Le jugement de blocage du site raciste et homophobe DemocratieParticipative.biz

Un blocage illimité dans le temps
Droit 6 min
Le jugement de blocage du site raciste et homophobe DemocratieParticipative.biz
Crédits : Robert van den Eijk/iStock/ThinkStock

Ce 27 novembre, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné en état de référé, le blocage du site raciste Democratieparticipative.biz. Retour sur cette décision, que Next INpact diffuse avec explications à la clef.

Les 11 et 12 octobre 2018, le procureur de la République de Paris a assigné les principaux FAI français. Objectif ? Que SFR, SFR Fibre, Orange, Free, Bouygues Télécom, Outremer Telecom, la Société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), Orange Caraïbe et Colt Technologie Service bloquent indéfiniment l’accès au site Democratieparticipative.biz, à leurs frais et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard.

Au regard des contenus diffusés par ce site, plusieurs organisations se sont jointes à cette demande, dont l’Union des Étudiants Juifs de France, J’accuse !, la Licra, le Conseil Représentatif des Institutions juives de France, l’association Avocats Sans Frontières, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, SOS Homophobie, outre des personnes physiques comme le député Meyer Habib.

Leurs demandes sont peu ou prou identiques, avec tout de même quelques variantes importantes. Par exemple, L’UEJF a réclamé des FAI tout simplement l’arrêt du site « démocratie participative » accessible « à l’adresse https://democratieparticipative.biz ou à toute autre adresse ». 

En face, les fournisseurs n’ont montré aucune opposition au blocage, mais ont demandé tout de même à ce qu’il soit limité à 12 mois, concluant à chaque fois au rejet des autres demandes. 

Éditeur et hébergeur inaccessibles

Dans son jugement, diffusé ci-dessous, Le TGI a rappelé la mécanique à suivre en la matière, et avant tout le respect du principe de subsidiarité ou d’une logique en cascade. Explications : la loi sur la confiance dans l’économie numérique autorise l’autorité judiciaire à ordonner toute mesure, et donc le blocage d’accès, mais seulement à condition que l’éditeur du site, tout comme l’hébergeur soient hors de portée.  

Sur ce point, rapporte le jugement, le procureur de la République a établi par de multiples procès-verbaux dressés par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, « l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, de même que contre l’éditeur ou l’auteur du contenu litigieux ».

Democratieparticipative.biz est en effet enregistré auprès de la société américaine Launchpad. L’identité du titulaire du nom est cachée dans le Whois. L’adresse IP de l’hébergeur est en outre masquée via les services de la société américaine CloudFlare. De même, « aucune réponse n’a été apportée aux réquisitions judiciaires adressées » à ces structures. Le directeur de publication est lui-même inconnu.

Une myriade d’infractions

L’action étant recevable à l’égard des FAI, le jugement a analysé les contenus de ce site pour identifier plusieurs infractions, agrémenté de larges extraits tous aussi nauséabonds les uns que les autres. 

Délit d’injures raciales, avec notamment ce post qui rapporte qu’à Florence, « des hordes de singes sidaïques du Sénégal sèment le chaos dans la ville », ou celui qui raconte que « cette pute à juifs Carla Bruni couchait avec le père de Raphaël Enthoven, conformément à des us et coutumes sémitiques inavouables, l’inceste » ou encore cette publication de juillet 2018 mettant en cause le député Meyer Habib, « terroriste israélien mandaté par Netanyahou pour superviser la colonie juive de France, a profité de l’affaire Benalla pour tenter de légitimer l’infiltration de criminels juifs armés dans l’Assemblée nationale ».

Autant d'injures commises « envers des personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » conclut le tribunal.

Provocation à la haine et à la violence envers un groupe de personnes à raison de son origine ou de sa religionMarseille, cette perle magnifique de la côte algérienne, est malheureusement victime d’un problème grandissant : les nègres (...) Ceci cependant doit être couplé au nettoyage du bacille lui-même »).

Provocation à la haine et à la violence envers un groupe de personnes à raison du sexe ou de l’orientation sexuelleTous les pédés doivent être arrêtés et placés dans des camps de concentration, c’est une mesure sanitaire urgente »).

Injure publique à raison de l’orientation sexuellefiottes, travelos, sales pédales, ces déchets biologiques, pédales exhibitionnistes »).

Apologie de crimes contre l’humanitéCette sale gueule de youtre arrogant me fait particulièrement vomir et nous rappelle qu’Adolf Hitler n’a rien fait de mal. Aujourd’hui Hitler c’est le minimum »).

La décision

Le jugement a rappelé une mesure de bon sens : il n’est pas possible, a-t-il expliqué à certaines des parties, d’exiger des FAI « l’arrêt du site ». Seul en effet le blocage est envisageable à leur niveau puisqu’ils n’ont pas la main sur les infrastructures des hébergeurs.

Il faut en outre que l’ordre public soit menacé. Pour le cas présent, cela « ne peut pas être contesté à la lecture des publications haineuses ci-dessus rappelées qui sont des mots d’une extrême violence et qui exhortent en même temps au passage à l’acte violent contre des personnes en raison de la religion, de l’origine ou de l’orientation sexuelle des intéressés ». Le blocage est donc une solution aussi adaptée que proportionnée.

Le TGI a laissé à chaque FAI la liberté de choisir « la mesure technique la plus adaptée et la plus efficace ». Les fournisseurs ont précisément quinze jours pour bloquer, délai débutant à partir de la signification de l’ordonnance. L’exécution ne sera donc pas immédiate, comme l’avaient souhaité la plupart des parties.

Autre fait intéressant, le juge a refusé de prévoir une quelconque astreinte. D’un, parce que tous les FAI « ont indiqué qu’ils exécuteraient la décision sans aucune difficulté » et de deux, parce qu’« ils n’ont aucun lien de droit avec l’éditeur, l’auteur ou l’hébergeur et qu’ils ne tirent aucun profit de l’exploitation du site litigieux ».

Un blocage illimité dans le temps, mais à la charge financière du procureur

Par contre, le jugement ordonne bien un blocage illimité dans le temps. Un tel blocage définitif relève « du principe de proportionnalité au vu de la gravité des propos relevés ». C’est, à notre connaissance, une première. Jamais un jugement, surtout de référé, n’a condamné un nom de domaine à disparaitre de la toile en France pour l’éternité et au-delà. Cette décision pourrait faire l’objet d’un recours par les FAI, et inversement inspirer aussi le secteur de l’industrie culturelle. 

Dans ses écritures, Free avait demandé à ce que le coût du blocage soit mis à la charge du premier demandeur, le procureur de la République. Prétention retenue par le jugement : « La loi du 21 juin 2004 ne consacre pas de mécanisme d’indemnisation et le principe d’égalité devant les charges publiques n’autorise pas de faire supporter aux fournisseurs d’accès, qui ne sont pas responsables du contenu du site litigieux et à qui il est demandé de prêter leur concours au respect de la loi, le coût de la mesure de blocage justifiée par l’intérêt général ». La décision s’inscrit dans la droite ligne de la décision du Conseil constitutionnel de 2000 (considérant 41).

Les FAI pourront donc, s’ils l’estiment utile, « se faire rembourser les coûts afférents à la mesure de blocage du site sur présentation des factures correspondantes au procureur de la République ».

Enfin, dernier point, le blocage porte sur le nom de domaine www.democratieparticipative.biz « ou à tout site comportant le nom democratieparticipative.biz ». Cette formulation est un peu maladroite en ce qu’elle laisse croire qu’un site diffusant cette chaîne de caractères dans ses pages pourrait être bloqué.

Elle est surtout une réponse aux demandes des parties qui souhaitaient voir éradiquer les variantes « *democratieparticipative.biz ». Remarquons cependant que le site a déjà ouvert un .onion, consultable sur Tor... 

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