La 5G dont nous disposons actuellement n'est qu'une partie de ce que proposera à terme cette nouvelle technologie. Les ondes millimétriques (26 GHz) ouvriront de nouvelles perspectives. La 6G ira encore plus loin avec l'usage de « surfaces intelligentes reconfigurables » et un « meilleur suivi de l’utilisateur mobile ».
La 5G prend ses aises un peu partout dans le monde, et notamment en France puisque le déploiement a déjà commencé depuis plus d'un an. Nous sommes encore qu'au début puisqu'on est sur de la 5G NSA (Non Standalone), c'est-à-dire avec un cœur de réseau toujours en 4G.
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Dans les laboratoires, la 6G se prépare activement, parfois depuis déjà plusieurs années. L'Europe n'est pas en reste avec les projets de recherche Hexa-X et ceux de la 5G PPP (5G Infrastructure Public Private Partnership). En France, Orange et le CEA-LETI sont actifs sur le sujet.
La 5G pas encore totalement exploitée... qu'attendre de la 6G ?
Avant de tourner les yeux vers le futur, le CEA rappelle qu'avec la 5G, « nous entrons dans l’ère des échanges colossaux et quasi instantanés de données ». Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies donne quelques chiffres au niveau mondial (en se basant sur un rapport Ericsson Mobility Report) :
- 8,1 milliards d’abonnements mobiles en 2021
- La data via les téléphones portables augmente de 50 % environ chaque année
- La moyenne de consommation est de 11 Go/mois. En France elle est de 12 Go/mois pour les abonnés 4G.
Au-delà de la multiplication du débit, la 5G est mise en avant pour la transition numérique de plusieurs secteurs : « usine du futur, véhicules autonomes, villes intelligentes, Internet des objets, santé personnalisée… ». Mais que reste-t-il alors pour la 6G ?
Le Commissariat rappelle que « personne n’avait notamment anticipé l’envolée récente des réseaux sociaux, ni même l’arrivée des premiers smartphones à l’époque de la 3G… ». Essayer de prédire ce qui va arriver est donc le meilleur moyen de se louper. Prudent, il évoque néanmoins la réalité virtuelle et l'industrie 5.0.
« Nul ne sait aujourd'hui ce que la société en fera ! »
Jean-Baptiste Doré, responsable du programme 6G au CEA-Leti, dresse quelques pistes : « Comme pour la 5G, il y aura d’énormes enjeux de souveraineté et de sécurité. À la fois pour protéger nos données et pour assurer une couverture réseau haut débit sur tout le territoire, essentielle pour la compétitivité des entreprises et industries. Quant aux usages de la 6G, nul ne sait aujourd'hui ce que la société en fera ! »
D'autres inconnues demeurent au niveau technologique : « comme la 5G, la 6G s’appuiera sur un panel de technologies radio, antennaire, réseau ou encore de calcul. Le mariage de ces technologies, encore au stade de candidats, reste encore inconnu [aujourd'hui]. Il est certain que les semi-conducteurs seront pourvoyeurs d’un grand nombre de ruptures. Si le semiconducteur est prêt, il faudra attendre encore quelques années pour connaître avec précision la composition de la future 6G ».
1G à la 6G : de 1980 à 2030
Le CEA propose une petite rétrospective des quatre dernières décennies. Dans notre Magazine #1 nous étions pour rappel revenu sur l'histoire de la téléphonie mobile, des pagers aux premiers smartphones.
- 1G : fin des années 1980 pour les appels téléphoniques
- 2G en 1990 avec les SMS et MMS. Débit moyen de 50 kb/s
- 3G en 2000 avec l'Internet mobile, les emails et la lecture vidéos. Débit moyen de 10 Mb/s
- 4G en 2010 avec l'échange de grandes quantités de données. Débit moyen entre 10 et 100 Mb/s
- 5G en 2020 pour objets et villes connectées, industrie, voitures autonomes, médecines... Débit moyen entre 100 et 400 Mb/s
- 6G en 2030 ? Les débits moyens devraient dépasser le Gb/s
La 5G n'a pas dit son dernier mot puisque la bande des 26 GHz n'a pas encore été attribuée dans plusieurs pays, dont la France. Elle proposera bien plus de bande-passante que les autres opérateurs, mais avec une portée bien plus courte.
5G sur les 26 GHz : plus d'antennes et moins d'ondes
Le CEA explique les conséquences : « le besoin d’un plus grand nombre d’antennes, environ tous les 200 m ; et la diminution drastique de leur taille (de l’ordre de celle de la longueur d’onde, ici millimétrique). Ces équipements, composés d’une multitude de mini-antennes (256, voire 512), permettent de connecter un grand nombre d’utilisateurs à la fois et de diriger le signal uniquement vers l’utilisateur concerné, seulement lorsqu’il le réclame (à l’inverse des antennes 4G qui émettent en continu sur la totalité de la zone couverte). Les smartphones étant aux aussi équipés de plusieurs mini-antennes, la capacité de transmission en sera accrue ».
Le problème de la 5G sur les 26 GHz n'est pas seulement sa portée, mais aussi sa très faible pénétration dans les matériaux. Il faudra pour simplifier être dans la ligne de vue pour que le signal passe. Des solutions de contournement se préparent : des « "surfaces passives dites intelligentes" seront aussi prévues pour refléter l’onde électromagnétique et ainsi couvrir les zones masquées ».
Et voilà des « surfaces intelligentes reconfigurables »...
Avec la 6G, il est question de surfaces intelligentes reconfigurables, « considérées comme l’une des technologies les plus prometteuses pour améliorer la couverture, ajuster de manière dynamique la qualité de service et/ou diminuer l’exposition aux ondes électromagnétiques ».
« Concrètement, elles permettent de manipuler électroniquement les caractéristiques du champ électromagnétique. Ces surfaces bas coût sont constituées de milliers d’éléments rayonnants capables de rediriger au bon endroit les ondes contenant de l’information. Elles joueront le rôle d’intermédiaire entre station de base et utilisateurs », explique le CEA.
Trois modes de fonctionnement sont mis en avant ;
- Mode réfléchissant : un peu comme un miroir, l'onde rebondit vers l’utilisateur.
- Mode traversant : permet aux ondes qui ne peuvent normalement pas le faire de traverser les bâtiments.
- Mode refocalision et uniformisation : permet de cibler des zones blanches.
...pour cibler les besoins
Le changement de paradigme est important : « Contrairement aux générations précédentes qui envoyaient des ondes tous azimuts, ces surfaces permettront de cibler les besoins. On est donc pour la toute première fois sur une approche purement qualitative. Et surtout, elles consomment peu », explique Antonio Clemente (expert senior en charge de la conception de ces futures surfaces au CEA-Leti).
Ce n'est pas le seul usage des surfaces intelligentes reconfigurables. Leur capacité à modifier volontairement la propagation du signal ouvre des perspectives pour :
- créer de nouvelles réflexions du signal transmis, utiles à la localisation ;
- optimiser les faisceaux en fonction de la dernière position connue de l’utilisateur mobile ;
- offrir des niveaux de précision de localisation variables, en fonction du contexte d’utilisation, des besoins réels des utilisateurs, ou de la régulation ;
- minimiser le nombre et la puissance d’émission des stations de base.
Vers un « meilleur suivi de l’utilisateur mobile »
Ces surfaces permettent ainsi d'avoir une « meilleure estimation de la direction et du temps d’arrivée du signal radio, et donc in fine un meilleur suivi de l’utilisateur mobile. On espère ainsi créer un cercle vertueux, où une information de localisation de plus en plus précise permettra d’optimiser les faisceaux, par exemple, au niveau des stations de base ou des surfaces réfléchissantes, et donc, la qualité des liens radio eux-mêmes », explique Benoît Denis (chercheur en technologies de localisation, CEA-Leti). D'autres idées moins vertueuses pourraient aussi germer dans la tête de certains avec ce « meilleur suivi de l’utilisateur mobile ».
Selon le CEA, la 4G permet une géolocalisation 2D à une dizaine de mètres près, contre 10 cm à 1 m en 5G. LA 6G permettrait de passer à la 3D avec 1 à 10 cm.