Le ministère du Travail a officiellement lancé le « Code du travail numérique », prévu par les « ordonnances Pénicaud » de 2017. Cet outil open source est censé répondre – de manière individualisée – aux principales questions que se posent salariés et employeurs.
« Pour faire valoir ses droits ou respecter ses obligations, encore faut-il les connaître » a reconnu la ministre du Travail, jeudi 16 janvier, lors de l’inauguration de « code.travail.gouv.fr ». Muriel Pénicaud a ainsi vanté les mérites du « Code du travail numérique », lequel ambitionne de « faciliter la connaissance du droit du travail, en répondant de façon claire et précise aux questions des salariés et des employeurs sur le sujet ».
Ce nouvel outil, qui était testé depuis des mois en version bêta, n’est pas réservé aux personnes qui travaillent par l’entremise de célèbres plateformes (Uber, Deliveroo, etc.). Bien au contraire, puisqu’il s’adresse avant tout aux employeurs et salariés des TPE et PME, qui ne disposent pas toujours de services juridiques.
Si ce Code du travail numérique reprend de nombreux textes et articles d’ores et déjà publiés sur Légifrance ou le site « service.public-fr », il tente de s’adapter à chaque situation en proposant des réponses individualisées, notamment au regard des conventions applicables. Le service offre en outre différents outils, tels que des simulateurs (d’indemnités de licenciement, de durée de préavis, etc.).
Des réponses personnalisées couvrant 78 % des salariés
Aux termes de l’ordonnance « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail », le « Code du travail numérique » devait voir le jour le 1er janvier 2020 au plus tard. L’objectif fixé par le législateur : « Permet[tre], en réponse à une demande d'un employeur ou d'un salarié sur sa situation juridique, l'accès aux dispositions législatives et réglementaires ainsi qu'aux stipulations conventionnelles, en particulier de branche, d'entreprise et d'établissement, sous réserve de leur publication, qui lui sont applicables ».
En cas de litige, poursuit l’ordonnance, l’employeur ou le salarié qui se prévaut des informations obtenues au moyen du Code du travail numérique est « présumé de bonne foi ».
Autrement dit, l’utilisateur est non seulement censé avoir une information personnalisée, mais en plus, cette information peut être considérée comme « fiable » – et devenir en quelque sorte opposable à l'administration – comme l’avait expliqué Muriel Pénicaud, lors des débats parlementaires de 2017 :
« Il s’agit de compléter l’existant, et non de le remplacer, par un accès par voie numérique, pour tous ceux qui le souhaitent (...) au droit du travail, pas simplement le droit du travail en bloc dans un « grand PDF Dalloz » mais sur des questions précises. Une vision interactive permettrait un a priori sécurisant pour l’entreprise. (...) Lorsqu’elles seront face à l’administration, les petites entreprises bénéficieront d’une sorte de certification de bonne foi. L’administration fera preuve de bienveillance à leur égard. Bien sûr, cela ne vaut pas interprétation du droit mais cela fait partie du « droit à l’erreur », c’est-à-dire de cette démarche de présomption de bonne foi, surtout s’il y a une information de l’administration. »
Bien plus qu'une simple version numérique du Code du travail
Trois ans plus tard, le Code du travail numérique permet d’accéder à quatre types d’informations :
- 2 500 réponses personnalisées, correspondant aux 50 questions les plus fréquentes, « déclinées pour les 50 branches professionnelles les plus importantes »
- « Les 11 000 articles du Code du travail et 30 000 textes conventionnels »
- Des simulateurs : salaire net/brut, indemnités de licenciement, durée du préavis de démission, indemnités de précarité, etc.
- Des modèles de documents : rupture de période d’essai, réclamation de congés payés, relevé d’heures supplémentaires, etc.
En pratique, l’outil ne s’adresse cependant pas à tous les travailleurs. Rien n’est prévu pour les fonctionnaires ou les indépendants, par exemple. Et bien que l’outil se veuille exhaustif, il n’intègre « que » les 50 premières conventions collectives de France, « couvrant 78 % des salariés ».
Il n’empêche que ce Code du travail numérique constitue une mine d’informations plus qu’intéressante pour les employeurs et salariés concernés, qui peuvent ainsi profiter de renseignements adaptés à leur situation, sans pour autant avoir à solliciter l’inspection du travail.
Et ce d’autant qu’il a été développé « en lien étroit avec les utilisateurs (employeurs et salariés) et les praticiens du droit du travail (services du ministère du Travail en région, conseillers du salarié, maisons d’accès au droit, professeurs en droit du travail...) », souligne l’exécutif.
Les personnes n’ayant pu obtenir de réponse à leur question sont quant à elles renvoyées vers leur Direccte (Direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), via un numéro de téléphone.
Le ministère du Travail précise que le Code du travail numérique repose « sur les technologies de l’intelligence artificielle et du machine learning », afin de comprendre au mieux la question posée (et y apporter la réponse la plus adaptée).
« Deux outils principaux guident le salarié ou l’employeur dans sa recherche :
- Un “ suggesteur ” propose, lors de la saisie de la question, des requêtes similaires ou proches
- Un moteur de recherche sémantique qui, grâce à des modèles de traitement automatique du langage, propose, parmi les ressources indéxées, les contenus les plus pertinents par rapport à l'intention de la question. »
Comme la plupart des outils développés par le biais d’une « start-up d’État » (voir notre article), le code source du Code du travail numérique est libre. Le projet a notamment bénéficié d'une aide de 1,9 millions d’euros dans le cadre du Fonds de transformation de l’action publique, souligne le ministère du Travail.
Bien qu’il soit officiellement sorti de sa « phase bêta », le Code du travail numérique devrait être progressivement enrichi « de nouveaux contenus et de nouvelles fonctionnalités », au fil notamment des retours utilisateurs.