Avec la multiplication des Smart TV, Apple TV et autres boîtiers sous Android TV, on pouvait penser que l'ère des set-top box à la française prenait fin. Mais les annonces récentes des FAI nous montrent que c'est un peu plus compliqué que cela... et que la tendance n'est pas forcément à l'explosion des offres internet « nues » pour satisfaire les abonnés.
La grande révolution de l'accès Internet fixe a sans conteste été l'arrivée des « box » et du triple play : Internet, téléphonie et TV. Un forfait unique, et un tarif de 30 euros par mois popularisé par Free dès 2002.
Set-top box : le minitel a perdu une seconde fois face à Internet
La France avait plutôt été précurseur en la matière, les foyers s'étant depuis attaché aux box et leurs services, s'améliorant au fil des renouvellements. Un élément essentiel de la stratégie des FAI, faisant d'eux des gestionnaires de péage touchant des commissions sur les achats et abonnements facturés aux clients (chaînes payantes, VOD, etc.).
Mais ce modèle a vécu. Tout d'abord parce que les usages ont changé : nombreux sont ceux à ne plus utiliser leur téléphone fixe au profit du mobile et la TV linéaire n'est plus le centre du divertissement grand public. Les services de SVoD à la Netflix sont ainsi de plus en plus populaires, grignotant progressivement parts de marché et temps d'attention.
Surtout, les bonnes vieilles « set-top box » placés à côté de la TV n'ont pas su s'adapter. Pensées comme des minitels, avec une liste de service limités à quelques partenaires, elles ne tiennent pas la comparaison face aux plateformes plus ouvertes que sont Android TV et tvOS, toutes américaines qu'elles soient. Sans parler de la multitude de Smart TV.
C'est d'ailleurs cette dernière qui commence finalement à prendre leur place, sous l'impulsion de Samsung et de certains FAI... qui rêvent de pouvoir reproduire le modèle du smartphone subventionné au coût intégré à l'abonnement. Une stratégie qui ne sera pas forcément si simple que cela à imposer en 2020.
Vous êtes plutôt abonnement Internet nu, ou bourré de Premium ?
Ces dernières années, on a vu deux tendances émerger chez les fournisseurs d'accès internet. La première est celle de l'offre « nue » (ou presque), sans engagement. C'est RED et ses abonnements entre 16 et 23 euros par mois, avec Internet, téléphone illimité mais pas de TV, en option. Le client est ainsi invité à utiliser des boîtiers et services tiers, ou la TNT.
C'est également Sosh et sa Boîte Internet entre 20 et 30 euros par mois, sans engagement. Ici, la TV est incluse mais seulement via une application mobile. Le boîtier multimédia est là encore en option. Des offres qui ont intégré que certains consommateurs se contentaient de la TNT ou des services « OTT » (via Internet), cherchant plutôt l'économie.
Mais cette seconde offre a un défaut : elle est considérée non pas comme sans TV, mais comme un abonnement d'entrée de gamme, comme si ces deux critères étaient liés. Ainsi, elle ne donne pas accès au débit maximal dans sa déclinaison fibre, réservé à des forfaits de la marque Orange, où la TV est intégrée (on peut refuser la box, sans remise).
Red de SFR propose un débit élevé en option (parfois offerte), Sosh non.
La seconde tendance se développe d'ailleurs à l'opposé de ces accès internet presque « nus », tendant à alourdir la note. Le plus engagé en la matière est sans nul doute Free, ancien trublion reconverti dans la vente d'un Player Devialet à... 480 euros (étalables sur 24 mois). Une somme qui s'ajoute à une offre Delta déjà coûteuse mêlant bouquet de services, domotique et pack de sécurité. Le FAI a néanmoins l'avantage de ne pas segmenter commercialement ses débits fibre.
Mais cette stratégie est en décalage complet avec ce qui a fait le succès de l'entreprise à ses débuts, menant à une offre illisible, mélangeant les box, plutôt chère (surtout hors promotions) et imposant toujours un engagement. Si une Freebox v8 était attendue pour début 2020, devant permettre de renouveler le genre, elle vient d'être (à nouveau) repoussée.
De son côté, Bouygues Télécom a misé sur une offre diversifiée ces dernières années, mêlant petits prix et forfaits plus complets sous une même marque, sans forcément se démarquer ni dans l'un, ni dans l'autre. Il lui fallait donc frapper fort pour revenir dans la course. C'est ce qu'il a tenté de faire hier matin avec l'annonce à 11h de son offre Bbox Smart TV.
Il s'agit principalement d'un partenariat « exclusif » avec Samsung. Mais en réalité, le coréen s'est aussi associé à SFR qui a publié un communiqué (des plus incomplets) trois heures plus tôt pour griller la politesse à son concurrent et annoncer « la première offre associant une Box Internet et une TV ». Symbole de l'élégance d'Altice.
Un boîtier multimédia entièrement externalisé
Hier matin, la presse était donc invitée à découvrir la « nouvelle Bbox » de Bouygues Télécom. Mais après un long discours d’introduction, Benoît Torloting (directeur général adjoint en charge des opérations grand public et entreprises) a dévoilé… une boîte vide. Il n’y a « pas de box » confirment les intervenants visiblement contents de leur mise en scène.
Et d'annoncer qu'il s’agit d’un « service triple play sans set-top box ». Une « évolution du même ordre de grandeur » que la création de la première set-top box. Le FAI est « le premier opérateur à la faire disparaître pour le plus grand bien des consommateurs ». La preuve, le comité-client a totalement été conquis, comme le prouvent ces témoignages :
En réalité, c'est faux : elle est simplement remplacée par un téléviseur Samsung. Loin du story telling officiel, la réalité est donc plus crue : plutôt que de développer un boîtier entièrement à son nom ou un nouveau boîtier Android TV, le FAI a décidé de se reposer entièrement sur le constructeur coréen et son OS Tizen.
Seule brique lui restant à développer, ayant demandé un « travail spécifique » : l'application B.TV+, différente de B.TV. Au lancement, « 151 chaînes, 14 replays et 83 chaînes payantes proposées par B.TV+ ». Il nous a d'ailleurs été confirmé qu'elle se reposerait sur des flux OTT et non du multicast, un choix qui ne sera pas sans impact pour le réseau du FAI.
En effet, si un million d'abonnés regardent TF1 par ce biais, c'est autant de flux réseau à transporter, contre un seul en multicast. Une stratégie qui devrait donc évoluer si le succès est au rendez-vous.
Autre argument mis en avant pour convaincre les abonnés potentiels : « en plus des câbles inesthétiques nécessaires pour relier les deux box et pour l’alimentation électrique, cette installation obligeait les téléspectateurs à jongler entre deux télécommandes, celle de la TV et celle de la box… Avec Bbox Smart TV, un seul fil et une seule télécommande ! »
Voici la procédure de configuration :
Pour acheter la télévision, il faut… se rendre sur le site de Samsung
Une stratégie qui n'est pas sans rappeler le choix fait par Canal+ de proposer l'Apple TV comme un décodeur à ses abonnés en 2018, en complément des siens. Mais ici, l'externalisation est poussée à l'extrême, la TV n’étant pas vendue ou facturée par Bouygues Télécom, qui s'évite ainsi d'avoir à gérer les déclarations liées à la redevance audiovisuelle.
« Après la souscription de votre Offre Bbox Smart TV, vous pourrez commander votre Smart TV sur le site dédié Samsung. Une fois votre box activée, vous recevrez un e-mail de la part de Samsung vous permettant de commander votre TV (munissez-vous de votre adresse e-mail @Bbox pour vous identifier : disponible depuis votre Espace Client). Vous recevrez ensuite votre Smart TV dans la pièce de votre choix sous 2 à 10 jours ouvrés » précise le site du FAI.
Il s'agit de modèles « série 7 » de 2020. Interrogé, le FAI nous confirme qu'il s'agit d'un TU7125 (2020) de type 4K UHD. Trois déclinaisons seront proposées à des « prix de lancement » qui ne seront valables que jusqu'au 5 juillet :
- UE43TU7125KXXC de 43" à 49 euros
- UE55TU7125KXXC de 55" à 199 euros
- UE65TU7125KXXC de 65" à 349 euros
Sur son site, Samsung les vend pour respectivement 399, 599 et 799 euros. L'offre de Bouygues Telecom est donc une réduction lors de la commande, de 350 à 450 euros suivant la taille de l’écran. On est dans le même ordre de grandeur que la remise proposée par SFR selon son annonce de ce matin (dont les détails manquent) : 400 euros sur la UE43TU8005.
La télévision « est à vous » et il ne s’agit « pas d’une location ». Comme n’importe quelle offre de téléphonie mobile ou sur le fixe, vous pouvez résilier après un an en payant le quart des mensualités restantes (loi Chatel).
Les Smart TV Samsung 2019 et 2020 profiteront aussi de B.TV+
Tous les modèles 2019 et 2020 de Samsung pourront profiter de l’application B.TV+, il faudra par contre être abonné à Bbox Smart TV pour en profiter. Est-ce qu'il sera possible d'en acheter une deuxième et regarder deux flux en simultané ? Nous avons demandé la confirmation. L'exclusivité accordée à Samsung implique qu'aucune TV d'une autre marque ne sera proposée pour le moment. Aucun délai pour une éventuelle ouverture n'a été évoqué.
Ce transfert est loin d'être anodin, soulevant des questions sur le modèle économique et les relations qu’entretiendront les clients avec les FAI et les plateformes de streaming comme Netflix, Canal, OCS… Interrogé, Bouygues Télécom nous précise que les abonnements à ces services passeront « directement via l’application correspondante sur la TV Samsung ».
Nous avons demandé si accord commercial et/ou un partage des revenus était prévu, sans réponse pour l’instant. Un enjeu de taille. Mais l'objectif pour la filiale de Bouygues est peut-être de rebattre les cartes du jeu, son groupe ayant bien d'autres atouts dans sa manche. Alors que pour des FAI comme Free, les revenus générés par les box ont une importance différente. Il sera ainsi intéressant d'observer la réaction de l'ancien trublion dans les mois à venir sur le sujet.
Bbox Smart TV : 39,99 euros par mois, engagement de 24 mois… sans le modem Wi-Fi 6
Passons maintenant à l'abonnement lui-même, qui n'a rien d'exceptionnel. Pour rappel, les principaux FAI proposent déjà des abonnements sans box multimédia, mais généralement avec un accès limité aux services de télévision.
Bouygues Telecom précise que Bbox Smart TV n'est pas un test, c'est une « nouvelle offre pérenne » qui viendra s’ajouter aux trois déjà disponibles (Fit, Must et Ultym) dès le 2 juin en boutique, par Internet et via téléphone. Elle sera facturée 39,99 euros par mois avec un engagement de deux ans, sans hausse à la fin du contrat nous a-t-il été confirmé.
Seuls les nouveaux clients éligibles à la fibre pourront y souscrire dans un premier temps, les anciens pourront migrer dans « quelques mois ». Les débits seront de 1 Gb/s en téléchargement et 500 Mb/s en upload, avec des appels illimités vers les fixes et les mobiles. Une extension au xDSL est à l’étude, sans plus de précision.
Pour réduire les coûts, une économie a été faite sur le modem. Il ne s'agit pas du nouveau avec Wi-Fi 6 et réseau local à 10 Gb/s annoncé au début de l’année, mais l’ancien modèle « NG+ R1 » en Wi-Fi 5 et gigabit seulement, commercialisé depuis plusieurs années. Officiellement, parce que les TV de Samsung ne sont pas Wi-Fi 6.
Tant pis, donc, si votre smartphone, ordinateur et/ou portable sont compatibles avec cette nouvelle norme. La porte reste ouverte à des évolutions au niveau de l’offre et de ses conditions : « [nous avons] commencé par une offre cœur de gamme pour être le plus intéressant possible en termes de tarif », explique Benoît Torloting pour essayer là encore de se justifier.
On s’étonne d’ailleurs au passage que plus de quatre mois après son lancement, le nouveau modem ne soit toujours disponible que par téléphone, pas directement sur le site.
Un forfait mi-Must, mi-Ultym plutôt qu'un décodeur au choix de l'abonné
Des frais de mise en service de 29 euros et de résiliation de 59 euros sont à prévoir avec Bbox Smart TV (comme sur les autres Bbox). La commercialisation de l’offre le 2 juin avec la mise en ligne de la fiche d’information standardisée sera sans doute l'occasion d'en apprendre un peu plus, et de découvrir d'éventuelles surprises.
D'ici là, on peut déjà effectuer une première comparaison avec Bbox Must et Ultym :
Comme on peut le voir, le débit de la connexion est identique (1 Gb/s en téléchargement, 500 Mb/s en upload) à Ultym alors que le forfait est calé sur Must, sans bonus et options particulières. La Bbox 4K étant remplacée par la Smart TV.
Sur un an, Bbox Smart TV est l'offre la plus chère du fait de la résiliation anticipée, coûtant deux fois plus qu'un abonnement Must ou Ultym. Sur deux ans c'est encore le cas, mais l'écart est réduit : entre 200 et 350 euros de surcoût. Cet abonnement peut donc avoir son intérêt, permettant d'étaler le coût de la TV comme si elle était achetée à crédit.
Mais plutôt qu'une offre supplémentaire, on aurait apprécié d'avoir plutôt une gamme de forfaits permettant de choisir si l'on veut ou non une option B.TV+, avec un décodeur classique en location ou l'achat d'une TV Samsung à prix réduit contre un engagement de deux ans. Et pourquoi pas un débit plus ou moins limité comme le propose RED de SFR.
Entre cette solution et des abonnements RED/Sosh entre 590 et 630 euros sur deux ans (et parfois moins en changeant de FAI chaque année), chacun devra donc faire ses choix, selon ses besoins (notamment d'une nouvelle TV). Bouygues Télécom indique qu'il ne s'agit là que de « la première structure de l’offre, qui va se développer avec d’autres composants » et une gamme qui « vocation à s’étendre ». Affaire à suivre, donc.
Accès internet fixe + TV : qu'est-ce qu'a réellement annoncé SFR ?
Altice France voulait donc être la « première » à annoncer une offre d'abonnement internet accompagné d'une Smart TV Samsung. Son offre ne sera par contre disponible qu'une semaine après celle de Bouygues Télécom, le 9 juin. On sait pour le moment qu'il s'agit de TV de la série 2020 du coréen (TU8005) « associées à l’offre SFR Fibre Power » avec engagement de deux ans, à partir de 193 euros (1 euro à la commande, puis 24x 8 euros) pour la version de 43".
Comme nous l’avons déjà expliqué, il manque encore de (très) nombreux détails. On ne sait ainsi pas si les prix des forfaits actuels seront préservés ou revus à la hausse, si les remises la première année seront toujours appliquées ou non, si le boîtier multimédia sera remplacé par la TV ou non, etc.
On apprécie ainsi l'approche de Bouygues Telecom qui a consisté à organiser une conférence de presse virtuelle (crise sanitaire oblige) en prenant le temps de répondre aux questions des journalistes (avant et même après la conférence), là où SFR a simplement expédié un communiqué de presse à la va-vite, presque « vide » de tous les éléments importants.