« Porno : l’enfer du décor » : télécharger le rapport de la délégation aux droits des femmes

Au droit mouillé
Droit 6 min
« Porno : l’enfer du décor » : télécharger le rapport de la délégation aux droits des femmes

La délégation aux droits des femmes propose plusieurs pistes pour aiguiser la régulation du porno en ligne, dans un rapport qu’elle publie dans la matinée. Son contenu a déjà été éventé dans plusieurs titres de presse. Nous diffusons ce document, lequel demande le blocage de tous les sites X sans contrôle d'âge et des sanctions administratives infligées par l'Arcom. 

« Pour la première fois dans l’histoire parlementaire, un rapport d’information est entièrement consacré aux pratiques de l’industrie pornographique », prévient la délégation sénatoriale dans les premières lignes du document. Ce rapport est fort de plusieurs pistes parfois très ambitieuses tant dans le volet des contenus que dans celui de la régulation de l'accès.

Face aux faits de « violences systémiques envers les femmes », les sénateurs proposent de « faire des violences sexuelles commises dans un contexte de pornographie un délit d’incitation à une infraction pénale (viol ou agression sexuelle) ». Avec une telle voie, ces violences, « de même que l’incitation, dans du contenu pornographique, à commettre des violences, [seraient] pénalement réprimées ».

Dans la version la plus rugueuse de cette politique publique, serait alors ajouté dans le Code pénal, « un délit de provocation directe à des actes de violence ou d’humiliation sexuelle ou d’apologie de ces actes par le biais de la diffusion d’images d’actes non simulés ». 

Dans une version plus soft, serait imposée l’insertion d’un message d’avertissement dès lors qu’un site diffuse des contenus pornographiques « mettant en scène des actes non simulés de viols ou agressions sexuelles ».

Ce bandeau indiquerait alors que « les scènes représentées relèvent d’une infraction pénale ». Ce qui supposerait dans le même temps que les hébergeurs de contenus X surveillent et qualifient l’intégralité des vidéos hébergées, mises en ligne et partagées par des internautes, afin d’identifier celles relevant de ce champ de régulation… Une obligation qui pourrait être en contrariété avec l’interdiction de surveillance généralisée prévue par la directive e-commerce de 2000.

Faciliter les procédures, avant blocage des sites 

Pour contrer la banalisation du porno chez les jeunes, les textes ont déjà été mis à jour pas plus tard qu’en juillet 2020. Ils ont introduit d’une part une procédure de blocage entre les mains du président du CSA (devenu Arcom en début d’année) frappant les sites pour adultes accessibles aux mineurs.

D’autre part, cette réforme législative a démagnétisé juridiquement les disclaimers d’âge. Depuis, la présence de ces fenêtres n’est plus un bouclier suffisant face à cette infraction réprimée par l’article 227-24 du Code pénal. À la clef, une sanction pénale de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, et donc une procédure de blocage chez les FAI. 

Récente, cette législation mériterait déjà une mise à jour, constatent les parlementaires : à ce jour, lorsqu’il est saisi, le président de l’Arcom doit faire constater par huissier les infractions dénoncées par des tiers, à savoir des contenus pornos accessibles aux mineurs.

L'idée développée par les rapporteures Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol ? « Assermenter les agents de l’Arcom pour leur permettre de constater les infractions des sites ». Une telle levée procédurale permettrait ainsi d’industrialiser les procédures, bien au-delà de la quelque dizaine de sites à ce jour épinglés, tout en allégeant les frais.

Elle ne cache pas son objectif : « bloquer tout site ou réseau proposant des contenus pornographiques sans contrôle de l’âge des utilisateurs ». 

Des amendes contre les sites X prononcées par l'Arcom

Ce n’est pas tout. La délégation aimerait aussi accentuer la répression contre ces sites. Dans les textes en cours, le président de l’autorité doit d’abord mettre en demeure les sites de trouver une solution de contrôle d’âge. Si le site mis en cause n'y parvient pas dans les 15 jours, le même président peut saisir la justice dans le cadre d’une procédure de référé, pour réclamer un blocage d'accès. 

La délégation souhaiterait introduire, avant ce stade judiciaire, un dispositif d’amende administrative infligée par l'autorité de régulation. 

Combien pour l'ardoise ? 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires mondial serait une bonne base pour les sénateurs en quête d'« effet dissuasif plus efficace pour les sites pornographiques ».

L'Arcom invitée à rédiger les lignes directrices du contrôle d'âge 

Page 126, il est demandé à l’Arcom de rédiger (enfin) les lignes directrices portant sur les technologies que les sites pourraient adopter afin de contrôler l’âge des internautes.

Ces lignes ont bien été prévues par un décret, mais seulement sous la forme d’une option... que n’a jamais levée l’autorité.

Celle-ci préfère en effet rester passive et attendre que les sites se débrouillent seuls.

Voilà « une vision extrêmement restrictive des missions de l’Arcom » rétorquent sèchement les sénateurs qui souhaiteraient aussi « imposer aux sites pornographiques l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié ».

Un écran noir déjà évoqué durant les travaux préparatoires.

Les sénateurs se piquent au POC

Comme la CNIL, le document de la délégation arrive peu ou prou à la conclusion qu’il n’y a aucune solution vraiment satisfaisante à ce jour pour s’assurer que derrière une IP, se cache un majeur.

Imposer un micro-paiement par carte bancaire ? « Le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de considérer qu’il s’agit d’une atteinte trop grande à la liberté d’entreprendre et à la liberté de commerce des éditeurs de sites pornographiques ».

L'usage de la carte d'identité ? « Outre leur faible acceptabilité sociale, ces solutions comportent le risque de connaissance par l’exploitant de la base de données du site qui va être visité ».

La biométrie ou des estimations algorithmiques ? « Celles-ci nécessitent toutefois la collecte de données concernant potentiellement des enfants de moins de 13 ans. En outre, leur marge d’erreur est importante ».

Elle voit par contre d’un bon œil le « POC » imaginé par le PEReN, la CNIL et Olivier Blazy, professeur à l’École polytechnique. Une preuve de concept reposant sur un tiers de confiance. Autant de points qui devraient nourrir la médiation réclamée dans le cadre d'une procédure de blocage actuellement examinée au tribunal judiciaire de Paris. 

Controle parental activé par défaut sur les smartphones des ados

Parmi les autres évolutions législatives imaginées, relevons l’activation « par défaut » du contrôle parental lorsqu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur. Quid si l’abonnement est souscrit par le parent mais le téléphone confié à l’un de ses enfants ?

Le rapport de 142 pages dans la version que nous diffusons, sollicite aussi des mesures éducatives, comme l’établissement d’un tableau de bord annuel, par académie, retraçant « la mise en œuvre des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective » auprès des élèves.

Il préconise aussi de « désigner un délégué académique à l’éducation à l’égalité et à la sexualité, afin d’accentuer la pression pour la mise en œuvre de ces séances ». Dans sa recommandation n°20, il veut « aborder dans le cadre des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie ». Autre idée, « sensibiliser les parents et mener une campagne de communication autour de la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr ».

D’autres volets sont à retenir, comme celui relatif au droit à l’oubli. L’idée ? « Imposer aux plateformes de satisfaire gratuitement aux demandes de retrait de vidéos formulées par les personnes filmées, et non plus par les seuls propriétaires de vidéos ».

Ce document a été adopté hier par la délégation. Il sera présenté ce matin au Sénat.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !