Le plan de fermeture du réseau cuivre d’Orange inquiète les acteurs du secteur. Certains ont peur qu’Orange n’en fasse qu'à sa tête, d’autres estiment qu’il n’est pas assez ambitieux, qu’il fait fausse route sur certains points, etc. Il s’agit dans tous les cas d’un enjeu majeur pour la décennie à venir, aussi bien pour les opérateurs que leurs clients.
Au début de l’année, Orange notifiait à l’Arcep son plan de fermeture du réseau cuivre. Il faisait suite à un décret de l’Autorité de décembre 2020 qui fixait « les conditions devant être respectées par Orange avant de procéder à la fermeture ». Une consultation publique a été lancée dans la foulée.
Comme prévu, les retours des différentes parties ont été publiés (fichier .zip), parfois caviardés de certains passages au nom du secret des affaires. Certains font part de leurs inquiétudes et tirent à boulet rouge sur Orange, quand d’autres demandent une communication claire et neutre auprès des utilisateurs. Orange a apporté des éléments de réponses dans ce document.
Pour Iliad il s’agit « d’organiser l’inéluctable »
Dans un document de cinq pages, Iliad veut remettre l’église au centre du village : « la disparition du réseau de cuivre est inéluctable à l’horizon de la décennie. Ce n’est pas l’existence d’un plan de fermeture du cuivre qui provoque sa disparition, mais son obsolescence intrinsèque et son remplacement par le réseau FttH. Le plan de fermeture du cuivre proposé par Orange vise seulement à organiser l’inéluctable ».
La maison mère de Free en profite pour demander deux mesures à l’État : « La mise en place d’un service universel haut débit, par exemple à 10 Mb/s, garantissant que, quoi qu’il se passe, chaque ménage disposera d’un service Internet minimum permettant le télétravail et le télé-enseignement » et « maximiser le taux de raccordement effectif au FttH à terme ».
Iliad regrette que « le plan présenté par Orange n’a ni pour objet ni pour effet d’accélérer la migration vers la fibre optique ».
Orange n’en ferait qu’à sa tête
Iliad se montre particulièrement sceptique quant à l’oreille supposée attentive d’Orange : « En pratique […] Orange décide, puis éventuellement concerte, et in fine Orange reste seule décisionnaire ». L’opérateur ajoute avoir déjà « expérimenté la substance de cette gouvernance » lors d’une précédente consultation sur la définition des zones d’extinction pour des expérimentations d’extinction du cuivre.
« Nous avons indiqué qu’une grande partie des communes choisies par Orange n’étaient pas complètement éligibles à la fibre et proposé de retenir plutôt des communes intégralement fibrées. Nous en avons proposé plusieurs centaines. Orange n’en a retenu aucune et n’a pas modifié sa liste initiale », affirme Iliad.
Altitude aussi fait part de ses inquiétudes sur ce sujet : « Dans son plan, Orange se présente comme le chef d’orchestre d’un chantier industriel dont l’ensemble des autres opérateurs ne seraient que les exécutants ». L’opérateur d’infrastructure rappelle « que le chantier n’est pas seulement celui d’une fermeture du cuivre mais aussi celui d’une transition vers la fibre comme infrastructure fixe de référence ».
Cédric O avait pour rappel annoncé que le gouvernement avait l’intention de faire de la fibre un service universel d’ici 2025. Il s’agirait alors d’un « bien vital auquel tout le monde aurait accès », de la même manière que le téléphone, l’eau, le gaz et l’électricité. Plusieurs scénarios sont en piste pour le moment, comme nous le détaillait Philippe Le Grand, le nouveau président d’InfraNum, la Fédération des Entreprises Partenaires des Territoires Connectés.
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Pour Altitude, Orange ne doit donc « pas se cantonner au rôle de pilote sans prendre à l’égard de l’écosystème des engagements de nature à garantir la trajectoire de fermeture arrêtée, d’autre part, les opérateurs d’infrastructure et, dans les RIP, leurs délégants doivent pouvoir jouer un rôle actif dans la détermination de la trajectoire de fermeture ».
La question de la communication
Iliad en appelle aux pouvoirs publics et fait un parallèle avec le passage à la TNT : « la puissance publique ne peut laisser Orange et le cas échéant la FFT piloter et communiquer seule autour de l’extinction du réseau support du service universel depuis plus de 50 ans. Le passage à la TNT a fait l’objet d’une communication intensive des pouvoirs publics, afin de garantir son succès. Les pouvoirs publics doivent mettre en place un dispositif similaire pour l’extinction du réseau cuivre ».
Altitude de son côté « s’inquiète de l’absence de réelle stratégie de communication envisagée par Orange » et « estime qu’il est nécessaire de constituer une entité chargée de la promotion et de communication de la transition vers le réseau fibre ».
Bouygues Telecom y va aussi de sa recommandation sur le sujet : « cette fermeture technique devra nécessairement s’accompagner d’une communication "estampillée" de l’État. Cette communication devra également être déclinée au niveau local, en s’appuyant sur les élus et les opérateurs commerciaux ».
Dans sa réponse à cette consultation, Orange rappelle qu’un kit de communication est disponible chez la FFTélécoms. La société rappelle aux opérateurs commerciaux qu’ils ont « un rôle de premier plan à jouer en matière de communication » vers leurs clients. Elle ajoute néanmoins qu’il « sera utile de disposer d’une communication neutre, pédagogique, pour que la population connaisse ce projet et comprenne le rôle qu’elle doit jouer ».
Complétude du plan France THD et hausse de prix
L’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt) soulève la question de la complétude du plan France THD avec des objectifs à l’horizon 2025 (un engagement du gouvernement) et 2030 pour l’extinction complète du cuivre par Orange.
Patrick Chaize (sénateur et président de l’Avicca) s’était déjà prononcé sur le sujet : « Ne soyons pas plus bêtes que la moyenne : évidemment qu’on sait que le 100 % on ne l’atteindra jamais, mais on ne l’atteint avec aucun réseau ». Même son de cloche chez Philippe Le Grand, le président d’InfraNum : « 100 % FTTH en 2025 on n’y arrivera pas puisqu’on n’a pas déjà du 100 % cuivre ».
L’Afutt pointe également du doigt un point que nous avions déjà évoqué, mais qui passe souvent sous les radars : « En termes d’abonnement, passer de l’ADSL au FttH correspond actuellement à une augmentation de 5 à 10 euros par mois, après l’année de réduction commerciale, généralement pratiquée ».
Le plan actuel prévoit d’augmenter le tarif de l’ADSL pour pousser les utilisateurs à passer à la fibre. Pour l’Association, « payer plus pour un service dégradé serait extrêmement coercitif, et disproportionné par rapport au but à atteindre, dès lors que la tendance du marché penche naturellement à y pourvoir. L’AFUTT demande l’annulation de cette mesure ».
D’autres sont eux aussi sceptiques, notamment Iliad pour ne citer que lui : « Nous ne sommes pas favorables à la mise en œuvre de la clause de révision tarifaire de l’accès à la boucle locale cuivre au regard du programme de fermeture présenté par Orange ».
Un plan qui « n’est pas ambitieux »
Plusieurs opérateurs s’inquiètent des suites à venir, dont voici un petit florilège. Pour SFR, le document mis en consultation « ne répond pas à [ses] attentes : il ne fait que dresser des grands principes sans apporter toute la transparence nécessaire à un projet industriel de cette envergure ».
« Le plan de fermeture du cuivre proposé par Orange n’est pas ambitieux, est très insuffisant pour répondre aux enjeux de l’intérêt commun de fermeture du réseau cuivre et méconnaît les objectifs de la régulation sectorielle », regrette Bouygues Telecom. Ce dernier « s’inquiète de la légèreté qui se dégage du plan d’Orange laissant craindre que la fermeture du réseau cuivre soit in fine sans pilotage ».
Enfin, Altitude « déplore qu’Orange élude dans son plan toutes les questions sous-jacentes à la dépose du cuivre ». Dans la réponse à la consultation il n’y a pas plus de détails sur la manière dont sera gérée cette question.
Orange précise enfin que son plan et sa réponse seront complétés par des cahiers thématiques, qui seront des « documents opérationnels de mise en œuvre du plan de fermeture du réseau cuivre ». Une dizaine sont pour le moment prévu, mais cela pourra évidemment changer suivant les besoins.
