Jungle dans la fibre optique : des plans de remise en état chez Altitude Infra et XpFibre… mais est-ce suffisant ?

« C’est à reprendre partout »
Internet 8 min
Jungle dans la fibre optique : des plans de remise en état chez Altitude Infra et XpFibre… mais est-ce suffisant ?
Crédits : AdrianHancu/iStock

Altitude Infra et XpFibre ont notifié à l’Arcep, régulateur des télécoms, leurs plans pour remettre en état une partie de leurs réseaux, pour un total de 433 000 locaux à eux deux… mais est-ce suffisant ou simplement l’arbre qui cache la forêt ? Éléments de réponse avec Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca qui se montre particulièrement inquiet du cas de XpFibre chez qui « il serait à priori plus simple de dire où il n'y a pas besoin de reprendre ».

L’Arcep explique que, via sa plateforme « J’alerte l’Arcep », elle reçoit régulièrement des alertes d’élus, d’opérateurs et d’utilisateurs sur la qualité des réseaux FFTH : « utilisateurs débranchés au profit d’un nouvel abonné, dégradation des armoires de rue, déconnexions temporaires, difficultés de raccordement… ». Rien de neuf pour qui suit un minimum cette actualité.

Depuis maintenant un peu moins de deux ans, le régulateur a récolté des données sur la « qualité de l’exploitation des réseaux en fibre optique (FTTH) en France ». Il en ressort, selon l’Arcep, « une situation contrastée en fonction des réseaux considérés : un petit nombre de réseaux, représentant environ 2% du parc de lignes en fibre optique et majoritairement situés en Île-de-France, connaissent un taux de panne très supérieur à la moyenne ». Supérieur de combien par rapport à quelle moyenne ? Mystère et boule de gomme. Selon le dernier observatoire de l’Arcep, la France compte 16,3 millions de lignes FTTH, ce qui donnerait donc plus de 300 000 lignes problématiques en se basant sur les 2 %.

Les problèmes ne sont pas nouveaux, on en parle depuis des années, mais la densification des connexions dans les points de mutualisation (PM) – qui vont de pair avec l’augmentation du nombre d’abonnés – ne fait qu’aggraver les choses, et cela pourrait donc encore empirer si rien n’est fait. Fin 2021, l’Arcep sortait enfin du bois avec un plan d’action et montrait enfin les crocs

Fin septembre de cette année, les opérateurs et les représentants de la filière Infrastructures Numériques se sont engagés – auprès du ministre chargé des communications électroniques et du numérique et devant la présidente de l’Arcep – sur quatre points :

  • mise en place d’une labellisation des intervenants et des entreprises validant les compétences des techniciens ;
  • renforcement des contrôles à chaud des interventions grâce à la mise en place de e-intervention  [un outil développé par les opérateurs, ndlr]  et au partage des calendriers hebdomadaires d’intervention des techniciens des opérateurs commerciaux (sur une vingtaine de réseaux d’initiative publique dans un premier temps)
  • mieux contrôler la qualité des raccordements grâce à une trajectoire d’amélioration des compte rendu d’intervention (CRI) photos pour les rendre plus exploitables
  • remise en état des infrastructures dégradées, incluant non seulement une remise en état matérielle du réseau mais également un réalignement des systèmes d’informations des opérateurs avec le terrain

C’est donc le dernier point dont il est question aujourd’hui avec la notification par Altitude Infra et XpFibre de leurs plans de remise en état respectifs… mais est-ce suffisant ? Pas sûr.

Plan de reprise pour 70 PM et 33 000 locaux chez Altitude Infra

Chez Altitude Infra, il est question de « remise en état des PM les plus problématiques d’anciens réseaux Covage repris par Altitude Infra en septembre 2021 afin de "hisser ces réseaux au standard de qualité des réseaux historiques Altitude Infra" ». Pour rappel, il y a maintenant un peu plus d’un an, « 26 réseaux publics et privés dont 18 dédiés aux entreprises et 8 réseaux mixtes » ont été rachetés par Altitude, suite à la vente de Covage à SFR FTTH (Altice, Allianz et Omers), société qui est ensuite devenu XpFibre.

Altitude Infra s’engage ainsi à remettre en état 70 points de mutualisation d’ici mars 2023, notamment dans l’Essonne et le Calvados, ce qui représente environ 33 000 locaux selon l’opérateur. Ce plan d’action cible large et s’aligne évidemment sur les engagements pris devant l’Arcep : « il porte sur la réingénierie et la remise en conformité des points de mutualisation (PM), la remise en état de toutes boîtes intermédiaires et des points de branchement optique (PBO), de l’étiquetage des boîtiers et des câbles ; le remplacement des boîtiers multifonctions par la pose de PBO dédiés au raccordement et le réalignement des informations contenues dans les systèmes d’informations avec la réalité du terrain ».

XpFibre annonce 900 PM pour 400 000 locaux… seulement ?

De son côté, « XpFibre s’engage à remettre en état 900 points de mutualisations principalement en Île-de-France et  dans le Rhône soit 400 000 locaux, d’ici fin 2024 ».

Ce plan s’étale donc sur deux ans, avec l’objectif d’avoir « complètement achevé la remise à niveau sur environ un quart des points de mutualisation » à la fin de l’année prochaine, soit 175 PM « seulement ». L’opérateur d’infrastructure précise que son plan pourrait s’étendre à « d’autres PM qui présenteraient des difficultés d’exploitation ». Il ne donne pas vraiment de détails supplémentaires, si ce n’est qu’une « première liste d’un peu plus d’une centaine de PM a été établie », sans qu’elle ne soit publiée.

Même si le nombre peut sembler important, il nous parait assez faible face aux retours que nous pouvons avoir de la part des collectivités sur le terrain. Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel), « a la même réaction, surtout s’agissant de XpFibre ».

Il serait « plus simple de dire où il n'y a pas besoin de reprendre »

Il nous cite par exemple le cas du département de Seine-et-Marne qui comprend plus de 700 points de mutualisation exploités par XpFibre dans la zone publique uniquement. Même si les « armoires sont bien dimensionnées », il n’empêche « qu’elles sont à reprendre, car elles sont défoncées ». 

Toujours en Seine-et-Marne, Ariel Turpin nous explique que, même en admettant que le mode STOC deviennent parfait du jour au lendemain – il serait illusoire d’avoir la folie de penser une seule seconde que c’est ne serait-ce qu'imaginable –, « il faudrait neuf ans au rythme actuel pour que XpFibre reprenne l’ensemble des prises ».

Pour simplifier, « si on devait faire une carte avec des alertes rouges, orange et vertes, je n’aurais pas beaucoup de territoire en vert pour XpFibre », nous explique Ariel Turpin. Le nombre de départements totalement en « vert » pourrait même se compter sur les doigts d’une seule main… « et encore je reste prudent », ajoute le délégué général. « C’est à reprendre partout […] À la limite, il serait a priori plus simple de dire où il n'y a pas besoin de reprendre », nous glisse-t-il. De plus, « ce n'est plus de la reprise, c'est de la reconstruction ; ils reconstruisent leur réseau pratiquement de A à Z ».

Quoi qu’il en soit, XpFibre détaille lui aussi son plan d’action pour « répondre aux problèmes identifiés sur ses réseaux », en particulier sur les échecs de raccordement et les pannes. Il est question d’un renforcement des procédures, mais aussi de « remise en état physique du PM et de sa zone arrière (Point de branchement optique (PBO), boîtiers intermédiaires, desserte optique PM-PBO…), la mise en cohérence des informations contenues dans les systèmes d’informations avec la réalité du terrain puis la reprise de l’architecture lorsque cela est nécessaire ». Là encore, c’est en ligne avec les engagements pris devant l’Arcep.

L’Arcep reste vigilante, Patrick Chaize pousse sa proposition de loi

Le régulateur des télécoms affirme de son côté qu’il « suivra la mise en œuvre des plans proposés par XpFibre et Altitude Infra, en particulier s’agissant de l’articulation des opérations de remise en état avec les opérateurs commerciaux et du rétablissement du service de tous les abonnés à l’issue des travaux ». Il ajoute que « les travaux des opérateurs pour identifier et remettre en état les points de mutualisation le nécessitant sur tous les réseaux se poursuivent ».

Quoi qu’il en soit, les problèmes sont une réalité, aussi bien du côté des opérateurs que des clients et on aimerait voir l’Arcep plus incisive sur ces sujets, et davantage « réguler ». Patrick Chaize, sénateur et président de l’Avicca, est monté au créneau cet été avec « une proposition de loi avec des mesures coercitives pour faire en sorte qu’on ait des éléments qui soient remontés des opérateurs commerciaux aux opérateurs d’infrastructure ». Il souhaite « obliger la filière à changer radicalement ses pratiques ».

Comme nous l’avons récemment expliqué, cette proposition devrait être examinée au Sénat en janvier ou février 2023, mais il faudra ensuite qu’elle soit programmée à l’Assemblée nationale et qu’elle fasse éventuellement le jeu de la navette parlementaire avant d’être peut être adoptée.

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