Blade (Shadow) est dans une situation financière difficile, dans l'attente d'un repreneur

De gros changements à venir
Blade (Shadow) est dans une situation financière difficile, dans l'attente d'un repreneur

Après plusieurs années sous les feux des projecteurs, les temps sont durs pour les projets de Cloud Gaming. Stadia vient de fermer son studio, le patron d'Amazon Luna a quitté l'entreprise et selon nos informations, Blade est à court de cash. La piste envisagée est celle de l'annonce rapide d'un repreneur.

Fin 2019, Blade lançait en grandes pompes la « nouvelle offre » de son service de cloud gaming Shadow avec GeForce RTX et nouveaux processeurs Xeon à la clé. Même Cédric O était là. Mais après quelques mois de bêta et des débuts pleins d'empressement, on apprenait que la sortie attendue pour janvier 2020 n'aurait pas lieu.

2020, entre succès et grosses galères

Le nouveau patron de l'entreprise, Jérôme Arnaud, annonçait alors que suite à des soucis matériels, le lancement devait être retardé. Comme nous l'avions dévoilé à l'époque, la startup avait en réalité décidé de ne plus se reposer sur OVHcloud et de travailler à de nouveaux serveurs en partenariat avec l'un de ses actionnaires, 2CRSi.

Il fallait donc repartir de zéro, concevoir de nouvelles baies puis les déployer. Cela allait prendre plusieurs mois. Outre ces petits arrangements avec la vérité, cette décision allait être lourde à porter pour une autre raison : elle était prise au début de la pandémie de Covid-19, qui a impacté les transports et l'approvisionnement matériel.

Cela n'a rien arrangé dans une situation déjà difficile. Ainsi, malgré l'extension à l'international qui lui a permis d'atteindre l'objectif fixé de 100 000 clients, désormais majoritaires à l'étranger, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées. Jusqu'au départ de l'un des fondateurs de l'entreprise, Emmanuel Freund, avec plusieurs employés.

Quelques succès ont quand même été au rendez-vous, comme la montée de LG au capital en janvier 2020. Selon des documents que nous avons pu obtenir depuis, pour un peu moins de trois millions d'euros et 5 352 actions, soit 560,51 euros chacune. Entre avril et juin 2020, différents investisseurs apportaient six millions d'euros.

Mais fin juillet, le statut de la nouvelle offre était inchangé, malgré les bonnes nouvelles évoquées alors par 2CRSi.

Blade Shadow Levées de fonds 2020Blade Shadow Levées de fonds 2020
Début 2020, Shadow a levé plusieurs millions d'euros

Le besoin de rebondir

Cyrille Even était entre temps nommé à la tête de Blade, sans jamais réussir à vraiment s'installer. Cela n'aura duré que quelques mois. De quoi continuer à secouer l'équipe, où les départs se sont multipliés depuis 2020.

En septembre, Mike Fischer était nommé CEO et Jean-Baptiste Kempf CTO. Leur objectif était alors de relancer Blade et lui faire prendre une meilleure direction. Remotiver les équipes, réorganiser l'entreprise, faire le point sur la situation et préparer le terrain pour l'avenir faisaient alors partie des pistes de travail évoquées en public.

Mais en coulisse, l'enjeu était d'améliorer les finances de l'entreprise qui, gagnant de nombreux clients, « brûlait » de plus en plus de cash chaque mois. Une situation paradoxale, mais qui est le lot de nombreuses startups en phase de croissance, notamment à l'étranger. Malgré les tweets enthousiastes de Louis Tomlinson, du groupe One Direction, cela a rapidement eu de lourdes conséquences.

Coup de grâce

Car une grosse levée de fonds était espérée fin 2020. Plusieurs sources nous ont confirmé qu'elle ne s'était pas faite. Et si le produit s'est peu à peu renforcé, les problèmes ont continué de s'accumuler. Pour ne rien arranger, la société a été sortie il y a peu du classement Next40 où elle était fièrement entrée en 2019.

L'engouement que l'on constatait autour des offres de cloud gaming, le télétravail renforçant le succès de services comme Shadow et l'expansion internationale – qui a continué en novembre avec la Corée du Sud – n'ont donc pas eu les effets positifs espérés. Certains sujets étaient d'ailleurs toujours sources de tensions en interne.

Selon plusieurs sources que nous avons pu interroger au fil des mois, tous n'appréciaient pas les décisions prises. Notamment que la nouvelle offre ait bien été disponible... mais uniquement depuis des datacenters situés à l'étranger, pas celui de Paris. Sans que la société ne communique sur le sujet auprès de ses clients français, encore nombreux à attendre leur précommande depuis des mois.

Autre signe mal perçu par certains : Mike Fisher, qui devait venir s'installer à Paris, ne l'a toujours pas fait.

Shadow Boost Disponibilité 2021Shadow Boost Disponibilité 2021
Pour Shadow Boost, il faut attendre le 31 mars depuis le Texas, le 31 décembre depuis la France

Blade dans la tourmente

Ainsi, tout semblait réuni pour que nous en arrivions à une conclusion tragique. Au fil de notre enquête, nous avons récolté de nombreux témoignages d'employés et de partenaires nous faisant part de leur inquiétude, évoquant tel ou tel signe alarmant sur la situation de Blade. Nous avons ainsi interrogé l'entreprise courant janvier.

Nous voulions savoir où elle allait, ce qui était prévu pour la nouvelle offre et sa disponibilité, ce qu'il en était d'une éventuelle levée de fonds. Comme à son habitude, le service presse nous a opposé une fin de non-recevoir, évoquant une communication attendue pour courant février (à confirmer). Elle n'est jamais venue.

Ces derniers jours, plusieurs éléments nous ont fait comprendre que la situation s'était dégradée au point que la question était désormais de savoir si Blade allait finir au tribunal de commerce. Selon nos informations, elle s'est placée sous sa protection à travers une procédure de redressement judiciaire, qui maintient l'activité mais tient les créanciers à l'écart le temps qu'une solution soit trouvée. Un administrateur judiciaire a été nommé.

La reprise est l'issue envisagée, plusieurs repreneurs ont déjà montré leur intérêt pour l'entreprise, notamment des acteurs français du monde des télécoms et du réseau. Reste à faire un choix entre les différents dossiers qui seront déposés et les perspectives qu'ils offrent  à Blade et ses équipes. Le service perdure sans changement d'ici là.

Ce choix sera d'autant plus important que certains espèrent sans doute ne pas trop y perdre. On pense notamment au strasbourgeois 2CRSi, présent au capital de Blade. S'il y a investi 2 millions d'euros en compensation de créances fin 2019, selon les derniers documents publiés il ne compte que pour moins de 1 % du capital. Il s'est néanmoins également engagé aux côtés de la startup à travers les crédits-baux pour la fourniture des serveurs.

2CRSi Blade Parts
2CRSi ne détient qu'une part minoritaire dans Blade

Coté en bourse, il a multiplié les annonces positives ces derniers mois, comme la signature d'un contrat à 6 millions de dollars avec l'américain Coin Citadel en décembre, un autre d'une durée de cinq ans auprès d'un « groupe bancaire français d'envergure mondiale », puis plusieurs contrats remportés dans le cadre d'un appel d'offres du CERN pour 15 millions d'euros. Son action, qui était à moins de 2 euros à la mi-mars 2020, est ainsi remontée aux alentours de 4-5 euros avant de s'envoler à plus de 7 euros, en baisse ces dernières heures.

Si l'importance de Blade au sein de son portefeuille client a été largement réduite au fil des années – 2CRSi a également misé sur d'autres chevaux dans le cloud gaming comme GameStream, dont il détient 14,4 % – l'annonce de ce soir devrait néanmoins secouer l'entreprise le temps qu'une décision soit prise quant au repreneur.

Les salariés dans l'attente du repreneur

Bien que la situation de Blade ne soit pas une surprise pour qui suit la société avec attention, faisant déjà l'objet de bruits de couloir à l'extérieur depuis plusieurs semaines, rien n'avait été officialisé en interne. Selon nos informations, c'est le cas, à travers un « company meeting » qui se tient alors que nous publions cet article.

Les jours à venir devraient être l'occasion d'en savoir plus sur les repreneurs qui se déclareront et leurs projets, en espérant que cela se dénouera rapidement pour l'entreprise et son équipe. Nous tenterons d'en savoir plus d'ici là. La situation de Blade étant désormais officielle, peut-être arriverons-nous à obtenir plus de réponses.

Il sera ensuite temps de se focaliser sur le projet qui sera présenté et ce qu'il signifiera, tant pour les salariés que les clients et partenaires de Blade. Une seule chose est sûre : il faut s'attendre à de gros changements pour Shadow.

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