais cela n’empêche pas certains d’en parler quand même. C’est le cas de SFR : « La 5G en bande 3.5 GHz peut aller jusqu'à 10 fois plus vite que la 4G⁽¹⁾ ». La note renvoie à une précision : « 4G avec débit descendant maximum théorique de 196 Mbit/s (fréquence 1800 MHz) et jusqu'à 2 Gbit/s pour la 5G en bande 3.5 GHz (association des fréquences 4G et 5G dans les zones couvertes) ».
Sur la même page pourtant, l’opérateur à la marque rouge affirme proposer « un débit descendant 4G+ jusqu'à 500 Mb/s »… alors qu’en 2017 il parlait déjà de Gb/s pour la 4G+ mais à cette époque les démonstrations SFR en 5G étaient à 70 Gb/s. Bref, rien de neuf sous le Soleil : les opérateurs dénigraient déjà leurs réseaux 3G+ lorsqu’il s’agissait de mettre en avant la 4G.
Mais alors, c’est quoi la 5G Advanced ?
La 5G Advanced n’est pas un nouveau concept de 2023 : cela fait des années que les opérateurs et équipementiers en parlent. Une précision au passage : les équipes marketing de Huawei ont visiblement estimé que le nom n’était pas bon et l'équipementier parle de 5.5G… après tout, on a bien eu la 4,5 et 4,9G
En août 2021 – quelques mois après le lancement commercial de la 5G en France –, Huawei expliquait ainsi que, « bien qu'elle se développe rapidement, la 5G n'a pas encore atteint sa maturité. Pour extraire une plus grande valeur sociale et économique de la 5G, 3GPP a officiellement annoncé la 5.5G, la deuxième phase de la 5G baptisée 5G-Advanced ».
En fait, dans le terme « 5G », on mélange beaucoup (trop) de choses. Il y a les promesses théoriques sur le long terme (les x10 indiqués il y a des années par exemple), mais aussi la réalité du terrain et du déploiement en douceur, avec de la 5G à ses débuts qui ressemblait beaucoup à de la 4G+(+). Mais on se souviendra aussi que la 4G n’était pas à 1 Gb/s à son lancement, loin de là ! En novembre 2012, nous étions à… 65 Mb/s en download, 9 Mb/s en upload et 38 ms de ping.
Les Release de la 3GPP
Comme toutes les technologies de téléphonies mobiles, la 5G évolue au fil des années. C’est le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) qui s’en occupe et publie des « Release ». La Release 15 date de 2018 et c’était « la première à introduire la technologie 5G avec notamment la forme d’ondes NR (new radio) sous ses formes NSA et SA […] Elle était essentiellement focalisée sur les applications « eMBB » (enhanced Massive BroadBand) permettant une augmentation majeure du débit et de la capacité des opérateurs dans la bande 3.5 GHz, priorité des opérateurs mobiles », explique l’ANFR.
La Release 16 est arrivée durant l’été 2020. Par contre, elle « ne concerne pas le grand public, mais plutôt les industriels, car elle est davantage focalisée sur les nouveaux marchés de la 5G, à savoir les marchés verticaux comme les applications à faible latence et haute fiabilité (URLLC) [Ultra-reliable and low-latency communications, ndlr], la voiture autonome (V2X), l’Internet des objets (mMTC) [massive Machine Type Communication, ndlr], etc ».
Deux ans plus tard, en 2022, c’est au tour de la Release 17 de pointer le bout de son nez, avec de nouvelles fonctionnalités dédiées aux verticaux, expliquait la Fédération Française des Télécoms. Fin 2020, la FFTélécoms prévoyait que « des efforts significatifs sont donc encore attendus dans les 5-10 prochaines années en standardisation pour définir une 5G complète, ambitieuse et universelle ». Preuve en est que la 5G est une lente évolution. Entre les promesses à long terme et les premiers lancements, le fossé est grand. D’ailleurs, à ces débuts, la 5G n’était pas une rupture technologie par rapport à la 4G, loin de là.

Release 18 alias 5G Advanced : une « évolution majeure »
On en arrive alors à la Release 18, aussi appelé 5G Advanced. Les travaux ont débuté en 2021 au 3GPP et vont se poursuivre jusqu’en 2024. Alors que les Release 16 et 17 n’étaient que des évolutions en douceur, la Release 18 promet des changements plus en profondeur ; Nokia parle même d’une « évolution majeure ».
L’équipementier tire tous azimuts avec, pêle-mêle, une expérience utilisateur immersive grâce à la réalité étendue (XR, un terme générique désignant aussi bien la réalité virtuelle, augmentée que mixte), l’ajout de l’intelligence artificielle et du machine learning dans la gestion des réseaux pour améliorer les performances et l’efficacité énergétique, etc. Nokia ajoute que cette Release 18 sera évidemment rétrocompatible avec les précédentes Release.
L’entreprise met en avant quatre piliers de la 5G Advanced : Expérience (hausse des débits et qualité de service), Expansion (nouveaux services, comme le positionnement avec une précision inférieure à 10 cm), Extension (nouveaux marchés, notamment IoT massif à faible coût, drones) et enfin Excellence (latence, efficacité énergétique). De plus amples détails sont disponibles dans ce long billet de blog.
De son côté, Huawei – qui parle de 5.5G pour la 5G Avanced – donne quelques chiffres : « La 5.5G offre des capacités réseau dix fois supérieures à la 5G, avec des débits en liaison descendante qui passent de 1 à 10 Gb/s et des débits en liaison montante qui passent de 100 Mb/s à 1 Gb/s ». Bref, on retombe sur les promesses initiales de la 5G. Sur les Objets connectés, l’entreprise parle de « 100 milliards de connexions ».

Qualcomm déjà sur les rangs avec ses Snapdragon X72 et X75
Au-delà des promesses, et alors que la Release 18 n’est pas encore finalisée, Qualcomm a déjà annoncé ses premiers modems 5G Avanced, il y a quelques semaines : les Snapdragon X72 et X75. Les puces sont pour le moment uniquement disponibles sous forme d’échantillons, la production de masse et l’intégration dans des terminaux est prévue pour la seconde moitié de 2023.
Le X75, le plus haut de gamme, pourra agréger jusqu’à 10 bandes dans les fréquences millimétriques, contre 5 sur celles en dessous des 6 GHz. Qualcomm revendique un débit théorique maximum de 10 Gb/s en téléchargement, contre 3,5 Gb/s en upload. Un tel débit était déjà possible avec le modem Snapdragon X65… annoncé en 2021.
Pour conclure, citons Matthew Baker, responsable radio chez Nokia et ancien (vice-)président du 3GPP TSG RAN WG1 (il a notamment travaillé sur la standardisation de l’UMTS/HSPA, LTE et 5G), qui résume bien la situation : « La Release 18 et les suivantes vont développer les capacités complètes de la 5G au cours des cinq prochaines années […] Avec une expérience utilisateur totalement immersive lorsqu’il est en mouvement ». Nul doute que tout le monde ou presque aura alors les yeux tournés vers… la 6G qui est attendue pour 2030. Une boucle itérative sans fin…