La masse des neutrinos est inférieure à 0,8 eV (ne paniquez pas, on vous explique)

Ne rien détecter est déjà un résultat

La masse des neutrinos est inférieure à 0,8 eV (ne paniquez pas, on vous explique)

La masse des neutrinos est inférieure à 0,8 eV (ne paniquez pas, on vous explique)

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À défaut d’avoir pu mesurer la masse des neutrinos, l’expérience KATRIN a pu fixer une nouvelle limite haute : 0,8 eV. Pour le CEA, « l’identification de cette nouvelle limite […] revêt un intérêt fondamental tant dans le domaine de la physique des particules qu’en cosmologie ». On vous explique pourquoi.

Dans l’observation de notre Univers, les neutrinos sont un des quatre messagers de l’astrophysique. Ce sont des particules élémentaires intéressantes, car elles sont neutres (non chargées) et n’interagissent donc que très peu avec leur environnement. Elles ont néanmoins l’inconvénient d’être très difficilement observables.

Neutrinos : abondants et insaisissables

Côté physique, les neutrinos sont les plus mystérieuses de « toutes les particules élémentaires qui constituent la matière ». Leur existence a été prédite en 1930 puis confirmée en 1956. « Bien des questions les concernant demeurent encore aujourd’hui, dont les réponses promettent de révolutionner nos connaissances sur la matière et l’Univers », expliquait fin 2018 le CNRS.

Ils sont produits au cœur des étoiles lors des réactions de fusion nucléaire, ou dans l’atmosphère sous l’effet de la collision des rayons cosmiques ; les neutrinos sont tout à la fois très abondants et très discrets : « ils interagissent si peu avec la matière qu’ils traversent tout sur leur passage ». Ainsi, des milliards d’entre eux « nous traversent toutes les secondes sans produire le moindre effet, et seul un neutrino sur dix milliards traversant la Terre parvient à interagir avec un atome ».

Une masse ? Quelle masse ?

Un autre sujet de questionnement est leur masse… pour peu que les neutrinos en aient une ! Comme le rappelle le CNRS, « entre 1998 et 2001, les physiciens ont en effet découvert que les trois espèces de neutrinos connues se transforment les unes dans les autres. On dit que les neutrinos oscillent. Une découverte totalement inattendue et qui, selon les théoriciens, signifie que les neutrinos ont une masse ».

Rien d’exceptionnel d’avoir une masse me direz-vous ! Eh bien non dans le cas présent, car « d’après l’actuel modèle standard de la physique des particules, la masse des neutrinos est censée être nulle ». Quelque chose d’important semble donc nous échapper, reconnait le CNRS. Comme à chaque fois en pareille situation, les scientifiques creusent le sujet à la recherche de réponses… depuis des décennies maintenant.

« Aucune trace de la masse d'un neutrino n'a pu être décelée »

Une équipe de chercheurs, dont certains du CEA, viennent de publier un article dans Nature Physics, dont les conclusions sont sans équivoque : « à ce jour, aucune trace de la masse d'un neutrino n'a pu être décelée dans les données recueillies par l’expérience internationale KATRIN ». La question que vous vous posez certainement est : « en quoi ne rien trouver est-il si intéressant ? » 

Il faut bien comprendre que ces résultats ne signifient pas que les neutrinos n’ont pas de masse, simplement qu’elle n’a pas pu être détectée par l’instrument ; et cela fait toute la différence. En effet, comme chaque instrument scientifique, il possède un niveau de précision, c’est-à-dire une valeur en deçà de laquelle la mesure n’est pas possible.

Dans le cas de KATRIN, la limite est de 0,8 eV. « Cette valeur devient donc la nouvelle limite supérieure de la masse du neutrino. Et c'est la toute première fois qu'une expérience établit cette limite sous le seuil de l’électronvolt en laboratoire », se réjouit le CEA.

Une masse en électronvolt ? 

Prenons deux minutes pour nous poser. Une masse… en électronvolt ? Oui, la physique des particules peut être farfelue, car « une unité d'énergie est souvent utilisée » pour parler de masse (entre autres, nous y reviendrons). Pour le côté pratique, le Larousse rappelle que l’électronvolt (eV) correspond à « l'énergie cinétique acquise par un électron qui passe par une différence de potentiel de 1 volt dans le vide ». 

En pratique, 1 eV vaut environ 1,6x 10⁻19 joule. Pour arriver à ce résultat, on utilise alors la fameuse égalité E=mc² qui met en relation l’énergie, la masse et la vitesse de la lumière (qui est une constante). Si on remplace l’énergie E par la valeur précédente en joule, on arrive donc une valeur de 1,8x 10⁻36 kg pour 1 eV (le calcul n’a pas grande importance, retenez simplement qu’il existe une relation directe entre la masse et l’énergie en eV).

Ce n’est d’ailleurs pas la seule unité que l’électronvolt peut remplacer. Sur Wikipédia vous pouvez trouver les formules et les explications pour remplacer la température, le temps et la longueur par l’eV. Cette unité ne fait pas partie du système international d'unités, mais elle est compatible avec ce dernier.

À la recherche d’une clé pour une nouvelle physique

Revenons à nos neutrinos. Si les scientifiques savent « depuis 1998 qu‘[ils] possèdent une masse, celle-ci reste inexpliquée » en plus d’être inconnue. Sa détermination « pourrait donc être un élément clé d’une nouvelle physique, au-delà du modèle standard utilisé par les physiciens depuis les années 1970 ». C’est donc en quelque sorte une des nombreuses pistes qui pourraient mener au Graal d’une physique du tout.

Pour tenter de mesurer la masse du neutrino, les chercheurs utilisent la désintégration bêta du tritium et observent la distribution d'énergie des électrons libérés lors de ce processus (on vous fait grâce des détails, il faut croire les scientifiques sur parole). « Cette mesure de précision nécessite un effort technologique considérable : l'expérience abrite la source de tritium la plus intense au monde pour la recherche fondamentale et un spectromètre géant capable de mesurer l'énergie des électrons de désintégration avec une précision sans précédent ».

KATRIN

Malgré tout, la masse n’a pas été identifiée ; elle est donc inférieure au niveau de précision. Trois analyses indépendantes – dont une menée par le CEA – sont arrivées à la conclusion qu’elle était de 0,8 eV. Comme avec le principe d’équivalence de la chute libre, les instruments vont s’améliorer pour affiner encore les mesures.

La précision de KATRIN va s’améliorer jusqu’en 2024

La masse du neutrino pourrait en effet être comprise entre 0,79 et 0,000…001 eV, sans que KATRIN ne puisse donner un résultat. Dans le premier cas, l’instrument pourrait néanmoins se révéler utile par la suite, mais pas dans le second.

Le CEA ajoute en effet que « les mesures de la masse des neutrinos vont se poursuivre jusqu'à la fin de 2024, afin d'augmenter la quantité de données, et de mettre en œuvre des améliorations pour atténuer davantage le bruit de fond ». Plus de précision et donc une limite haute abaissée, qui devrait alors être de 0,2 eV… mais rien ne dit que la masse du neutrino est supérieure à cela.

La suite est déjà tracée : « TRISTAN, un nouveau système de détection sur lequel a travaillé le CEA, permettra à KATRIN de se lancer à partir de 2025 dans la recherche de neutrinos "stériles" lourds. Ces particules hypothétiques, nommées ainsi, car elles interagissent encore moins avec la matière "ordinaire" que les neutrinos pesés par KATRIN et sont plus massives (de l’ordre du keV), seraient de bons candidats pour constituer la matière noire ». Bref, encore un mystère qui débouche sur un autre.

Commentaires (22)


c’est pas faux



chafardon a dit:


c’est pas faux




Il dit qu’il a rien compris.



(ne paniquez pas, on vous explique)




Qui a besoin qu’on lui explique une unité aussi triviale, franchement ?


Mais plus sérieusement vous auriez pu donner une masse de qqch de connu, pour comparer.
Par exemple l’electron c’est 511 keV (en fait des keV/c²), le neutron 940 MeV


Et donc le neutrino a une masse inférieure à 0.0008 keV/c².



Si j’ai pas faux :reflechis:


Oui pour la question de masse, les physiciens utilisent par abus de langage l’électronvolt, le keV, le MeV ou au-delà mais pour être correct (au niveau de la dimensionnalité des unités), il s’agit toujours de eV/c² (keV/c², Mev/c², etc.)


C’est agaçant ces physiciens qui mélangent les unités eV -> ce sont des énergies, pas des masses.
C’est comme en micro-électronique les raccourcis entre potentiels et eV… et après, nombreux sont ceux qui se plantent quand il s’agit de faire un simple calcul. On ne mélange pas les carottes et les poireaux.



Donc du coup, cette limite d’énergie de 0.8eV donne quelle limite de masse détectable ?



EDIT : OK, c’est indiqué, merci NI de son sérieux ;)



DayWalker a dit:



Donc du coup, cette limite d’énergie de 0.8eV donne quelle limite de masse détectable ?




Dans l’article :




on arrive donc une valeur de 1,8x 10⁻36 kg pour 1 eV




Drepanocytose a dit:


Mais plus sérieusement vous auriez pu donner une masse de qqch de connu, pour comparer. Par exemple l’electron c’est 511 keV (en fait des keV/c²), le neutron 940 MeV




ou le fameux boson de Higgs à 125 GeV/c². Pour le dire autrement, la particule la plus légère, hormis le neutrino, c’est l’électron. Et comme indiqué précédemment, sa masse est de 511 keV/c² soit plusieurs ordre de grandeur au-dessus du neutrino.


Et le poids du photon ?



RFN a dit:


Et le poids du photon ?




0 par définition. Même si certaines équipes essaient de le vérifier expérimentalement. Pour le moment, cette recherche donne une masse inférieure à 1e-18 eV/c².


Tout ça ne nous dit pas, sur le coq, où se trouve la bite ?



Nan, merci pour l’article super costaud, qui dépasse de quelques unités de masse, (des grosses !) le niveau de la vanne pompée à M. Astier …



DayWalker a dit:


…On ne mélange pas les carottes et les poireaux….




Si, pour faire des salades… :fumer:



AncalagonTotof a dit:


Tout ça ne nous dit pas, sur le coq, où se trouve la bite ?




Il l’a perdu (présent chez le foetus, disparaît ensuite), il ne reste qu’un cloaque :chinois:


Il ne me reste plus qu’à mettre ma tête dans un micro onde …


La confirmation en 1956, c’est bien par le calcul ? Parce que les premières détections ont été réalisés dans les cuves sous la montagne (c’est le seigneur des anneaux) dans les années 80 (parce qu’il y avait de la bonne musique et que ça les neutrinos ils adorent la good vibe). Est-ce que m<0.8eV suffira pour la matière noire, même si le nombre est colossale. L’autre nom de la matière noire est WIMP Weakly Interactive MASSIVE Particule, mais quelle masse ?
Pour le coq, des généticiens ont modifié le génome du poussin en prenant modèle sur le canard et comme le canard il a gardé un massif gourdin, mais interagissait peu, comme un wimp. Autre piste de recherche pour certain.


En 1956, il s’agit bien de la preuve expérimentale de la détection d’un antineutrino. C’est connue comme l’expérience de Cowan et Reines. C’est pas une détection directe de l’antineutrino mais plutôt des produits issues de la réaction d’un antineutrino avec un proton.



pamputt a dit:


0 par définition. Même si certaines équipes essaient de le vérifier expérimentalement. Pour le moment, cette recherche donne une masse inférieure à 1e-18 eV/c².




Si le photon a une masse nulle, comment peut-il être piéger par un trou noir ? Comment peut-on avoir une lentille gravitationnelle ?


La particule elle-même a une masse nulle, mais l’énergie véhiculée par le photon non. Cf. la fameuse formule d’Einstein E=mc2.


Il ne faut pas oublier que la gravitation est (d’après la relativité générale) une courbure de l’espace-temps et pas une attraction en fonction de la masse de l’objet attiré.



Une preuve (un indice en tout cas) est que deux objets de masses différentes sont « attirés » de la même façon par un même attracteur.
Il est donc logique qu’un objet de masse nul soit lui aussi attiré de la même façon.



PS : et ça explique pourquoi la « masse » de pesanteur et la masse inertielle sont apparemment identiques, c’est que la force de pesanteur n’existe pas (c’est en fait une accélération due à la déformation de l’espace-temps), mais si on écrit l’attraction due à la gravitation comme une force de pesanteur ça fait logiquement apparaître la masse inertielle comme une pseudo masse de pesanteur.



PPS : et c’est pour ça que l’on réalise des expériences comme celle-ci, pour vérifier (ou infirmer, si la relativité générale est fausse/incomplète) cette égalité.



Mihashi a dit:



PS : et ça explique pourquoi la « masse » de pesanteur et la masse inertielle sont apparemment identiques, c’est que la force de pesanteur n’existe pas (c’est en fait une accélération due à la déformation de l’espace-temps), mais si on écrit l’attraction due à la gravitation comme une force de pesanteur ça fait logiquement apparaître la masse inertielle comme une pseudo masse de pesanteur.




C’est plutôt qu’il est parfois usuel (pour ne pas dire historiquement courant) de se mettre d’accord sur une valeur d’accélération fixe.



(reply:1931994:Idiogène)




Non, aucun rapport, ça ne dépend pas des unités utilisées.


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