Le site raciste DemocratieParticipative.lol bloqué, le .fun déjà déposé

Ni lol, ni fun
Droit 5 min
Le site raciste DemocratieParticipative.lol bloqué, le .fun déjà déposé
Crédits : ozgurkeser/iStock

Jeudi, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage de DemocratieParticipative.lol, site raciste qui avait déjà été épinglé par la justice. Selon nos constatations, le .lol est paré à migrer vers un .fun, domaine enregistré au lendemain de l’ordonnance. Retour sur la décision et ses implications. 

Charline Fouchet fait partie des huit personnes victimes de cet attentat au Niger le 9 août 2020. Une exécution revendiquée par l’État islamiste début septembre.

Un mois plus tard, les parents de cette humanitaire de 30 ans réclament d’urgence le blocage de DemocratieParticipative. À l’index, la publication de deux articles aux titres évocateurs de la ligne éditoriale de ce site : « Niger : une ignoble trainée pro-nègres qui militait pour Benoit Hamon figure parmi les 6 gauchistes blancs assassinés » et « Reportage au Togo : ces blanches négrifiées qui vont faire de l’humanitaire en Afrique pour se faire sauter par des indigènes ».

L’examen a rapidement convaincu le tribunal judiciaire de Paris : « la menace à l’ordre public est établie à la lecture des publications haineuses (…) qui sont des mots d’une extrême violence et qui, en même temps qu’ils portent atteinte à l’image des personnes décédées dont les proches éprouvent un préjudice personnel, exhortent à la haine en valorisant, par les mots et l’image, un passage à l’acte terroriste ».

Néanmoins, la procédure s’est rapidement heurtée à un mur : la stratégie de contournement du site raciste, qui multiplie les noms de domaine au gré des actions intentées à son encontre.

La stratégie de contournement de Democratie Participative

Les parents ont d’abord visé DémocratieParticipative.xyz, mais aussi les extensions .site, .space, .host et .website. Des demandes aiguisées le jour de l’audience lorsqu’ils se sont concentrés cette fois sur l’extension « .lol » tout en sollicitant des fournisseurs d’accès une mesure inédite : la surveillance puis le blocage sans délai du même site « quels que soient les noms de domaines utilisés ».

Un tel système de surveillance a finalement été abandonné. Les FAI ont victorieusement fait valoir « ne pas être en mesure de s’engager dans un dispositif (…) qui dépasse leurs capacités techniques et leur office ».

Propos entendus par les parents qui ont maintenu néanmoins leur demande de blocage à l’encontre de DemocratieParticipative.lol. En contrepartie, les opérateurs « se sont engagés à être particulièrement diligents » dans l’exécution de la mesure de blocage même s’ils auraient préféré « qu’un délai de 15 jours leur soit octroyé pour des raisons techniques ».

Les FAI auraient aussi préféré une mesure limitée dans le temps, mais cette fois le tribunal a opté pour un blocage définitif, « au vu de la gravité des propos ».

Coût du blocage : des parents moins bien lotis que les ayants droit

La décision a mis à la charge des parents le coût de cette mesure, non sans justifier ce choix difficile par les textes en vigueur : la loi du 21 juin 2004, qui orchestre la responsabilité des FAI et des hébergeurs « ne consacre pas de mécanisme d’indemnisation », indique l’ordonnance.

Dès lors, « il ne peut être envisagé de faire supporter par les fournisseurs d’accès, qui ne sont pas responsables du contenu du site litigieux et à qui il est demandé de prêter leur concours au respect de la loi, le coût de la mesure de blocage justifiée par le dommage causé aux demandeurs ». Les FAI ont promis, via leurs avocats, qu’ils feraient « preuve de retenue (…) au vu du contexte justifiant la demande ».

Une situation aux antipodes de celle en vigueur en matière de propriété littéraire et artistique. Après un arrêt de 2014 de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation a décidé en 2017 que les textes ne s’opposent pas ici à ce que le coût des mesures « soit supporté par les intermédiaires techniques, quand bien même ces mesures sont susceptibles de représenter pour eux un coût important ».

En somme, en l'état de notre droit et de l'interprétation des tribunaux, la dignité de la personne humaine est finalement moins bien protégée que les intérêts des industries culturelles.

Blocage du .lol, arrivée de DemocratieParticipative.fun

Confirmant la stratégie de contournement épinglée par l’avocat des parents, l’éditeur du .lol a déjà déposé DemocratieParticipative.fun, pas plus tard que le 4 décembre soit un jour après cette décision.

democratieparticipative.fun

Ce dépôt a été fait auprès de la société américaine Namecheap. L’éditeur a activé en outre WhoisGuard, service panaméen de la même entreprise qui promet de blinder la protection des informations nominatives dans les Whois, la base d’informations d’enregistrement des noms de domaine. Et sans surprise, il a opté pour CloudFare s'agissant du serveur de nom.

Le précédent de 2018, des débats à venir au Parlement

Ce n’est pas la première fois que ce site raciste et homophobe fait l’objet d’une décision de blocage. En 2018, le Procureur de la République de Paris avait cette fois obtenu le blocage de DemocratieParticipative.biz.

Dans le jugement là aussi diffusé dans nos colonnes, le tribunal de grande instance de Paris avait retenu plusieurs infractions dans ses pages (injures raciales, des provocations à la haine et à la violence envers un groupe de personnes à raison de son origine ou de sa religion, des injures publiques à raison de l’orientation sexuelle outre des apologies de crimes contre l’humanité).

Et comme dans le récent jugement, chaque FAI disposait alors de la liberté de choisir « la mesure technique la plus adaptée et la plus efficace » pour empêcher cet accès. Et là aussi, DemocratieParticipative avait rapidement réagi pour ouvrir cette fois un .onion.

Notons que le jugement de jeudi dernier ne concerne que les opérateurs, non les moteurs de recherche. Plusieurs demandes de déréférencement ont cependant été adressées à Google, qui les a toutes prises en compte.

L’une a ciblé en particulier le .lol. Elle a été enregistrée par plus tard que le 24 novembre dernier, à l’initiative de Point de Contact, association qui compte parmi ses membres « acteurs de l’internet » Facebook, Google, Microsoft, OVH Cloud, SnapChat, Tik Tok, outre des membres « observateurs » comme la gendarmerie nationale ou la Préfecture de Police. 

Ce nouvel épisode judiciaire devrait nourrir les débats à venir sur le projet de loi sur le Séparatisme dont une disposition introduit un mécanisme de blocage des sites miroirs.

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