Désormais, on publie tous du contenu en ligne chaque jour, via des plateformes centralisées et autres formats plus ou moins ouverts. Mais lorsque l'on veut déplacer son blog, son CV ou ses données, c'est la galère. Le retour à un web « low tech » veut casser cette mécanique. Avec bien d'autres avantages.
Avec le web est apparue une faculté nouvelle : la possibilité pour chacun de faire porter sa voix. Tout internaute est ainsi libre de publier son propre site, une page personnelle, un blog, un album photo afin de partager avec le monde entier. Mais voilà, même en 2020, c'est souvent considéré comme compliqué.
En la matière, il y a ailleurs une forte fracture numérique : les premiers touchés sont ceux qui ne maîtrisent pas toutes les arcanes de la technique. Héberger son site, apprendre le langage HTML, choisir ses outils, etc. sont autant de choix qui rebutent et incitent à se tourner vers des solutions clé en main ou vers la facilité des réseaux sociaux.
Tant de plateformes qui troquent la facilité qu'elles apportent contre une limitation des libertés de leurs utilisateurs, d'une manière ou d'une autre. Il est donc opportun de s'intéresser aux alternatives. Surtout qu'il existe de nombreuses ressources gratuites, ouvertes et simples à prendre en main qui permettent à chacun de publier en ligne, sans connaissances particulières et sans concessions sur ses données. De participer à des projets communs.
Nous l'avons vu dans de premiers articles de ce dossier, où il a déjà été question de sites statiques, de PWA ou même de pull request pour les plus courageux. Tant d'actions qui peuvent paraître inaccessibles mais pourtant simples lorsque l'on y regarde de plus près. Comme la gestion de documents via Git, leur écriture via le format de balisage Markdown, leur conversion en un site ou en différents formats via Pandoc.
Une initiative qui s'inscrit dans une volonté, plus générale, de documenter et expliquer comment fonctionne Internet, les différentes solutions techniques de stockage, la gestion de vos données, les protocoles modernes et autres solutions pour disposer de mails sécurisés, complets mais ne vivant pas de vos données.
Tant d'articles qui sont progressivement rendus accessibles à tous, que vous pouvez partager ou simplement utiliser pour vous guider sur le long chemin de la réappropriation de l'outil informatique et du numérique. Autant de raisons de nous aider à poursuivre notre ilot d'information indépendant en ligne... en vous abonnant 😉.
Préserver votre liberté et la portabilité de vos publications
Nous explorerons donc dans les semaines à venir différentes possibilités en partant du principe que vous disposez des bases pour maitriser l'outil informatique, mais pas plus. Merci donc aux puristes de la technique de nous pardonner les quelques simplifications qui pourront y être utilisées.
Car depuis les débuts de l'hébergeur français Mygale en 1996, aux plateformes mondiales simples à prendre en main comme Medium en passant par les réseaux sociaux, que de chemin parcouru. Une évolution symbolisant la contradiction de cette liberté donnée à chacun : malgré elle, l'internaute s'exprime le plus souvent... mais sur des plateformes toujours plus géantes et centralisées. L'humain est souvent grégaire.
Facebook, Instagram, Snapchat, Twitch, Twitter, YouTube ou encore TikTok plus récemment sont nés de cette réalité. Nouveaux rois du partage de la parole en ligne, prenant le pas sur la vague des blogs des années 2000. Une tendance vers une expression plus simple, plus anecdotique, passant progressivement du texte à la vidéo.
Un phénomène qui s'étend jusqu'aux médias, qui suivent le même parcours. Cette concentration est parfois justifiée par l'existence d'un service qui se veut global. Besoin du CV de quelqu'un ? Il est forcément sur LinkedIn. Facebook ? Un annuaire géant pour rester en contact avec ses proches. Instagram ou Twitter ? Une manière de scénariser la perception de votre vie et promouvoir votre activité en ligne. Besoin de quelque chose ? Amazon est là. D'apprendre à faire quelque chose ? Il existe forcément une vidéo YouTube qui explique comment faire.
Tant d'outils promettant de nous faire gagner du temps et de faciliter notre quotidien, cachant un problème plus profond gagnant en importance : notre dépendance à des services tiers n'offrant pas la possibilité de récupérer ses données pour les placer ailleurs. Comme si, finalement, le Minitel avait gagné en douce (loin de ses concepteurs français) face à l'approche ouverte et décentralisée qui était celle qui a porté la victoire d'Internet à ses débuts.
Ce, malgré les lois qui sont venues renforcer la portabilité en France et en Europe. Mais pouvez-vous déplacer vos publications Twitter chez Facebook ? Non. Car il s'agit avant tout de cages dorées, conçues pour l'accès à vos données. L'inscription y est simple, leur prise en main facile, leurs audiences énormes. Mais de là à vous aider à en partir... Sur le sujet, Laurent Chemla propose d'ailleurs d'imposer l'interopérabilité aux plateformes.
Car si demain l'un d'entre eux venait à disparaître, à changer complètement de stratégie. Que deviendront ses utilisateurs ? Que deviendront leurs contenus ? Quel impact cela aura-t-il sur des pans entiers du web ?
Reprendre son indépendance, ça parait parfois compliqué
Les impossibilités peuvent aussi tenir à des questions techniques, à la conception même des outils qui n'intègrent pas la notion de liberté de l'utilisateur. C'est notamment le cas de la plupart des CMS (Content Management System) qui dépendent d'un langage, d'une infrastructure et d'un système de gestion de bases de données (SGBD).
Si des exports/imports sont possibles, ils ne sont pas toujours à la portée du premier venu. Passer d'un site hébergé sur Wordpress.com à un Drupal chez OVH, puis à un Framasite ? Oubliez tout de suite l'idée. Un service professionnel pourra se permettre de telles migrations, mais pas un simple particulier.
Sans parler de l'accès aux serveurs nécessaire à l'installation de certaines applications. Des connaissances qu'il faut pour les maintenir en fonctionnement, assurer leur mise à jour, en toute sécurité. Des contraintes qui découragent même ceux qui veulent s'exprimer en dépassant le cadre imposé par les réseaux sociaux : l'expression en 280 caractères, les photos de repas, les stories plus ou moins artificielles et autres pensées visant à attirer les « J'aime ».
Heureusement, il existe d'autres modèles vous permettant de publier en ligne selon deux critères : simplicité et liberté. Et parfois de manière gratuite. Les CMS dit headless, qui découplent le contenu de sa gestion, sont une alternative possible. Mais on peut aller bien plus loin pour faire du partage en ligne une activité simple accessible.
Markdown et générateurs de sites statiques : le combo gagnant
Ici, les solutions ouvertes et open source sont des alliés de poids. L'une de celles qui nous serviront dans le cadre de ce dossier a été conçue par John Grubber en collaboration avec Aaron Swartz en 2004 : Markdown.
Ce langage de balisage vise à proposer une alternative plus simple et plus lisible à HTML dans le cadre de la mise en forme de documents. Ce n'est pas une solution standardisée, il en existe différentes variantes, mais elle est exploitée par un nombre croissant de services ces dernières années.
Ainsi, il existe des dizaines d'éditeurs en ligne, mais aussi d'applications gratuites ou payantes, proposées sur différentes plateformes, qui permettent de rédiger simplement du contenu en suivant quelques règles simples à comprendre. Il fait l'objet de plusieurs évolutions depuis, et autres tentatives de standardisation.
Titre
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## Sous-titre
### Sous-sous-titre
_Texte en italique_
**Texte en gras**
`Code informatique`
> Ceci est une citation
Liste à puces :
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Liste à puce ordonée :
1.
2.
3.
Ceci est [un lien](https://www.nextinpact.com).

Ligne horizontale :
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Notez qu'il existe parfois plusieurs possibilités pour un même élément. Ainsi les symboles « * », « + » ou « - » peuvent être utilisés pour une liste à puces, les liens peuvent être passés sous la forme de références, etc.
Ce format prend tout son sens lorsqu'on l'utilise avec un outil complémentaire : le générateur de site statique. Pour faire simple, il s'agit de prendre du contenu rédigé en Markdown, puis de l'utiliser pour créer un site web composé de pages HTML, de feuilles de styles CSS et parfois même d'un peu de JavaScript.
Ces trois éléments sont regroupés sous la forme de thèmes qui ne nécessitent pas de connaissances particulières. Ainsi, l'utilisateur peut se contenter d’en choisir un dans une liste et de rédiger ses pages en Markdown dans un simple éditeur de texte. Le générateur se charge de tout le reste.
C'est là que vous entendrez en général parler de la JAMStack pour le trio JavaScript, API, Markdown. Le résultat sera constitué de pages pouvant être stockées n'importe où, sans technologie particulière côté serveur : ni base de données ni langage ou configuration spécifique. Un simple transfert des fichiers est nécessaire. De quoi assurer une grande liberté côté portabilité, mais aussi un faible temps de chargement puisque le contenu est fixe.
Bonne nouvelle, il s'agit aussi de solutions qui nécessitent peu de ressources à l'utilisateur lorsqu'il navigue sur votre site. En ces temps où l'éco-conception des services est au centre des préoccupations, ce n'est pas rien.

Ceci est un site web à héberger où vous voulez
Un tel site n'est pas pour autant figé, puisqu'ajouter un billet à un blog peut être effectué assez simplement, certaines solutions proposant même une gestion via une interface d'administration. Là aussi sans besoin particulier côté serveur. Vous pouvez également exploiter des modules côté client pour l'ajout de commentaires par exemple. Mais aussi à travers des requêtes ou API maison grâce à une autre évolution technique récente : le serverless.
Il existe plusieurs générateurs de pages statiques. Le plus connu est sans doute Jekyll qui est utilisé par GitHub pour l'hébergement des Pages de ses utilisateurs. Mais ce logiciel open source, développé en Ruby, peut également être installé sur n'importe quelle machine pour générer votre site.
Citons également 11ty (JS), le français Cecil (PHP), Hakyll (Haskell), Hexo (Node.js), Hugo (Go), ou Pelican (Python). Pour l'édition, des environnement de développpement (IDE) gérant Markdown peuvent vous simplifier la vie comme Notepad++, Visual Studio Code/Atom, Sublime Text. Vous pouvez également compter sur des services et applications dédiés tels que Caret, Dillinger, Editor.md, HackMD, Remarkable, StackEdit ou Typora.
Des outils de gestion de contenus (CMS) se sont aussi spécialisés dans ces solutions headless à la manière du français Strapi, Contentful, Cockpit, Directus ou Prismic. Chacun avec ses avantages et ses inconvénients.
Quelle solution pour l'hébergement ?
Une fois le contenu de votre site rédigé et les pages générées, se pose en général une question : où les héberger ? La solution la plus directe est de passer par... un hébergeur, comme Gandi, Infomaniak, OVH ou Scaleway. Ils proposent en général des services à prix réduit pour un petit site web. Ou gratuit comme Forestry et Netlify :
- Hébergeons (gratuitement) un site statique avec accès sécurisé
- Comment créer un nom de domaine personnalisé et votre propre adresse email
Si vous leur achetez un nom de domaine, vous pourrez parfois avoir droit à un petit espace de stockage inclus, suffisant pour un site statique sans trop d'images. Vous pouvez également le faire avec un espace Free.fr, un petit serveur hébergé chez vous via un Raspberry Pi ou un NAS. Aussi bien Asustor que QNAP et Synology proposent une telle solution, mais cela peut demander des connaissances techniques particulières.
Il est également possible de se reposer sur un service gratuit/Freemium qui n'est pas forcément pensé pour ça au départ, comme du stockage S3 ou Google Drive par exemple, en plaçant votre site dans un dossier public. Pour éviter une telle plateforme, il y a Bitbucket, GitHub ou GitLab qui permettent aussi de diffuser des pages pour vos projets. Mais elle peut être utilisée par n'importe qui, parfois de manière simplifiée comme avec les Pages et Jekyll.
Dans tous les cas, vous pouvez garder une URL fixe en achetant un nom de domaine et en effectuant une redirection, ce qui est en général proposé de manière assez simple par votre hébergeur ou certains de ces services. Vous n'aurez ainsi plus d'excuse pour vous reposer sur une plateforme centralisée ou un outil complexe comme Wordpress pour héberger un simple blog ou de renvoyer vers LinkedIn pour votre CV en ligne.
Vous avez d'autres idées ? N'hésitez pas à nous en faire part en commentaires.