L’Europe espère envoyer dans moins de quatre ans de nouveaux satellites pour la seconde génération de Galileo. Le système de positionnement par satellite sera alors dix fois plus précis, renforcera ses capacités pour les secours et pourra lancer des alertes n’importe où sur le globe.
Dans un communiqué, l’Agence spatiale européenne (ESA) explique que des « contrats ont été attribués à Thales Alenia Space (Italie) et Airbus Defence & Space (Allemagne) pour la création de deux familles indépendantes de satellites, représentant au total douze satellites Galileo de deuxième génération ». Le montant total est de 1,47 milliard d’euros.
1,47 milliard pour 12 satellites de seconde génération
Les contrats portent sur « la conception et la construction du premier lot de la deuxième génération de satellites de navigation européens Galileo ». Comme nous le verrons plus loin, le Tribunal de l’Union européenne est venu mettre son grain de sel dans cette histoire (à la demande de la société OHB) et doit encore rendre une décision sur l’attribution des contrats.
Paul Verhoef, directeur de la navigation à l’ESA, explique que cette nouvelle salve de satellites « représentera un pas en avant supplémentaire avec l'utilisation de nombreuses technologies innovantes pour garantir une précision, une robustesse et une flexibilité sans précédent du système au profit des utilisateurs du monde entier ». Voyons cela plus en détails.
Précision décimétrique, rapidité, diffusion d’alertes…
Galileo revendique actuellement être « le système de navigation par satellite le plus précis au monde, offrant une précision à l’échelle du mètre à plus de deux milliards d’utilisateurs ». Les smartphones récents prennent souvent en charge cette constellation de satellites, en plus du GPS américain, du Beidou chinois, etc.
Cette seconde génération de satellites devrait permettre d’atteindre un positionnement avec une précision accrue, « à l'échelle du décimètre », soit dix fois mieux que la génération actuelle, affirme l’Agence spatiale européenne. Il s’agit de la précision pour le grand public, mais il est déjà possible d’atteindre 10 cm dans certains cas d‘usage.

Galileo a été utilisé pour tracer un message sur un terrain de rugby
Ce n’est pas tout : « il sera aussi possible pour les appareils de navigation tels que les smartphones d'acquérir le signal et d'accéder aux services plus rapidement lors de la mise sous tension de leurs appareils, avec une consommation d'énergie moindre ». Selon l’ESA, tous ces changements seront « une véritable révolution pour les voitures autonomes émergentes, les drones autonomes et "l’Internet des objets" ».
Une partie non négligeable du système de positionnement par satellite Galileo concerne la gestion des secours et la seconde génération va encore améliorer les choses : « G2 [Galileo seconde génération, ndlr] offrira également des services améliorés de recherche et de sauvetage, y compris des communications bidirectionnelles avec la personne en difficulté ».
De plus, les autorités pourront avertir les utilisateurs de certaines régions « des dangers imminents tels que les tsunamis ou les tremblements de terre ». L’ESA confirme qu’il s’agit d’une forme d’alerte par SMS 2.0 mais agnostique en termes d’abonnement : « Les avertissements peuvent être envoyés n'importe où sur Terre, indépendamment des fournisseurs de télécommunications, en utilisant les signaux de navigation Galileo comme service de messagerie unidirectionnel ».
Propulsion électrique, protection contre les (cyber)attaques
Les satellites G2 seront physiquement bien différents de ceux de la première génération, à commencer par la propulsion qui sera électrique pour la première fois. Ce changement permettra par exemple de lancer les satellites deux par deux alors que leur masse augmente sensiblement.
Ils disposeront aussi d’une antenne de navigation améliorée, tandis que leurs charges utiles seront « entièrement numériques » afin d’être reconfigurables en orbite. Des liaisons intersatellites permettront d’améliorer et de vérifier les performances en direct, tout en réduisant la dépendance aux stations de sol.
La sécurité est aussi renforcée avec des « mécanismes avancés de protection contre le brouillage et l'usurpation d'identité pour protéger les signaux Galileo ». Comme nous l’avons déjà expliqué à plusieurs reprises, des jeux d’espionnages se déroulent de plus en plus dans l’espace, avec des « écoutes », des satellites-espions qui s’approchent d’autres satellites, des drones autonomes secret défense qui passent des mois dans l’espace, etc.
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Rendez-vous dans quatre ans seulement
L’agence spatiale européenne mise sur un calendrier serré : « Les nouveaux satellites G2 seront construits dans un court laps de temps et le premier lancement est prévu dans moins de quatre ans, ce qui leur permettra de commencer leurs opérations dans l'espace le plus rapidement possible ».
Les nouveaux satellites G2 rejoindront les 26 déjà en orbite… dont 22 seulement sont opérationnels. L’ESA rappelle qu’il y a aussi 12 autres satellites (batch 3) en phase de production et de tests ; dont les lancements devraient avoir lieu plus tard dans l’année.
Espérons aussi que des soucis d’horloge atomique ne se reproduiront pas sur cette nouvelle génération de satellite. Le souci avait fait grand bruit il y a quatre ans, mais le problème avait été rapidement réglé.
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Le justice européenne rejette le recours de OHB…
Ce double contrat avait précédemment été attribué en janvier, mais la société allemande de satellites OHB System AG avait demandé au Tribunal de l’Union européenne d’annuler les décisions de l’ESA. OHB a « fait essentiellement valoir que sa concurrente Airbus aurait embauché l’un de ses dirigeants qui avait participé de manière décisive à l’établissement de son offre ».
En conséquence de quoi, la société « soupçonne que cet ancien employé aurait illégalement obtenu des informations sensibles, susceptibles d’apporter au nouvel employeur (Airbus) des avantages indus dans le cadre de l’attribution du marché », explique le Tribunal de l’Union européenne.
Le 31 janvier, le Tribunal faisait droit à la demande de OHB, puis précisait que cela ne concernait qu’Airbus, puisque Thales Alenia n’était pas visé par la plainte initiale. La décision finale est tombée il y a quelques jours seulement : « Par son ordonnance de ce jour, le président du Tribunal, en tant que juge des référés, après avoir entendu la Commission, annule ses précédentes ordonnances et rejette la demande en référé d’OHB ».
Il explique néanmoins que, « à première vue, la demande d’OHB n’est pas totalement dépourvue de fondement sérieux et que le préjudice invoqué par cette dernière est objectivement grave ».
… la décision sur le fonds attendue
Pour justifier sa décision, le Tribunal avance plusieurs arguments. Notamment que, « dans l’hypothèse où OHB obtiendrait gain de cause dans la procédure au fond, le préjudice lié à la perte définitive de sa chance d’obtenir le marché en cause (à cause du rejet de la demande en référé) pourrait être évalué, ce qui permettrait de réparer intégralement le dommage individuel effectivement subi à ce titre ».
En revanche, « dans l’hypothèse où les mesures provisoires demandées seraient ordonnées, la Commission serait dans l’impossibilité de conclure un contrat avec l’un des adjudicataires, ce qui aurait des conséquences techniques et financières considérables pour le programme spatial de l’Union. La conclusion rapide de ce contrat relève donc d’un intérêt général important ».
D’autres considérations ont été prises en compte pour en arriver à la conclusion que « la balance des intérêts en présence penche en faveur de l’absence d’octroi des mesures provisoires demandées ». Bien évidemment, « le Tribunal rendra son jugement définitif sur le fond de cette affaire à une date ultérieure ». Il rappelle qu’une « ordonnance sur des mesures provisoires ne préjuge pas de l’issue de l’action principale ».
En attendant, Airbus peut souffler : il remporte bien la moitié du contrat, avec Thales Alenia Space. Il faut maintenant attendre la décision de fond du Tribunal pour avoir l’épilogue de cette affaire. Dans tous les cas, la seconde génération de satellites Galileo se prépare.