6G, Wi-Fi 7, satellites… : les enjeux de la conférence mondiale des radiocommunications

6G, Wi-Fi 7, satellites… : les enjeux de la conférence mondiale des radiocommunications

Une ressource limitée et TRÈS convoitée

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Sébastien Gavois

Publié dans

Société numérique

23/12/2021 9 minutes
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6G, Wi-Fi 7, satellites… : les enjeux de la conférence mondiale des radiocommunications

Afin d’assurer une certaine homogénéité dans la gestion des fréquences, de grandes décisions sont prises au niveau mondial. En 2023, l’avenir de plusieurs bandes sera discuté. Il faut conjuguer l’arrivée du Wi-Fi 7 et de la 6G avec les besoins existants (satellites, surveillance, télécommunications…).

Les conférences mondiales des radiocommunications (CMR) sont des événements incontournables pour tout ce qui touche à la gestion des fréquences au niveau mondial. C’est notamment le cas de la téléphonie mobile évidemment, mais les sujets abordés sont beaucoup plus vastes. Elles ont lieu tous les trois à quatre ans. La dernière s’est déroulée en 2019, la prochaine aura lieu en 2023, d’où son nom : CMR-23.

Ces conférences « ont pour tâche d'examiner et, s'il y a lieu, de réviser le Règlement des radiocommunications, traité international régissant l'utilisation du spectre des fréquences radioélectriques et des orbites des satellites géostationnaires et non géostationnaires », explique l’Union internationale des télécommunications (UIT).

Le fonctionnement de ces réunions est balisé, avec de longues séances de préparation en amont : « Les modifications du Règlement sont apportées en fonction de l'ordre du jour adopté par le Conseil de l'UIT, compte tenu des recommandations formulées par les conférences mondiales des radiocommunications précédentes ».

En France, c’est l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui est chargée de la gestion du spectre des fréquences, elle est donc fortement investie dans les conférences mondiales des radiocommunications. Afin de préparer le terrain, l’ANFR propose une analyse de certains points qui seront officiellement abordés dans deux ans.

Bande 4,8 - 4,99 GHz et téléphonie mobile

Le premier concernera la « protection des services mobiles aéronautiques et maritimes, exploités dans la bande 4,8 - 4,99 GHz dans les espaces aériens et maritimes internationaux, vis-à-vis des IMT [International Mobile Telecommunications, ndlr], acronyme recouvrant les technologies mobiles, notamment la 5G ».

Ce sujet n’a rien de nouveau puisqu’il a déjà été abordé durant les CMR-15 et CMR-19. Le problème étant qu’il est complexe et nécessite donc une approche en douceur. En effet, il « caractérise la difficulté que présente un changement d’usage aussi important que les déploiements de réseaux mobiles ».

Cette bande était « utilisée historiquement pour des communications mobiles aéronautiques et maritimes, y compris dans les espaces aériens internationaux et dans les eaux internationales », explique l’ANFR. En France par exemple, les fréquences 4,8 à 4,99 GHz sont attribuées de manière exclusive au ministère de la Défense. Cette bande est « harmonisée » au niveau de l’OTAN, y toucher nécessite donc plus que des précautions. 

Lors de la CMR-15, une première « identification » de cette bande pour la téléphonie mobile avait néanmoins été obtenue par quelques pays de la Région 3 (Cambodge, Laos et Vietnam), « bien que les études préparatoires à la CMR eussent démontré la difficulté voire l’impossibilité de cette coexistence ».

Pour rappel, dans le cas des conférences des radiocommunications le monde se compose de trois « régions » :

  • Région 1 : Europe (y compris l’ensemble du territoire de la Communauté des États Indépendants) et l’Afrique
  • Région 2 : Amériques
  • Région 3 : Asie et Australasie

Plusieurs contraintes avaient été mises en place pour cette phase d’expérimentation : « procédure de demande d’accord, consentement à l’absence de protection contre les brouillages et, surtout, limite de densité surfacique de puissance applicable à 20 km des côtes et 19 km d’altitude ».

L’ANFR explique que, « en pratique, cette restriction pénalisait fortement le déploiement de la 5G, notamment dans les pays à longue façade maritime comme le Vietnam ».

Russie et Chine vs États-Unis et France 

Durant la CMR de 2019, plusieurs pays, menés par la Fédération de Russie et la Chine, « ont sollicité une généralisation de l’identification IMT et une suppression de la limite de densité surfacique de puissance ».

Tout le monde n’était pas sur la même longueur d’onde, notamment « les États-Unis, la Corée, la France et d’autres pays alliés » qui étaient sur la défensive. Un compromis était néanmoins trouvé : « l’extension de l’identification IMT à de nombreux pays, assortie toutefois du maintien de la limite de densité surfacique de puissance (à l’exception de 11 pays) et du renforcement de la procédure de l’obligation d’accord ».

Depuis le début de la préparation de la CMR-23, « les discussions se sont focalisées sur les questions règlementaires », mais elles « s’orientent maintenant vers les questions techniques ». C’est notamment le cas sur la limite de densité surfacique de puissance définie à la CMR -15, qui avait été calculée « à partir d’hypothèses sans doute conservatrices et il s’agit d’évaluer une limite sur des bases plus réalistes ».

Afin de la réévaluer, la France a proposé une nouvelle méthodologie lors de la réunion du groupe de préparation de l’UIT en octobre. Elle devrait être plus largement « discutée et complétée » l’année prochaine.

Bande 3,3 à 3,4 GHz et 5G

Un autre point de la CMR concernera la bande de 3,3 à 3,4 GHz, collée aux fréquences des opérateurs en France pour la 5G (3,49 à 3,8 GHz). Depuis la CMR-15, elle est attribuée au mobile dans certains pays africains sub-sahariens, « mais avec des conditions règlementaires rendant cette utilisation secondaire vis-à-vis des radars, utilisateurs historiques de la bande ». Cette bande est à l’étude pour la Région 1 (l’Europe), pour des usages IMT.

L’ANFR explique que « les études réalisées pendant le dernier cycle d’études (2015-2019) ont confirmé les difficultés de coexistence entre ces deux services avec des brouillages sur plusieurs centaines de kilomètres. Ces usages de radars étant pérennes et internationaux, une extension géographique de cette attribution et de cette identification et un relâchement des conditions pourraient donc affecter leurs capacités opérationnelles ».

6 425 à 7 125 MHz : faisceaux hertziens, 6G, Wi-Fi 7…

La CMR-23 se penchera aussi sur la bande haute des 6 GHz – de 6 425 à 7 125 MHz – soit 700 MHz de spectre qui attisent les convoitises. Elle vous rappelle quelque chose ? C’est normal, elle est adjacente à celle du Wi-Fi 6E – de 5 945 à 6 425 MHz – autorisé depuis peu en France.

La téléphonie mobile et le Wi-Fi s’intéressent tous les deux à cette bande pour augmenter la capacité des réseaux, il faudra donc choisir. Pour rappel, aux États-Unis la FCC a validé la mise à disposition pas de moins de 1 200 MHz au Wi-Fi 6E La Corée et l’Arabie Saoudite aussi utilisent cette partie haute des 6 GHz pour le RLAN (Wi-Fi), en complément de la bande 5 925 à 6 425 MHz, ajoute l’ANFR.

« La communauté Wi-Fi justifie ce besoin par l’arrivée du Wi-Fi 7 et de canaux dont la largeur atteindra 320 MHz. Il se développe donc une concurrence entre la communauté IMT et la communauté RLAN pour obtenir l’accès à la bande 6 425-7 125 MHz. Mais ce sujet ne devrait pas être abordé lors de la CMR -23 ».

Il ne faut pas non plus oublier que d’autres services utilisent déjà cette bande, notamment les liaisons satellitaires et les faisceaux hertziens :

« En France, mais également dans de très nombreux pays européens, des faisceaux hertziens sont largement déployés dans cette bande pour des liaisons longue distance et à forte capacité, répondant à des besoins des opérateurs mobiles, ainsi que pour certaines liaisons de très faible capacité en cours de migration de la bande 1,5 GHz. Ces faisceaux hertziens devront demeurer dans la bande pendant plusieurs années ».

Pour l’Agence nationale des fréquences, le déploiement de la fibre pourrait limiter les besoins en faisceaux hertziens, mais une liaison optique ne peut pas toujours remplacer une liaison aérienne, comme nous l’avions détaillé dans notre dossier sur le sujet. Et l'attribution de fréquences 5G mène au paiement de licences.

Quoi qu’il en soit, l’ANFR se demande si une « possibilité existe donc pour que la libération de la bande par les faisceaux hertziens coïncide avec de nouveaux besoins pour le lancement de la 6G à l’horizon 2030 ? ». Les discussions durant les prochaines réunions préparatoires et les CMR promettent donc d’être soutenues. 

Des discussions aussi autour des fréquences 3,6 et 10 GHz 

Sur d’autres fréquences, l’ANFR compte bien « protéger » les 500 MHz de spectre se trouvant entre 10 et 10,5 GHz. Cette bande « est utilisée mondialement pour de l’observation de la Terre par satellite avec des radars à synthèse d’ouverture (RSO/SAR) et nos satellites bénéficient d’un droit international à la protection ».

Il en est de même pour « des radars maritimes et aéronautiques, y compris dans le voisinage de nos territoires ultramarins […] La France est donc bien légitime à s’intéresser à la protection de ces deux services ». C’est presque un enjeu national.  « Enfin, le point 1.3 de l’ordre du jour de la CMR-23 ne fait pas référence à une identification IMT mais seulement à l’attribution de la bande 3,6-3,8 GHz au service mobile à titre primaire en Région 1 [c’est-à-dire en Europe, ndlr], à l’instar des deux autres Régions ».

Depuis les CMR-07 et CMR-15, la bande en-dessous (3,4 à 3,6 GHz) a déjà ce statut. « Un tel statut dans la bande 3,6-3,8 GHz permettrait de faciliter les déploiements de l’IMT dans les zones frontalières de l’UE, où le statut secondaire du service mobile peut être un handicap pour négocier des droits vis-à-vis de pays ayant d’autres usages ».

L’ANFR rappelle enfin que « la route est longue d’ici la CMR-23 » et il semble encore difficile d’identifier les compromis qui pourraient émerger. Les discussions et réunions préparatoires vont continuer bon train d’ici là.

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Bande 4,8 - 4,99 GHz et téléphonie mobile

Russie et Chine vs États-Unis et France 

Bande 3,3 à 3,4 GHz et 5G

6 425 à 7 125 MHz : faisceaux hertziens, 6G, Wi-Fi 7…

Des discussions aussi autour des fréquences 3,6 et 10 GHz 

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Commentaires (4)


Merci pour l’article !


Je ne connaissais pas les fréquences de la défence….
vraiment un grand merci.


La Wifi semble être un trou noir à fréquence libre ^^



l’Arabie Saoudite aussi utilisent cette partie haute des 6 GHz pour le RLAN (Wi-Fi), en complément de la bande 5 925 à 6 425 MHz, ajoute l’ANFR.




OUi! pitié! on galère de plus en plus pour trouver des fréquences libres en RLAN, étant pollués par les box internet des grands FAI…




Mais ce sujet ne devrait pas être abordé lors de la CMR -23




DOH!