La commission des affaires culturelles de l’Assemblée a lancé hier une mission d’information portant sur « L’école dans la société du numérique ». Tout en se penchant sur les grandes questions relatives aux enseignements et à la formation des professeurs, ses travaux devraient également contribuer aux débats autour du futur projet de loi sur les « fake news ».
Alors que François Hollande a marqué son quinquennat d’un « plan tablettes » à un milliard d’euros, quelle sera la politique d’Emmanuel Macron en matière de numérique éducatif ?
Le nouvel exécutif est pour l’instant resté extrêmement discret sur ce dossier, puisqu’il s’est principalement efforcé d’assurer la mise en œuvre d’une des rares promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière de numérique à l’école : l’interdiction des téléphones portables, désormais annoncée pour la rentrée 2018.
Certains députés entendent toutefois alimenter la stratégie de la majorité de manière plus globale. Afin de « réfléchir à l’école de demain pour accompagner les personnels éducatifs mais surtout les élèves, souvent démunis face aux médias et aux outils numériques », le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Bruno Studer (LREM), a ainsi annoncé mercredi 17 janvier qu’il allait diriger pour les mois à venir une mission d’information sur « la place et le rôle de l’école dans la société du numérique ». Ses travaux s’étendront au passage à « l’éducation aux médias dans les enseignements primaires et secondaires ».
Des « propositions concrètes » attendues pour le mois de juin
Composée de dix-huit députés, la mission d’information présidée par Bruno Studer prévoit de mener des auditions sur tout le territoire national et même à l’étranger, « à des fins de comparaison des pratiques et de rencontre des acteurs innovants ».
Quatre axes de travail ont pour l’instant été identifiés :
- Formation des élèves « à un usage responsable de l’information et des outils numériques afin de lutter contre la désinformation, mais aussi de s’assurer de la protection de ses données et de la fiabilité des sources »
- Définition de « la place de l’instruction au numérique dans les enseignements scolaires »
- Formation des enseignants
- Numérique et « organisation scolaire », afin de « s’interroger sur les défis que le numérique soulève pour l’école comme instrument de socialisation et son rôle dans l’apprentissage des savoir-faire et la construction du savoir-être »
Autant dire que les sujets à explorer s’annoncent nombreux : évaluation du « plan numérique » de François Hollande (qui comporte trois volets : matériel, contenus pédagogiques numériques et formation des enseignants), éveil à la programmation informatique, éducation aux médias et à l’information, etc. « Ils vont tout remettre à plat », nous explique-t-on à l’Assemblée nationale.
La question du portable pourrait également être abordée, mais pas sous l’angle de la mise en œuvre de l’interdiction qui figure dans la loi depuis 2010, nuance-t-on dans l’entourage de Bruno Studer – qui fut lui-même professeur d’histoire-géographie en collège. Le dossier des logiciels libres sera également « abordé », le contesté accord de partenariat entre Microsoft et le ministère de l’Éducation nationale ayant visiblement laissé des traces...
Une mission essentiellement tournée vers les enseignements et la formation
L’objectif : mettre sur la table des « propositions très concrètes » d’ici la fin de la session parlementaire, aux alentours de juin/juillet, voire à l’occasion de la rentrée prochaine. « Ces travaux auront vocation à accompagner la réflexion engagée par le gouvernement sur les « fake news » dans le cadre d’un projet de loi qui serait étudié au Parlement dans les prochains mois » ajoute-t-on au Palais Bourbon, en référence aux récentes annonces d’Emmanuel Macron.

Sur le terrain, certains professeurs s'inquiétaient à la rentrée de l'étrange silence conservé par le nouveau gouvernement quant aux questions numériques (voir notre article). Le 3 octobre dernier, le ministre de l’Éducation nationale a néanmoins assuré devant la commission aux affaires culturelles de l’Assemblée nationale, qu’il y aurait « évidemment » une « nouvelle étape du plan numérique dans les temps futurs, mais inspirée par quelque chose qui va au-delà du sujet des tablettes, et qui inclut notamment un fort volontarisme en matière de formation initiale et continue des professeurs ».
Tout en restant assez flou quant à ses intentions exactes, Jean-Michel Blanquer a pris de manière assez nette ses distances avec les tablettes chères à la précédente équipe gouvernementale. « Nous devons être attentifs à ce que la société des écrans n'apparaisse que progressivement dans la vie de l'enfant », avait-il lancé, au motif que « de plus en plus de rapports » considéraient que « l'exposition aux écrans avant six ans est très négati[ve] pour les enfants ».
« Nous devons faire un point sur le plan tablettes de façon à regarder les effets qu'il a pu avoir jusqu'à présent » s'était-il également justifié.
Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'État au Numérique, semble d'ailleurs sur la même longueur d'ondes : « Je ne suis pas un obsédé de la tablette pour tous », avait-il ainsi lancé, fin septembre, également face aux députés de la commission des affaires culturelles. « Je ne crois pas qu'il faut que 100 % de l'éducation passe par une tablette et que toutes les collectivités locales achètent massivement des tablettes à travers tout le territoire pour que tout le monde fasse sa journée avec une tablette. Par contre, à plusieurs moments de la journée, la tablette apporte des éléments de dialogue assez intéressants. »