Le CSA somme 5 sites pornos de bloquer les mineurs, mais sans donner de lignes directrices

Sus aux Tubes
Droit 5 min
Le CSA somme 5 sites pornos de bloquer les mineurs, mais sans donner de lignes directrices
Crédits : eyetoeyePIX/iStock

Le 13 décembre, le président du CSA mettait 5 sites pornos en demeure de trouver une solution de contrôle d’âge. Si les sites ont depuis 15 jours pour trouver le précieux sésame, l’autorité n’a pas encore défini les « lignes directrices » concernant la fiabilité de ces outils de vérification, qu’un décret l’a invitée à prendre.

Le décompte est lancé. Pornhub, Xnxx, Xvidéos, Tukif et xHamster ont jusqu’à la fin de l’année 2021 pour rentrer dans les clous de la loi française. À savoir un système de contrôle d’âge plus robuste que les simples déclarations de majorité qu’on trouve placardées sur les pages d'accueil (« je certifie avoir 18 ans ou plus », et autres variantes).

À défaut de trouver une telle solution, le président du CSA pourra saisir la justice afin que les sites défaillants soient tout simplement bloqués entre les mains des principaux fournisseurs d’accès. La conséquence d’une loi adoptée l’an passé à l’initiative de la majorité parlementaire, soutenue par le gouvernement et l’Élysée.

Le décret qui a détaillé les modalités d’application prévoit qu'un site bloqué devra être remplacé par une page du CSA expliquant les motifs de cette mesure.

Et s'il revient par la fenêtre d’une autre adresse, alors le président de l’autorité pourra saisir directement la justice pour étendre le blocage à ce nouveau nom. Dans un cas comme dans l‘autre, les FAI pourront couper l’accès par « tout moyen approprié », même si le décret cite en exemple « le protocole de blocage par nom de domaine (DNS) ».

Le texte, cosigné par le Premier ministre, la ministre de la Culture, le ministre de l’Économie, le Garde des Sceaux, le ministère de la Santé, le secrétaire d’État au numérique et celui chargé de l'enfance et des familles, prévoit d’autres modalités. En particulier, la possibilité pour le CSA d’éditer des « lignes directrices » jaugeant la fiabilité des solutions mises en œuvre.

Des lignes directrices sur la fiabilité du contrôle d’âge

Avant de lancer la procédure de blocage, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel doit en effet tenir tout particulièrement compte « du niveau de fiabilité du procédé technique mis en place » par le site porno. On le devine : une simple bannière où l’internaute affirme être majeur n’est plus suffisante. Quid des autres solutions ? 

Pour y voir plus clair, le décret invite le CSA à adopter des « lignes directrices » relatives à « la fiabilité des procédés techniques permettant de s'assurer que les utilisateurs souhaitant accéder à un contenu pornographique d'un [site] sont majeurs ».

Le cas échéant, il peut même consulter ses voisines, à savoir l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (l’Arcep) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (la CNIL) dans un délai qu’il fixe lui-même.

Arcep et CNIL toujours pas consultées

Alors que le CSA vient d’activer les premières marches pouvant mener à la procédure de blocage, l’ARCEP nous indique ne pas avoir été consultée par le CSA « à ce stade ». Même réponse auprès du gendarme des données à caractère personnel : la CNIL n’a « pas été consultée ».

Dans son avis rendu sur le décret, révélé dans nos colonnes, la CNIL veut avoir visiblement son mot à dire. Elle avait déjà rappelé plusieurs lignes rouges dans les dispositifs de contrôle d’accès : entre la « nécessaire proportionnalité des procédés techniques » et le respect du « principe de minimisation des données », elle avait relevé « la difficulté de concilier les principes relatifs à la protection des données à caractère personnel avec tout mécanisme de contrôle de l’âge des mineurs faisant appel à une identification préalable de ceux-ci ».

Dans ce même avis, elle jugeait préférable de passer par un tiers de confiance avec système de double anonymat « empêchant, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, faisant obstacle à la transmission de données identifiantes relatives à l’utilisateur au site ou à l’application proposant des contenus pornographiques ».

Un chantier à peine commencé au CSA

Contacté, le CSA nous indique toujours travailler « à l’élaboration d’un projet de texte ». Une simple ébauche puisque l’autorité en est encore à la validation « du principe et du contenu », le tout « dans un délai qui n’est pas encore arrêté ». En somme, un début de futur chantier encore hypothétique.  

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel nous rappelle néanmoins que « l’édiction de lignes directrices est une possibilité pour le Conseil, non une obligation. Elles ne conditionnent pas l’application de l’article 227-24 du Code pénal ».

Cette disposition « interdit de permettre l’accès des mineurs à des contenus pornographiques ; en outre, depuis l’adoption de la loi du 30 juillet 2020, il mentionne explicitement qu’un simple "disclaimer" n’est pas suffisant » : 

« Les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l'accès d'un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans. »

Les sites pornos ne doivent donc pas s’attendre à trouver dans ces futures lignes « LA » solution qui leur permettra de passer entre les griffes de la législation française et en particulier du blocage, puisqu'« en tout état de cause, prévient encore le CSA, ces lignes directrices, telles qu’elles sont prévues par le décret, n’ont pas pour objectif de valider ou invalider tel ou tel type de système de vérification a priori ».

Le Conseil, qui prépare sa mue vers l'Arcom, rappelle qu’il mènera systématiquement un examen « au cas par cas » des solutions mises en œuvre « pour se prononcer sur leur fiabilité au regard de l’objectif de protection des mineurs ».

Nulle surprise dans ce mode opératoire. La députée LREM Bérangère Couillard avait déjà indiqué, en phase d’élaboration de la loi, qu’il reviendra « aux éditeurs de sites de s’assurer que leurs contenus ne sont pas susceptibles d’être consultés par des mineurs », laissant une « liberté des moyens » pour ce faire. 

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