Au Conseil d’État (entre autres), le cas ambivalent de Parcoursup

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Droit 6 min
Au Conseil d’État (entre autres), le cas ambivalent de Parcoursup
Crédits : matejmo/iStock

Dans son rapport sur l'IA, le Conseil d’État a dressé un vaste tour d'horizon de la situation en France et formulé des recommandations fortes sur son emploi. si la haute juridiction a été très claire sur de nombreux points, elle l'est moins face à Parcoursup. Suite et fin de notre dossier.

Notre dossier sur le rapport du Conseil d'État sur l'intelligence artificielle :

Le cas Parcoursup

Difficile de parler d’algorithmes et de cas pratiques sans aborder celui de Parcoursup. Le rapport du Conseil d’État ne fait pas l’impasse : le mécanisme est cité à plusieurs reprises dans le long rapport, dont plusieurs pour en souligner l’aspect controversé.

Le rapport note qu’il illustre parfaitement plusieurs points abordés, notamment l’automatisation des tâches répétitives. Car même si le Conseil d’État pointe plus tard dans son rapport le nécessaire travail sur la transparence des algorithmes, élément essentiel dans la chaine de confiance, il note que le cas jette une lumière crue sur les processus menant à l’arrivée d’un ou plusieurs algorithmes.

Parcoursup n’utilise pas d’apprentissage machine, mais un algorithme de type Gale-Shapley dédié à l’appariement, dont l’objectif est de trouver la solution optimale face à la multitude de couples de données étudiant-formation. Un but aussi clair que sensible, qui fait classer Parcoursup dans les SIA à haut risque au vu des enjeux.

En outre, comme le note le Conseil d’État, Parcoursup n’impose en lui-même pas de conditions particulières. Il n’est « responsable ni de l’incapacité matérielle de l’enseignement supérieur à absorber l’augmentation régulière du nombre de néo-bacheliers (+17 % de candidats entre 2018 et 2020), ni des critères de sélection mis en œuvre par les établissements ».

À la place, il salue « l’effort d’explication et de transparence » mené par l’équipe chargée du projet, constituée de 35 équivalents temps-plein, dont 25 se consacrent à la maitrise d’œuvre. Cet effort s’est traduit par la publication des sources du code national, de multiples documents d’informations, des données statistiques, ainsi que des précisions multiples, comme les exigences relatives aux connaissances. En 2019 a été mis en place un comité d’éthique, dont les rapports sont décrits comme « très opérationnels ».

Parcoursup placarderait les problèmes de l'enseignement supérieur

Pourtant, les problèmes ont été nombreux, avec au premier plan un grand flou sur les algorithmes, seul le national étant public. Car si les développements réalisés pour les émanations de l’État sont en quasi-totalité open source, ce n’est pas complètement vrai pour Parcoursup. Le Conseil note que le débat est toujours là, mais n’intervient curieusement pas plus sur la problématique des algorithmes non publics.

Pour le Conseil, Parcoursup mettrait davantage en lumière les propres difficultés de l’enseignement supérieur que les siennes, gommées avec le temps. Des points comme l’inadéquation entre l’offre et la demande, le déficit de transparence ou l’iniquité des critères retenus par les universités ne sont pas de son ressort.

Des problèmes perdurent cependant. Très récemment, l'École supérieure des métiers du commerce et de la vente (IMEA) a eu la surprise de n’avoir que trois étudiants sur les 20 places qu’elle proposait. Pourquoi ? Parce qu’à cause d’un bug, elle n’apparaissait pas dans la liste des écoles disponibles. Pour compenser, elle accepte les inscriptions en alternance jusqu’en décembre.

La rentrée 2022 n’a pas échappé au stress, de nombreux étudiants n’ayant pas trouvé d’écoles ou d’universités, comme le signalait Le Monde le 12 septembre. Au point de faire dire au ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, que même si Parcoursup est là pour rester, il « est perfectible ». Des améliorations ont donc été promises pour 2023, « notamment sur des questions de transparence et d’orientation ». Un signe évident de reconnaissance des difficultés.

Une situation ambivalente

En dépit de la grande clarté des constats et arguments avancés par le Conseil d’État dans son rapport, les propos sur Parcoursup sont à mesurer à l’aune du propre historique de la juridiction face à ce mécanisme.

Le Conseil rappelle par exemple que dans les améliorations intervenues sur Parcoursup, la publication de l’algorithme national figure en bonne place. C’est pourtant ce même Conseil d’État qui s’était prononcé, en 2019, contre la publication des algorithmes locaux, aucune université n’ayant dès lors plus obligation de fournir quoi que ce soit aux étudiants qui en feraient la demande. Ce, malgré les promesses qui étaient alors faites, notamment Mounir Mahjoubi, alors secrétaire d'État au numérique.

Cette partie du code source ouvert est en fait le cure-dent qui cache la forêt : « En dépit des actions de mise en transparence du ministère, le code de Parcoursup reste à 99 % fermé. La partie publiée demeure d’un intérêt limité pour améliorer la performance du dispositif », expliquait la Cour des comptes en 2020. C’est dire l’ampleur du travail qui reste à accomplir, n’en déplaise au Conseil d’État, qui a tenu pourtant à saluer « l’effort d’explication et de transparence ».

En novembre 2021, Amélie de Montchalin (ministre de la Transformation et de la Fonction publiques) présentait un plan d’action pour favoriser les logiciels libres et l’ouverture des codes sources dans le service public. Le cas de Parcoursup n’était pas du tout abordé. Nous avions alors demandé à Antoine Michon (conseiller au cabinet de la ministre) ce qu’il en était pour cet algorithme.

Il n’avait pas eu de réponse à nous apporter durant la conférence, mais avait promis de revenir vers nous pour répondre à notre question. N’ayant aucune nouvelle par la suite, nous avions relancé le cabinet, toujours sans aucune réponse à ce jour. La promesse de l’ouverture du code source de Parcoursup n’est pas nouvelle, Emmanuel Macron en avait fait le souhait en mars 2018. Ce n’était que le début des promesses (non tenues) sur la transparence de Parcoursup.

Les classements opérés par Parcoursup ont des conséquences importantes pour des milliers d’élèves chaque année, mais certains ont du mal à en comprendre les rouages. Selon la Cour des comptes, ils étaient en 2020 près de deux tiers à estimer que « les critères des formations pour classer les candidats devraient être publiés ».

Chaque année, des étudiants avec d’excellents dossiers sont refusés dans certaines grandes écoles, alors que certains de leurs camarades sont acceptés, avec des dossiers scolaires moins bons. Pourquoi ? Faute d’avoir accès à toutes les données et aux critères de sélection, les explications ne restent que des suppositions.

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