Le vote du barème Molotov sur le stockage en ligne, au titre de la copie privée, évitera-t-il les critiques voire les contentieux ? Pas si sûr en raison des contraintes pesant sur la plateforme, nées des exigences de TF1 et M6.
Il y a deux semaines, la commission copie privée a adopté les barèmes de redevance copie privée visant les services en ligne comme Molotov. La copie d’émissions, séries et films dans le cloud va donc tomber dans le périmètre de cette exception au droit d’auteur, un an après l’entrée en vigueur de la loi Création qui prévoit cette possibilité.
Pour mémoire, les membres de cette instance du ministère de la Culture ont opté pour un barème provisoire en vigueur ces douze prochains mois. Ce barème sera remplacé à terme par un tarif définitif déterminé selon les pratiques de copie mesurées au fil d’études d’usages et des données fournies par Molotov. Faute d'avoir assez de recul, la commission s’est appuyée temporairement sur le barème des box.
De 11 à 75 centimes par mois
Différence comptable : alors que les fournisseurs d’accès payent les sociétés de gestion collective en une seule fois, Molotov aura à payer entre 11 et 75 centimes par mois selon la capacité d’enregistrement choisie par l’utilisateur. Après négociations, le barème Box a en effet été étiré sur cinq ans, pour tenir compte de la durée d’abonnement des internautes (entre cinq et sept ans, selon la Fédération française des télécoms).
Pour Molotov, l’affaire n’est pas mauvaise théoriquement puisqu’en basculant sur le terrain de l’exception, la plateforme n’aura pas à négocier les droits avec les chaînes. Seulement, dans le détail, des couacs viennent gâcher le voyage de noces de la « télé réinventée ».
Un barème par équivalence... sans équivalence
Ce barème par équivalence est en effet susceptible d’être contesté, soit indirectement devant le CSA par une remise en cause des conventions passées entre Molotov et les chaînes, soit directement devant le Conseil d’État.
Plusieurs contraintes pèsent en effet sur les abonnés Molotov, contraintes que ne connaissent toujours pas les abonnés Internet. D’abord, les capacités d’enregistrements de deux géants de l’audiovisuel, TF1 et M6, sont limitées pour chaque groupe à 20 heures cumulées. De plus, l’abonné ne peut enregistrer plusieurs de leurs flux en simultanée. Enfin, sur les comptes « premium » l’enregistrement dans le cloud est limité à deux semaines toujours sur ces chaînes, à l’instar de ce qui existe sur les comptes gratuits.
Impossible de faire de l'enregistrement récurrent de sa série préférée, contraignant l'utilisateur à revenir réactualiser ces paramètres. Ces problèmes ont été exposés au sein de la commission copie privée, mais ils n’ont pas finalement pesé lors de l’adoption des barèmes.
En juin 2014, dans un précédent contentieux, le Conseil d’État a déjà jugé que les barèmes en commission copie privée reposent nécessairement sur des « approximations et des généralisations », mais il a exigé que ces travaux d’élaboration soient fondés « sur une étude objective des techniques et des comportements », sans pouvoir reposer « sur des hypothèses ou des équivalences supposées ».