ExoMars  2020 dos au mur après deux échecs successifs sur les tests de parachutes

ExoMars 2020 dos au mur après deux échecs successifs sur les tests de parachutes

Le plus dur c'est pas la chute mais l'atterrissage

Avatar de l'auteur
Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

13/08/2019 8 minutes
13

ExoMars  2020 dos au mur après deux échecs successifs sur les tests de parachutes

Jamais deux sans trois ? L'Agence spatiale européenne espère ne pas vérifier l'adage avec le rover Rosalind Franklin de sa mission ExoMars 2020. Après deux échecs sur les tests de parachutes, l'institution n'a plus vraiment droit à l'erreur pour espérer un lancement l'année prochaine. 

Après un demi-succès ou demi-échec – selon les points de vue – de la première partie de la mission ExoMars, l'Agence spatiale européenne (ESA) se prépare à lancer la seconde phase : ExoMars 2020. Après un report de deux ans, le lancement est pour l'instant prévu pour l'été prochain.

La mission doit prendre place à bord d'une fusée russe. Le site d'atterrissage a déjà été sélectionné et le rover baptisé ; on lui souhaite plus de succès qu'à Schiaparelli. Bref, tout est prêt pour le lancement... à un « détail » près : les parachutes de l'atterrisseur ont loupé pour la seconde fois consécutive un test qualificatif.

Il faut maintenant mettre les bouchées doubles pour identifier les causes du problème, les corriger et procéder à de nouveaux essais avant le lancement en juillet/août prochain. Autant dire que l'ESA n'a plus vraiment le droit à l'erreur. Une réunion d'experts avec la NASA est prévue pour septembre.

ExoMars : les frayeurs de 2016, les inquiétudes pour 2020

En mars 2016, ExoMars décollait à bord d'une fusée Proton avec un lancement chaotique : le dernier étage de la fusée Proton explosait juste après avoir largué sa charge utile. Cet incident n'a heureusement pas eu d'incidence sur le reste de la mission. Il avait d'ailleurs été repéré par l'observatoire brésilien OASI, mais « les Russes se sont bien gardés de nous le dire », confiait alors Francis Rocard, responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES.

En octobre de la même année, la sonde TGO (Trace Gas Orbiter) s'insérait en orbite martienne sans encombre, mais dans les minutes suivant le largage de Schiaparelli, la fin prématurée des transmissions a rapidement inquiété les scientifiques sur son état de santé.

Craintes finalement justifiées : l'atterrisseur s'était écrasé à plus de 300 km/h sur la surface martienne. En cause, des informations erronées ayant généré une altitude estimée négative alors que la sonde était encore à plus de 3,7 km d'altitude. Pensant être arrivé à destination, le module avait largué son parachute et son carénage, puis activé brièvement ses propulseurs... pour finalement s'écraser à grande vitesse.

Pour autant, l'ESA ne parle pas d'un échec concernant ExoMars 2016, mais plutôt d'un demi-succès, mettant dans la balance la réussite de TGO. Même s'il était conçu comme un véritable module d'exploration, Schiaparelli était un démonstrateur et il était prévu que le résultat de sa mission n'ait « aucune conséquence » sur la suite des opérations. C'était du moins la déclaration de Francis Rocard avant la tentative d'atterrissage. Fin 2016, quelques semaines après le crash, l'ESA envoyait un signal fort en validant le budget d'ExoMars 2020.

Maintenant, les yeux sont tournés vers la seconde étape d'ExoMars, qui a déjà été retardée une première fois puisqu'elle était initialement prévue pour 2018. Pour rappel, la fenêtre de tir optimale pour se rendre sur Mars s'ouvre tous les deux ans environ, lorsque les planètes rouge et bleue sont au plus proches l'une de l'autre. 

1... 2... 3... et 4 parachutes !

Pour se poser en douceur, le rover d'ExoMars 2020, baptisé Rosalind Franklin en hommage à « l'éminente scientifique à l'origine de la découverte de la structure de l'ADN », utilisera pas moins de quatre parachutes qui s'ouvriront à tour de rôle : deux parachutes principaux de 15 et 35 m de diamètre, et deux « parachutes pilotes » plus petits (un pour chaque parachute principal).

Des moteurs prendront ensuite le relais pour permettre au rover de se poser en douceur, selon les plans de l'Agence spatiale européenne. L'ensemble de cette phase ne devrait durer que six minutes et en totale autonomie étant donné la latence jusqu'à Mars (entre trois et une vingtaine de minutes suivant la distance).

ExoMars 2020

OK en mars 2018, KO en mai 2019

En mars 2018, le plus gros parachute de 35 m a été testé avec succès en Suède, mais à une hauteur de 1,2 km seulement. L'ESA se félicitait alors d'avoir réalisé le plus grand parachute jamais conçu pour une mission sur Mars. La suite des opérations a par contre été bien plus compliquée que prévu.

En mai 2019, depuis un ballon stratosphérique à l'hélium, « la séquence de déploiement des quatre parachutes a été testée pour la première fois à une hauteur de 29 km ». Ce fut un échec : « Bien que les mécanismes de déploiement se soient correctement activés et que la séquence ait été entièrement réalisée, les deux voilures des parachutes principaux ont été endommagées » .

Les deux mortiers pyrotechniques ont fonctionné comme prévu, libérant les parachutes pilotes qui ont joué leur rôle de guide pour les parachutes principaux. Par contre, les scientifiques ont détecté, « immédiatement après l'extraction du sac et avant qu'ils ne soient soumis à une charge maximale », des déchirures dans les toiles de ceux de 15 et 35 m.  Malgré tout, la traînée aérodynamique était à peu près conforme aux attentes, comme la durée de la descente.

Les deux parachutes endommagés avaient été récupérés pour analyse : « Nous allons apporter des améliorations à la conception des sacs pour assurer une extraction plus douce du parachute, ainsi que des renforts sur le parachute lui-même afin de limiter la propagation des déchirures au cas où il en resterait encore », expliquait François Spoto, le chef de projet ExoMars. 

Nouvel échec début août, avec les mêmes symptômes qu'en mai

L'ESA se montrait optimiste sur la suite des opérations, mais une seconde douche froide est arrivée début août avec un nouveau test dont les premiers résultats ont été dévoilés. Malgré les modifications apportées aux sacs et aux parachutes, des dommages similaires à ceux du mois de mai ont été observés : « Il est décevant que les adaptations et précautions introduites à la suite des anomalies du dernier test ne nous aient pas aidés à réussir le second test », reconnaît François Spoto. 

Ce dernier ajoute que les équipes planchent activement pour trouver une solution avant le lancement de l'année prochaine. Là encore, le matériel de test a été récupéré et les analyses sont en cours pour « identifier la cause fondamentale de l’anomalie et permettre d’orienter les modifications à apporter éventuellement au système de parachute pour les futurs essais ».

« Arriver et en particulier atterrir sur Mars est très difficile », reconnait le responsable de l'ESA.

ExoMars 2020

D'autres tests arrivent, une réunion d'experts en septembre

« Un autre test en haute altitude est déjà prévu pour le premier parachute principal avant la fin de cette année. La prochaine tentative de qualification du second est ensuite prévue pour début 2020 ». D'autres pistes sont également explorées : « les équipes étudient la possibilité de fabriquer d'autres parachutes de test et de réaliser des simulations au sol pour imiter la nature dynamique de l'extraction du parachute. En effet, les possibilités de tests de chute à grande échelle sont peu nombreuses », et certainement plus coûteuses.

Le mois prochain, un « atelier » réunira les experts de la NASA et de l'ESA autour des parachutes sur Mars. Le but est de partager les connaissances et probablement d'en apprendre plus sur ce sujet de la part des Américains qui n'en sont pas à leur coup d'essai. Ils ont en effet déjà posé plusieurs rovers à la surface de la planète. 

« Il n'y a évidemment plus de marge pour un autre échec »

Pour le moment, le lancement de la mission ExoMars 2020 est toujours prévu entre le 25 juillet et 13 août 2020, avec une arrivée sur Mars en mars 2021. Il reste donc moins d'un an pour trouver une solution et la mettre en place.

Étant donné la rigueur des procédures de validation pour une mission de cette envergure, les marges de manœuvre sont très limitées et une solution doit rapidement être trouvée : « Il n'y a évidemment plus de marge pour un autre échec », accorde un porte-parole de l'ESA à The Verge.

Ce n'est pas la seule inquiétude des scientifiques : « ce qui nous fait un peu peur, c’est la partie russe qui doit poser le rover sur Mars », lâchait Francis Rocard lors d'une conférence de presse, peu de temps après l'explosion du dernier étage du lanceur Proton en 2016

ExoMars 2020 (et Mars 2020) à la recherche de la vie

Si le rover Rosalind Franklin se pose correctement, il explorera alors la surface de la planète Mars à la recherche de sites géologiquement intéressants pour forer et tenter de déterminer si la vie a existé à une période. 

C'est également le but de la caméra SuperCam (développée par des équipes franco-américaines) de la mission Mars 2020 de la NASA. Pour rappel, nous avons publié l'année dernière un dossier sur la planète Mars, la recherche de la vie et les enjeux qui en découlent :

13

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

ExoMars : les frayeurs de 2016, les inquiétudes pour 2020

1... 2... 3... et 4 parachutes !

OK en mars 2018, KO en mai 2019

Nouvel échec début août, avec les mêmes symptômes qu'en mai

D'autres tests arrivent, une réunion d'experts en septembre

« Il n'y a évidemment plus de marge pour un autre échec »

ExoMars 2020 (et Mars 2020) à la recherche de la vie

Commentaires (13)


“ExoMars 2020 dos au mur” & “Pour le moment, le lancement de la mission ExoMars 2020 est toujours prévu entre le 25 juillet et 13 août 2020, avec une arrivée sur Mars en mars 2021. Il reste donc moins d’un an pour trouver une solution et la mettre en place.”



J’imagine bien que reporter la mission est compliqué mais néanmoins plus souhaitable que de lancer un truc dont on sait qu’il va se cracher non ? “On s’en tape on a pas le choix, on lance le truc même s’il va se cracher comme une grosse merde, rien à foutre on est dos au mur !!”&nbsp;<img data-src=" />


“Move Fast and Break Things”



L’ESA en mode start-up


Aller sur Mars ce n’est pas comme mettre un satellite sur orbite ou même aller sur la lune, et pas seulement pour ce qui concerne l’atterrissage… Il faut que les deux planètes soient au plus proche, ce qui n’arrive que tous les deux ans environs. Et attendre deux ans de plus, ça pose probablement plein d’autres problèmes.








Jonathan Livingston a écrit :



Aller sur Mars ce n’est pas comme mettre un satellite sur orbite ou même aller sur la lune, et pas seulement pour ce qui concerne l’atterrissage… Il faut que les deux planètes soient au plus proche, ce qui n’arrive que tous les deux ans environs. Et attendre deux ans de plus, ça pose probablement plein d’autres problèmes.





Oui je l’imagine bien, mais c’est toujours mieux que lancer un truc qui a toutes les chances de finir en pièces …



Pour rappel, rien qu’avec les sondes lunaires du programme Luna, les Soviétiques en ont planté cinq dans la phase d’atterrissage sur les 44 engins qu’ils ont tirés vers la Lune. sur 7 sondes Surveyor, les Américains en ont planté deux, cela après un programme Ranger plus simple pour se faire la main (les sondes faisaient un atterrissage balistique non freiné, dirions-nous <img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /> ), où ils ont eu 5 échecs pour 4 réussites.



Alors, qu’il y ait des couilles avec le programme européen d’exploration de Mars, c’est le contraire qui serait étonnant… Et là, on sait où ça merde, ce qui est énorme.








Jonathan Livingston a écrit :



Aller sur Mars ce n’est pas comme mettre un satellite sur orbite ou même aller sur la lune, et pas seulement pour ce qui concerne l’atterrissage… Il faut que les deux planètes soient au plus proche, ce qui n’arrive que tous les deux ans environs. Et attendre deux ans de plus, ça pose probablement plein d’autres problèmes.





Pas tout a fait, il faut que les deux planètes soient dans une configuration telle que la sonde peut avoir une orbite de Hohmann (du moins qui s’en rapproche le plus, l’orbite de Hohmann théorique n’est possible que lorsque les deux orbites de départ et d’arrivée sont coplanaires ), qui est l’orbite qui coûte le moins cher en carburant en gros. Paradoxalement, les deux planètes ne sont pas vraiment proche au moment du lancement, plus du genre 90° d’écart (avec Mars en avance).









PtiDidi a écrit :



“Move Fast and Break Things”



L’ESA en mode start-up





La NASA a eu sa petite époque “faster-cheaper” dans les années 90 et c’était pas rigolo tous les jours. Ça leur ai passé après avoir foiré quelques missions sur Mars :)



ouais enfin le parachute même endommagé il a quand même fait le job sur les tests…



la question est donc “on a déjà pris 2 ans dans la vue, si on compare lancer en 2020 à X% de réussite ou attendre encore deux ans avec le coût de 4 ans d’attente au total pour viser le 100% de réussite”



c’est du calcul de risque, il faut juste voir où ils mettent le curseur


Exact. C’est même plus précisément une orbite dite de “transfert”, c’est à dire une orbite sur laquelle est placé temporairement un véhicule spatial entre une orbite initiale, ou la trajectoire de lancement, et une orbite visée.



Oui, oh bah c’est pas mois qui le dit c’est l’arrêté du 20 février 1995 relatif à la terminologie des sciences et techniques spatiales



<img data-src=" />


La question qu’on se pose de l’extérieur (et à laquelle les ingés de l’ESA ont forcément la réponse) c’est dans quelle mesure le test “stationnaire” depuis un ballon stratosphérique rend compte de ces deux différences:





  • Différence de densité de l’atmosphère terrestre (pour le coup c’est conservatif concernant la tenue mécanique des parachutes)

  • Départ à vitesse nulle (là pour le coup c’est pas du tout du tout conservatif <img data-src=" />



    Je serai curieux de savoir comment ils compensent ? En adaptant la masse à freiner lors des tests dans l’atmosphère terrestre ? Autrement ?



    Par ailleurs, ce qui doit vraiment les faire flipper pour le coup, c’est de ne pas identifier clairement la cause de ces déchirures (au delà de leur simple présence), et par voie de conséquence de ne pas avoir de solution pour le moment ni de moyen de quantifier le risque de retrouver des déchirures de plus ou moins grande taille lors d’un atterrissage sur Mars.








Lasout a écrit :



La question qu’on se pose de l’extérieur (et à laquelle les ingés de l’ESA ont forcément la réponse) c’est dans quelle mesure le test “stationnaire” depuis un ballon stratosphérique rend compte de ces deux différences:





  • Différence de densité de l’atmosphère terrestre (pour le coup c’est conservatif concernant la tenue mécanique des parachutes)

  • Départ à vitesse nulle (là pour le coup c’est pas du tout du tout conservatif <img data-src=" />



    Je serai curieux de savoir comment ils compensent ? En adaptant la masse à freiner lors des tests dans l’atmosphère terrestre ? Autrement ?



    Par ailleurs, ce qui doit vraiment les faire flipper pour le coup, c’est de ne pas identifier clairement la cause de ces déchirures (au delà de leur simple présence), et par voie de conséquence de ne pas avoir de solution pour le moment ni de moyen de quantifier le risque de retrouver des déchirures de plus ou moins grande taille lors d’un atterrissage sur Mars.





    Le fait que la densité de l’atmosphère terrestre soit plus grande compense une vitesse plus petite par rapport à l’entrée dans l’atmosphère martienne



Oui c’est déjà ce que je dis en listant ces deux points; ce n’est pas ma question.

&nbsp;

Ma question est: dans quelle mesure? Pour une masse donnée et à vitesse nulle, la densité de l’atmosphère terrestre “compense” quelle vitesse à ouverture des parachutes en atmosphère martienne? (en plus, à mon avis la formulation de la question/du problème n’est pas forcément la bonne)



Si ça coïncide pile poil avec la vitesse prévue pour la mission, ça tombe quand même drôlement bien&nbsp;<img data-src=" />



A mon avis ce n’est pas le cas, et d’autres artifices sont mis en place pour prendre cela en compte.


Oui oui bien sûr, je simplifiais. De toute manière le trajet durant environ 6 mois, le départ est forcément en avance et il faut tenir compte de la vitesse orbitale de la terre.