Si hubiC était à l'abandon ces dernières années, il n'a pas quitté les pensées d'Octave Klaba. Après le rachat d'OpenIO par OVHcloud, l'entrepreneur veut relancer le projet sur ses propres fonds. Une décision qui fait partie d'un projet de plus grande ampleur, muri de longue date et se mettant doucement en place.
La semaine dernière, OVHcloud annonçait le rachat de la startup française OpenIO. Objectif affiché : « créer la meilleure offre de Stockage Objet du marché ». Les équipes vont rejoindre celles de l'hébergeur, l'application reste open source et une intégration à la gamme de services sera proposée dans les mois à venir.
OVHcloud va peu à peu intégrer OpenIO
Que va-t-il se passer pour les clients de l'offre payante d'OpenIO ? Interrogé, le roubaisien nous indique qu'elle « continuera d'être supportée sans interruption et a minima durant toute la durée des contrats existants. Les clients seront contactés pour travailler avec eux les plans de support, de croissance et de migration éventuelle lorsque l'offre OVHcloud Object Storage basée sur des technologies OpenIO sera pleinement disponible ».
Elle n'est pas destinée à remplacer celle actuellement utilisé sur Public Cloud (également basée sur Swift), mais plutôt à permettre une montée en gamme alors qu'OVHcloud semblait rencontrer quelques soucis pour renforcer son offre, multipliant les analyses de solutions ces derniers mois : « l'acquisition d'OpenIO permettra de compléter par des offres plus performantes, consistantes et plus riches en termes de support de S3 pour des cas d'usage spécifiques ».
Une première phase devant servir à jauger la réaction des clients, l'intérêt pour la solution et ses performances en production, face à des cas concrets. Elles pourront alors « fusionner pour couvrir tout le spectre des besoins en Object Storage en termes de performance, de grande capacité et de richesse fonctionnelle ». Ce qui n'est pour le moment qu'un objectif « à long terme », facilité néanmoins par l'utilisation de Swift comme base technique commune.
Mais est-ce le seul objectif de ce rachat ? Car ces derniers mois, nous avons entendu ici et là qu'Octave Klaba cherchait à redonner vie à l'un de ses bébés : hubiC. Une solution de stockage grand public bien connue des geeks, lancée fin 2011 et toujours fonctionnelle (mais plus proposée à l'ouverture de compte), qui a connu une vie pour le moins tumultueuse.
OpenIO et Nextcloud pour relancer HubiC... hors d'OVHcloud
Dans un message des mailings OVHcloud que nous avons pu consulter, Klaba indiquait début juillet qu'il comptait « migrer tous les clients sur NextCloud puis ajouter de nouveaux services ». Une solution déjà adoptée ailleurs, par exemple chez Infomaniak pour son kDrive. Gandi propose aussi une installation simplifiée.
Et pourquoi ne pas utiliser OpenIO pour gérer le stockage objet et profiter de son bon niveau de performances face aux offres concurrentes ? L'entreprise est pour rappel située à Lille, son PDG Laurent Denel connaît bien l'homme fort d'OVHcloud et pourrait sans doute l'aider pour l'aspect performances. Nous soupçonnions alors que les deux projets étaient liés d'une manière ou d'une autre. Nous avons donc posé la question.
La réponse ne s'est pas fait attendre : « je suis en train de regarder pour racheter hubiC à OVHcloud puis migrer tous les clients sur NextCloud et OpenIO », nous confirmait l'entrepreneur la semaine dernière. Pourquoi parler de rachat ? Parce qu'il veut tout simplement développer ce projet sur ses propres fonds, « en dehors » d'OVHcloud, précisait-il début juillet.
Jezby Ventures pour relancer hubiC et soutenir des projets
Pour cela, il dispose de ressources. Lorsque KKR et TowerBrook montaient au capital de l'hébergeur en octobre 2016, il créait la holding Digital Scale SAS comme associé unique. En décembre 2016 le capital était principalement composé de 25 281 778 actions ordinaires d'OVHcloud pour une valeur alors estimée à 189 241 551,05 euros. Soit 7,485 euros l'action.
Les apports à la constitution de Digital Scale SAS en décembre 2016 (à gauche), le capital social d'OVHcloud en décembre 2019 (à droite)
L'entreprise n'avait pas connu d'activité jusqu'à ce qu'elle lui serve à créer Jezby Ventures début juin, elle y fait office d'associé unique. Le capital (apporté en numéraire) était à la constitution de 100 000 euros.
Il s'agit du fonds servant de véhicule d'investissement aux différents projets que Klaba veut soutenir, mais aussi à racheter hubiC à OVHcloud. Certains évoquent la constitution d'une entité au sein de l'hébergeur pour consolider une activité à lui revendre au-delà du cas hubiC, mais ni l'intéressé ni l'entreprise n'ont souhaité nous répondre sur ce point.
Pour le moment, nous ne pouvons donc que confirmer que Jezby Ventures a investi le mois dernier dans API.video aux côté des britaniques Blossom Capital et Kima Ventures (le fonds de Xavier Niel). Dans son message concernant hubic Klaba indiquait continuer à « bosser sur le plan, constituer une nouvelle équipe et racheter d'autre technos ».
Un projet qui devrait donc encore demander de nombreux mois avant d'aboutir. Même si la solution technique était déjà prête, la phase de migration des données et d'échange avec les clients actuels demanderait plusieurs mois.
Retour à l'entreprenariat pour Octave Klaba
« Il reste encore du boulot, mais clairement je ne vais pas laisser hubiC comme ça se mourir. Il y a un besoin et je pense que l'on peut proposer une solution » ajoutait-il. Sans pour autant répondre à la question que tout le monde se pose : pourquoi ne pas faire cela directement au sein d'OVHcloud, qui dispose tant de l'infrastructure que des fonds ?
Plusieurs sources évoquent des conflits stratégiques au sein de la direction de l'entreprise, qui souhaite miser sur des lignes de produits à bonne rentabilité, visant notamment les services à forte valeur ajoutée. On pense notamment aux annonces récentes autour de Nutanix ou encore des solutions DGX-2 de NVIDIA.
Klaba voudrait aussi pousser ses propres projets, d'hubiC en passant par le champ d'éoliennes créé en 2011 (il tweetait encore récemment à son sujet) mais ne serait pas soutenu en ce sens. Tant l'intéressé que l'entreprise ont refusé de nous répondre sur le sujet. Klaba devrait prendre la parole publiquement sous peu pour évoquer la stratégie du groupe, qui continue son évolution, ayant levé 700 millions d'euros de dette fin 2019 :
Pour l'entrepreneur, repartir de zéro sur ses propres fonds via Jezby Ventures pourrait aussi être une sorte de retour aux sources. Dans un échange par mail il y a quelques jours, il nous disait croire au destin d'OVHcloud « dans le Cloud IaaS/PaaS mais personnellement ce n’est pas le seul projet par lequel je suis passionné ».