SFR promet la fibre partout en 2025, quitte à remettre en cause le plan national

Orange, ô désespoir
Internet 5 min
SFR promet la fibre partout en 2025, quitte à remettre en cause le plan national
Crédits : kynny/iStock

SFR affirme qu'il débutera le déploiement de la fibre sur toute la France dès septembre, pour une couverture de 80 % du territoire en 2022 et complète en 2025. L'entreprise affiche sa défiance des réseaux d'initiative publique, en plein moment de tension sur l'attribution de celui du Grand Est.

Alors que SFR peine à tenir ses engagements sur la fibre, il dit maintenant vouloir couvrir tout le pays à ses frais. C'est ce qu'a annoncé hier soir Michel Paulin, le directeur général de l'opérateur, aux Échos. « Nous allons fibrer intégralement la France, et ce sans argent public » déclare-t-il dans un entretien.

Le groupe annonce la création d'Altice Infrastructures, qui sera chargé de poser la fibre sur tout le territoire d'ici 2025, avec une étape à 80 % en 2022 (calquée sur celle fixée par l'État via le plan France THD). Les travaux doivent débuter en septembre, avec de premiers raccordements d'ici Noël. Les zones où l'opérateur dispose déjà du câble sont concernées, précise le responsable.

« Nous ferons économiser 8 à 15 milliards d'euros au budget de la France » lance-t-il. SFR compte éviter des déploiements de fibre publique et envisage des pertes de rentrées pour Orange sur le cuivre. Autrement dit, SFR deviendrait l'infrastructure fibre de facto, menant les collectivités à passer par lui ou à doublonner la fibre. La société affirme clairement son dédain pour le modèle des réseaux publics, dans un mouvement interprété par certains comme du bluff.

Des relations tendues avec certains réseaux publics

SFR dit vouloir agir en accord avec les « territoires ». Un vœu pieux pour un opérateur qui se démarque dernièrement du plan national (voir notre analyse). Si l'entreprise dit être active sur les réseaux d'initiative publique montés par les départements et régions, pour couvrir les zones rurales, elle a engagé un feu nourri à leur encontre dernièrement. « Ce système devient obsolète et ne permet plus de tenir les engagements des pouvoirs publics, comme l'a rappelé la Cour des comptes » affirme Michel Paulin, qui s'appuie sur un rapport que le ministère de l'Économie qualifie d'obsolète.

Les tensions entre le groupe et les réseaux publics sont incarnées par le Grand Est, un projet de 900 000 lignes fibre, pour 1,3 milliard d'euros. SFR serait sur le point de perdre le contrat face à NGE Altitude, amenant son président Michel Combes à sortir de ses gonds, mettant en cause le processus d'attribution de la délégation de service public. Il menaçait même de déployer sa propre fibre en parallèle du réseau public en cas de verdict défavorable.

Pour SFR, les réseaux publics deviendraient « une source d'enrichissement de fonds d'infrastructures, basés dans des paradis fiscaux, ayant pour objectif de revendre leurs participations en faisant un gros profit sur le dos de l'État, et au détriment des vrais opérateurs télécoms ». Les deux dernières années ont effectivement vu une montée de ces fonds, réduisant d'autant le besoin d'argent public. Pour l'Agence du numérique, qui gère le plan, ces réseaux de collectivités sont de futures « machines à cash ».

La propriété du réseau comme mode de vie

Pourquoi cette nouvelle stratégie ? « Être propriétaire de son réseau, c'est notre business model, c'est aussi une garantie de retour sur investissement à long terme » déclare Paulin aux Échos. Une phrase entendue presque telle quelle outre-Atlantique, lors de l'entrée en bourse d'Altice USA. L'opérateur est pourtant en retard sur ses déploiements. Après le rachat de SFR par Numericable fin 2014, l'ensemble a gelé la pose de fibre pendant au moins un an, avant de la reprendre en grande pompe. En attendant, elle a été sanctionnée pour des engagements non-tenus vis-à-vis de Bouygues Telecom en zones très denses et Bercy a constaté le gel des déploiements sur Lille Métropole, qui s'est tournée vers Orange.

Désormais, la société demande une large re-répartition des déploiements en zones moins denses, soit les agglomérations moyennes où Orange et SFR déploient pour tous les opérateurs, qui coinvestissent. Sur les 12 millions de lignes concernées, Orange se taille la part du lion, en engrangeant à tours de bras les engagements auprès des collectivités. Hors de question de renégocier le partage, donc, ce qui a mené son concurrent à l'attaquer en justice.

« Nous sommes prêts à travailler avec Orange pour encore accélérer ce déploiement. À terme, nous détiendrons l'intégralité de nos infrastructures » affirme désormais la marque au carré rouge. Elle affirmait déjà ne pas souhaiter proposer ses offres sur les réseaux publics exploités par des concurrents. Maintenant, elle voudrait les esquiver complètement. Rappelons que ce sont les opérateurs privés eux-mêmes qui ont laissé la main aux collectivités sur la majorité du territoire, s'arrogeant les zones les plus peuplées (donc les plus rentables) en 2011.

L'opérateur pourrait-il tenir ses promesses malgré ses retards ? « L'ancien SFR était en retard. Sur le fixe, nous disposons toujours de la première couverture THD fixe, avec près de 10 millions de prises fibre » répond l'entreprise, qui confond toujours sciemment la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) avec le câble modernisé.

Un nouveau levier de négociation ?

La volonté affichée reste importante, voire démesurée pour la société, qui dispose néanmoins de larges capacités industrielles. S'agit-il d'un bluff pour revenir plus fort à la table des négociations face à Orange sur les déploiements ? SFR nie cette hypothèse dans Les Échos. Patrick Chaize, président de l'Avicca (une association de collectivités), qualifie tout de même l'annonce de fake news.

Dans tous les cas, le groupe de Patrick Drahi s'affirme bel et bien comme le trublion du plan France THD, qu'il promet de ne plus respecter au plan national, pour gérer lui-même ses déploiements avec les collectivités. Un choix de la force qui pourrait payer, au moment où le gouvernement cherche des moyens d'accélérer l'arrivée du très haut débit sur le territoire, insistant aujourd'hui sur la 4G fixe en attendant une fibre lente à arriver (voir notre analyse).

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