La cour d'appel de Paris confirme le premier jugement qui, en octobre, avait débouté les associations e-Enfance et La voix de l'enfant de leurs demandes de blocage, par les FAI, de l'accès aux neuf sites pornographiques qu'elles avaient dans le viseur, faute de les avoir assignés directement en justice.
La cour d'appel de Paris reproche aux deux associations, « déjà déboutées en octobre de leurs demandes », rappelle l'AFP, de n'avoir « pas agi, ni tenté d'agir » contre les neuf sites visés, alors même que leurs éditeurs sont facilement identifiables et communiquent une adresse située dans l'Union européenne.
Leurs coordonnées figurent d'ailleurs dans le jugement, que nous nous sommes procurés et que vous pourrez télécharger en bas de cet article.
Le jugement rappelle en effet qu' « il est désormais de jurisprudence constante qu’en application du principe de subsidiarité, fondé sur des motifs d’efficacité et de proportionnalité, les requérants à une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet doivent établir l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux » :
« Ainsi, s’il n’est pas exigé des requérantes qu’elles mettent dans la cause les hébergeurs, éditeurs et auteurs de contenus, il leur appartient à tout le moins d’établir qu’ils ne peuvent agir contre ces derniers de manière efficace et rapide, en sorte que la seule mesure possible est une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet. »
Les plaignantes n'avaient pas non plus ciblé les hébergeurs
Or, poursuit l'arrêt, « il est pourtant ici constant que les associations appelantes n’ont pas agi, ni tenté d’agir, contre les auteurs, éditeurs ou hébergeurs des contenus en cause, ni ne démontrent l’impossibilité d’agir ».
Et ce, alors même que « les sites en question mentionnent tous bien des informations relatives aux sociétés éditrices des sites incriminés, permettant ainsi d’envisager à tout le moins une action contre ces derniers avant toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès ».
« De même, avant même toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès, une action aurait également été possible devant les hébergeurs, identifiables [...] par une requête “Whois” », précise le jugement :
« les hébergeurs sont ainsi identifiés comme étant les sociétés Reflected Network pour les sites pornhub ou youporn, OVH (société française) pour le site mrsexe ou encore Server Stack pour xnxx, xvideos ou redtube, aucun élément n’étant soulevé par les appelantes sur l’impossibilité d’agir contre ces personnes. »
Pour la cour d'appel, « c’est donc à juste titre que le premier juge a estimé que les associations appelantes étaient irrecevables en leur action, [...] faute de démontrer l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux ».
Les FAI ne sont pas responsables du trouble constaté
Elle juge au surplus que « les fournisseurs d’accès à internet ne sont pas responsables du trouble ici constaté » et que, « faute d’avoir attrait ou d’avoir tenté d’attraire les responsables des contenus dans la procédure, pourtant identifiables, ainsi qu’il a déjà été rappelé ci-avant, ni même de justifier de l’impossibilité d’agir contre eux, les associations appelantes ne permettent pas au juge des référés de vérifier que le blocage des sites est la seule mesure possible » :
« alors que les propriétaires ou éditrices des contenus n’ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations, de prendre les éventuelles mesures correctives ou de proposer des solutions alternatives, ni même de présenter les conditions de fonctionnement de leurs sites s’agissant de l’accès des mineurs. »
La saga du blocage des sites pornographiques est cela dit loin d'être finie. L’Arcom avait en effet lancé fin décembre une salve de mises en demeure, et annoncé le 8 mars dernier avoir saisi la justice pour demander le blocage des sites Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos et Xnxx.
L'AFP rappelle qu'une audience est prévue à ce sujet le 24 mai à Paris, mais également que deux autres sites, YouPorn et Redtube ont eux aussi été mis en demeure en avril par l’Arcom afin, là encore, d’en empêcher l'accès aux mineurs.
Retrouvez les principaux épisodes précédents de cette saga judiciaire :
- Blocage des sites pornos en France : notre compte rendu d’audience
- Blocage des sites pornos : échec devant le juge des référés, la balle dans le camp du CSA
- En appel, le parquet veut que les FAI vérifient l’âge à l’entrée des sites pornos
- Ce que contient l'assignation ARCOM pour bloquer cinq des principaux sites pornos
- L’ARCOM exige un contrôle d’âge sur YouPorn et RedTube, menacés de blocage