Encore et encore. Un parlementaire vient à nouveau de tisser un lien entre terrorisme et contrefaçon, afin d’inciter l’exécutif à accentuer la lutte contre celle-ci. Cette fois, c’est Bernard Brochand qui s’y colle, celui qui fut également président du comité national anti contrefaçon.
Le député vient ainsi de questionner le ministre des Finances et des comptes publics sur le problème de la contrefaçon, considérée comme « nouvelle source de financement du terrorisme ». Il lui demande en substance quelles mesures il entend « prendre pour lutter efficacement » contre ces copies et trafics illicites, « notamment au regard de ses ramifications avec le terrorisme ».
L’encrier ? Le rapport de l’UNIFAB
Ses sources d’inspiration ne sont pas bien difficiles à trouver. Brochand a plongé en effet sa plume dans un rapport de l'Union des fabricants (UNIFAB) remis à Bercy début 2016 .
Dans ce document, l’organisation qui compte dans ses rangs Peugeot Citroën, Lacoste, Disney, Microsoft, LVMH, Orange, Nike, Vivendi, l’ALPA, la Société civile des producteurs de phonogrammes, etc. multiplie les rapprochements entre contrefaçons et cette criminalité.
On peut y lire qu'Internet est un « canal de distribution par excellence des marchandises de contrefaçon, en raison de son caractère anonyme ». Le piratage de CD ou DVD ? Un vecteur au service d’une « plus grande propagande des groupes terroristes qui mettent en vente des disques contenant, par exemple, des images du Djihad. Dans ce cas, la contrefaçon participe directement au recrutement de nouveaux adeptes ». Les intermédiaires techniques ? Trop souvent, ils permettent « aux contrefacteurs d’étendre considérablement leur champ opératoire ». Les attentats du 13 novembre ? « Ibrahim et Salah Abdeslam résidaient dans la commune belge de Molenbeek réputée pour son contexte sociosécuritaire particulièrement précaire », etc.
Brochand surfe lui aussi sur cette vague : « la contrefaçon est à ce jour la deuxième source de revenus criminels dans le monde. Les réseaux terroristes organisent désormais la fabrication et la distribution de produits contrefaits pour alimenter leurs opérations. Il a été prouvé, lors de l'enquête sur les attentats de Paris en janvier 2015, que les frères Kouachi s'étaient livrés au trafic de chaussures de sport pour financer leurs opérations ». Tout en reprenant l’exemple de Molenbeek : le « cœur des enquêtes des attentats du 13 novembre 2015, est bien connu depuis plusieurs années pour être le théâtre de nombreuses saisies de contrefaçons, car c'est une plaque tournante importante de ce trafic ».
Dans son esprit, la contrefaçon offre ainsi à des individus parfois isolés « la possibilité de se financer rapidement tout en passant inaperçus et il devient un choix logique pour ces derniers ».
Afin d’aiguiller l’exécutif sur la bonne voie, il considère du coup que ce délit « est trop faiblement sanctionné. [Il] permet un large profit pour un investissement faible et les peines prononcées sont très rarement appliquées, car peu importantes ». De plus, « ce trafic est de plus encouragé par Internet, car sa législation est trop permissive ».
Des tentatives qui s’enchaînent, des parlementaires qui se déchaînent
Cette intervention vient nourrir plusieurs tentatives récentes visant toutes à asséner de nouveaux tours de vis sur la législation en cours. Ainsi, en juin dernier, à l’occasion du projet de loi Numérique, le socialiste Richard Yung, président du Comité national anti contrefaçon, a tenté de faire peser sur les épaules des plateformes un devoir de diligence, afin qu’elles aient à prendre « toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants ».
Il calait sa proposition sur la législation relative à la « lutte contre la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, l’incitation à la haine raciale, la pédopornographie et les activités illégales de jeux d’argent ». Un amendement repoussé finalement en commission mixte paritaire.
Un mois plus tôt, cette fois dans le cadre du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, des députés ont tenté d’insérer le délit de contrefaçon en bande organisée « dans la liste des infractions susceptibles d’être commises en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Avantage ? Permettre de déployer l’artillerie lourde de la procédure en vigueur contre cette criminalité. L’amendement, également inspiré par le rapport de l’Unifab, fut là encore rejeté.
Dans le même texte, toujours à l’Assemblée nationale, d’autres ont proposé cette fois de punir cette bande organisée d’une peine de… 30 ans de prison. « La contrefaçon est utilisée aujourd’hui par les réseaux terroristes. La législation actuelle est peu dissuasive. Quand on regarde de près, les peines qui existent sont rarement appliquées » soutenait ainsi le député Hetzel, dans une prose proche de celle de Brochand. Ce quantum testosteronné est resté lettre morte, car jugé « totalement disproportionné » en commission des lois. Il revenait en effet à sanctionner ces faits comme un meurtre.
Parfois, cependant, les essais sont transformés. Ainsi, dans la loi du 3 juin 2016 sur la réforme pénale, les parlementaires fans du rapport de l'UNIFAB sont tout de même parvenus à faire sanctionner la contrefaçon en bande organisée à 7 ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende, au lieu des 5 ans et 500 000 euros alors en vigueur.