Cheops n’est pas un chasseur d’exoplanètes, mais un satellite visant à les caractériser. Il a jeté son dévolu sur WASP-189 b et les résultats sont surprenants, aussi bien pour la planète que son étoile avec des températures de respectivement 3 200 et 7 700 °C.
Le satellite Cheops est dans l’espace depuis fin décembre, lancé à bord d’une fusée Soyouz depuis le centre spatial guyanais. D’une masse au décollage de 273 kg – c’est une mission de classe S ou « Small » du programme scientifique de l’Agence spatiale européenne (ESA) – il est désormais à 700 km d’altitude et étudie les exoplanètes. Les opérations scientifiques ont débuté il y a quelques mois déjà et les premiers résultats viennent de tomber.
Cheops a en effet identifié « dans un système planétaire proche l’une des plus chaudes et des plus extrêmes planètes extrasolaires répertoriées à ce jour : WASP‑189 b ». C’est la « toute première » découverte du satellite européen. Les travaux ont été publiés dans la revue scientifique Astronomy & Astrophysics.
Une planète de type « Jupiter chaud » collée à son étoile
Cette exoplanète – hors de notre Système solaire – est de type « Jupiter chaud ». Elle a donc une taille de l’ordre de grandeur de Jupiter et est également une géante gazeuse, mais bien plus proche de son étoile WASP-189 et donc plus chaude.
Comparée à notre Soleil, cette dernière est plus grande et sa température dépasse les 7 700 °C, soit 1 700 de plus que la surface de notre Soleil (qui est à environ 6 000 °C). Cette étoile semble briller d’un « éclat bleu ». De son côté, WASP‑189 b (on identifie les exoplanètes avec un b, c, d… en s’éloignant de l’étoile) est « vingt fois plus proche de son étoile que la Terre ne l’est du Soleil, et effectue sa révolution en seulement 2,7 jours », contre un peu plus de 365 jours pour la planète bleue.
- Le Soleil : élément central et « catalyseur » de la vie
- Jupiter : planète géante dépourvue de surface solide, protectrice du Système solaire
Cette découverte est intéressante pour les scientifiques : « Nous ne connaissons qu’une poignée de planètes autour d’étoiles aussi chaudes, et ce système est de loin le plus brillant », affirme Monika Lendl de l’Université de Genève et auteure principale de l’étude. Mais WASP-189 b est aussi singulière sur un autre point : c’est « la planète de type Jupiter chaud la plus lumineuse que nous pouvons observer alors qu’elle passe devant ou derrière son étoile, ce qui rend ce système tout entier d’autant plus intriguant ».

Une planète à 3 200 °C, sans équivalent dans le Système solaire
Les exoplanètes se situent par définition dans d’autres systèmes solaires/planétaires et galaxies, elles sont donc très loin de nous : on parle de dizaines, centaines, milliers, millions ou milliards d’années-lumière suivant les cas. Pour les caractériser, les scientifiques peuvent donc principalement réaliser deux types de mesures : par occultation quand la planète passe derrière son étoile, ou par transit dans le cas contraire.
Comme la planète WASP‑189 b est très brillante, pendant la phase d’occultation « il y a une baisse perceptible de la lumière en provenance de ce système ». « Cela nous a permis de mesurer la luminosité de la planète et d’en évaluer la température – torride – à 3 200 °C », explique Monika Lendl.
Deux méthodes différentes ont été utilisées par les chercheurs, avec des résultats relativement proches. Pour comparaison, la planète la plus chaude de notre Système solaire est Vénus, avec une moyenne de 470 °C, contre 169 °C pour Mercure, 15 °C pour la Terre et on passe dans le négatif pour les autres.
Pour se rendre compte des phénomènes qui peuvent se produire sur WASP-189 b, l’Agence spatiale européenne dresse un rapide portrait des phénomènes physiques que l’on pourrait trouver sur place : « À de telles températures, même un métal comme le fer fond et se transforme en gaz, ce qui rend cette planète clairement inhabitable ». L’inhospitalière Vénus semblerait presque paisible…
Pendant le transit, les scientifiques peuvent récupérer « beaucoup d’informations, comme la taille, la forme et les caractéristiques orbitales d’une planète ». Dans le cas de notre exoplanète, ils ont ainsi pu estimer que le rayon était environ 1,6 fois celui de Jupiter, soit près de 115 000 km (et donc 230 000 km de diamètre).

Une étoile surprenante, un rapprochement qui questionne
L’équipe de Monika Lendl a aussi pu caractériser son étoile : « Nous avons aussi vu que l’étoile en elle-même est intéressante, elle n’est pas parfaitement ronde, mais plus grande et plus froide à l’équateur qu’aux pôles, ce qui fait que les pôles semblent plus lumineux […] Elle tourne si vite qu’elle est poussée vers l’extérieur à son équateur ! Et comme l’orbite de WASP‑189 b est inclinée, elle ne tourne pas autour de l’équateur, mais passe près des pôles de l’étoile, ce qui ajoute encore à cette asymétrie ».
Cette orbite ajoute au « charme » de l’exoplanète. Pour qu’elle soit possible, il faut en effet que WASP-189 b se soit formée plus vers l’extérieur du système avant d’être poussée à l’intérieur. Deux causes sont envisagées : un « bousculement » de planètes dans le système solaire quand elles étaient en train de se positionner, ou une influence extérieure, comme une autre étoile qui aurait poussé la géante gazeuse vers son étoile.
Après ce premier essai, d’autres publications sont attendues
« Ces premiers résultats de Cheops sont très stimulants : c’est la première preuve définitive que la mission tient ses promesses en termes de précision et de performance », se réjouit Kate Isaak, scientifique de l'ESA en charge du projet. D’autres suivront très certainement.
Pour rappel, le satellite n’est pas un chasseur d’exoplanète comme l’était le télescope spatial Kepler : il va rechercher les transits d’exoplanètes déjà identifiées. Sa mission est alors de mesurer le plus précisément la taille des exoplanètes. Cheops permet aussi d’établir « une première caractérisation de leur atmosphère et déterminer la présence de nuages, et le cas échéant, les propriétés de ceux-ci ».
Cheops prépare aussi le terrain entre les exoplanètes afin « d’identifier des cibles clés pour de futures missions qui sonderont l’atmosphère des exoplanètes ou de chercher de nouvelles planètes et exolunes ». Le but est toujours le même : mieux comprendre les exoplanètes, notre Système solaire et finalement une partie de l’univers dans lequel nous évoluons.