Le Conseil d’État encourage l’intelligence artificielle dans les administrations

Princesse bride
Droit 7 min
Le Conseil d’État encourage l’intelligence artificielle dans les administrations
Crédits : Marc Rees

Le Conseil d’État a publié récemment un intéressant rapport sur l’intelligence artificielle et la manière dont elle pourrait insuffler une nouvelle dynamique dans le service public. Le rapport évoque la nécessité d’un langage commun, aussi bien que des objectifs à fixer et de la nécessaire confiance à bâtir.

Le rapport, commandé par le Premier ministre, a été finalisé en mars, mais n’a été publié que le 30 août dernier. D’environ 200 pages (+ 150 pages d’annexes), il aborde de nombreux points capitaux. Pour les personnes suivant de près le sujet et habituées de nos colonnes, il s’agit pour certains de thématiques déjà copieusement abordées, notamment le besoin essentiel de confiance, passant par la nécessaire transparence.

Mais où les précédents rapports insistaient surtout sur le besoin d’un cadre, aussi bien juridique que normatif, celui du Conseil d’État plonge dans les opportunités que représente cette technologie pour le service public.

L’étude veut ainsi « alimenter la réflexion sur les concepts, les usages, les enjeux juridiques et éthiques et, plus largement, les conditions d’un déploiement pertinent et réussi des outils s’y rattachant au sein de la sphère publique ». Par sphère publique, le Conseil entend tout ce qui touche à l’État, aux collectivités territoriales et à l’intégralité des établissements publics, y compris l’éducation et la santé.

Il s'agit d'un premier article de synthèse sur les positions du Conseil d’État, qui encourage vivement l'utilisation de l'IA dans les administrations. Comme on le verra cependant, surtout dans la deuxième partie, les garde-fous et points de vigilance seront nombreux.

Notre dossier sur le rapport du Conseil d'État sur l'intelligence artificielle :

Adopter un langage commun

L’étude met en avant le besoin de parler une seule langue, car l’absence de définition partagée de l’intelligence artificielle, couplée à la charge symbolique de l’expression, entretient une confusion et complique « l’examen rationnel des avantages et inconvénients de ce qui est, d’abord et avant tout, un ensemble d’outils numériques au service de l’humain ». Le Conseil utilise donc abondamment l’expression SIA pour « systèmes d’IA ».

Il  insiste sur cette nécessité de langage commun pour tout ce qui touche à l'IA. Le sigle lui-même est, selon l’étude, utilisé par métonymie pour designer tout programme ou service utilisant au moins une technologie traditionnellement rattachée à cet univers.

Définir l’IA pose encore problème aujourd’hui, surtout avec la construction en cours de plusieurs législations, dont la proposition de règlement de la Commission européenne. Pour cette dernière, un SIA est un logiciel mais, comme le note le Conseil, il peut s’agir d’une composante simple dans un produit complexe, comme un véhicule autonome. Il ne suffit pas de dire non plus qu’une IA est un algorithme ou un ensemble d’algorithmes. Les deux ressources-clés sont en revanche toujours les mêmes : les données et l’infrastructure technique.

Pour le Conseil, l’IA est avant tout une discipline et un champ de recherche aux débouchés multiples, faisant de l’intelligence artificielle une notion qui évolue dans le temps.

De l’IA théorique à son utilisation pratique

La haute juridiction souligne dans son rapport que l’intelligence artificielle, même si elle est regardée de loin par le service public en général, n’y est pas totalement étrangère non plus. Car même si elle ne sert que dans quelques cas, les premiers résultats restent encourageants, selon le Conseil d’État.

Le moteur de recherche de Pôle Emploi en utilise un peu par exemple, avec une efficacité constatée, puisqu’elle a notamment permis de diminuer les requêtes directes envoyées par les personnes concernées aux conseillers. On trouve également des outils développés pour anonymiser les décisions de justice, basés sur des algorithmes de traitement du langage naturel et accélérant donc la mise à disposition au public. Etalab a d’ailleurs développé un tel outil pour le Conseil d’État, et la Cour de cassation s’est créé le sien, sur le même principe.

Les algorithmes sont particulièrement attendus – et utilisés – dans tout ce qui ressemble de près ou de loin à une tâche répétitive. Son impact peut être immense et il n’est pas étonnant que tous les cas envisagés soient d’abord liés à ce type d’opération. Des chatbots et des voicebots (agents conversationnels et vocaux) ont été mis en place dans plusieurs administrations pour consacrer moins de ressources humaines à l’orientation du public vers les bons services, par exemple.

Le Conseil d’État note un développement déjà bien ancré pour ce type d’outils. On les trouve nombreux dans la plupart des institutions et établissements liés à l’État. C’est par exemple à la DGFIP pour les contribuables, ou dans les organismes de sécurité sociale (CNAC, CNAV et URSSAF). Comme précisé par la haute juridiction, il s’agit dans la plupart des cas de produits clé en main, personnalisés ensuite par une base de connaissance métier, puis enrichis au fur et à mesure des interactions avec les usagers.

De manière générale, tout ce qui touche à la notion de tri subit actuellement une transformation par l’IA, par exemple l’orientation des courriers et emails à la Caisse des dépôts et consignations.

Balbutiements et potentiel

On pouvait s’en douter, mais le rapport le confirme à plusieurs reprises : on est bien loin de réaliser le plein potentiel des algorithmes. Non pas qu’il faille en installer partout – la juridiction ne va clairement pas dans ce sens. Mais il y a constat simple : si l’on se contente des quelques thématiques abordées précédemment et où l’IA peut briller, alors l’immense majorité des services de l’État sont toujours en attente d’un coup de pouce algorithmiques.

Le rapport aborde plusieurs cas potentiels, notamment dans les politiques de ressources humaines dans les administrations, par exemple l’automatisation des conseils aux agents publics : questions sur la carrière, les avantages sociaux, les formations, ou encore les droits et obligations. Le Conseil d’État note ainsi que des initiatives naissent un peu partout à l’étranger, par exemple pour lier des robots aux procédures de recrutement dans la fonction publique.

En France, il n’y a pour l’instant que quelques rares projets, comme au rectorat de Versailles, qui planche sur un SIA de personnalisations des offres de formation (financé par la BPI), ou au sein de la gendarmerie nationale et des douanes. Ces dernières travaillent sur plusieurs outils, certains dévolus à la fluidification des contrôles, d’autres en lien avec les ressources humaines, comme un simulateur de mutation et un chatbot.

L’IA peut également jouer un grand rôle dans la simplification de l’accès aux ressources. L’un des plus gros projets dans ce domaine, démarré il y a plusieurs années, est la grande numérisation du Code du travail. Ses objectifs ont été définis par l’ordonnance n° 2017-1387 sur la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Elle dispose que ce travail vise, « en réponse à une demande d'un employeur ou d'un salarié sur sa situation juridique, l'accès aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu'aux stipulations conventionnelles, en particulier de branche, d'entreprise et d'établissement, sous réserve de leur publication, qui lui sont applicables ». Ce Code du travail numérique est sorti de bêta en janvier 2020, mais est constamment enrichi.

Sorti de cet exemple, les quelques autres sont des projets en développement, plus proches pour l’instant d’expérimentations que de versions en cours de finalisation. Le site service-public.fr travaille ainsi sur une traduction et surtout une vocalisation de ses fiches techniques dans plusieurs langues étrangères.

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